Le conventionnel se cherche un avenir face à la conteneurisation

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Le monde du transport maritime se partage entre les vracs, liquides ou solides, d’une part, et les marchandises conteneurisées. Entre ces deux modes, il existe une catégorie qui englobe plusieurs types de transports regroupée sous le vocable de « marchandises conventionnelles ». Elles regroupent toutes les marchandises qui ne sont ni en vrac ni en conteneurs. Il s’agit de cargaisons comme les produits forestiers, les voitures, le matériel roulant (ma chines agricoles, matériels miniers, etc.), des produits métallurgiques, les denrées périssables qui ne voyagent pas en conteneurs, et bien d’autres encore. Le dénominateur commun de ces marchandises est qu’elles sont transportées directement sous leur forme en sortie d’usine ou dès leur production ou alors chargées dans des sacs ou des cartons arrimés dans les navires. À bien regarder ces différents types de colis, il s’avère que ce mode de transport a été parmi les premiers dans le monde maritime moderne. Les filets de sacs de farine ou de sucre chargés, ou encore les sacs chargés directement à dos d’homme dans les cales des navires ont été le plus courant des modes de chargement jusqu’à récemment.

Les changements se sont opérés lorsque la conteneurisation est intervenue pour offrir un contenant à ces différentes marchandises. Le sucre, la farine, les produits forestiers sont le plus souvent aujourd’hui, mis en conteneurs. La conteneurisation a su gagner des parts de marché. Les navires conventionnels réfrigérés, dans lesquels se sont longtemps chargés des palettes de cartons de fruits ont presque disparu des mers. Les derniers sont devenus des reliquats d’un passé ou la conteneurisation n’avait pas encore pleinement déployé ses forces. Il n’en demeure pas moins que le trafic de marchandises conventionnelles demeure un secteur à part entière dans le transport maritime. Il offre des solutions plus adaptées au marché que le conteneur. En effet, certaines marchandises comme les composants de projets industriels pour la construction d’une usine ou encore des colis, soit volumineux, soit trop lourds pour être emportés dans un conteneur utilisent encore des navires spécifiques.

Le conteneur au détriment du conventionnel

Lors de la convention annuelle de l’American Association of Ports Authority (AAPA), un consultant de Norbridge a présenté les atouts de ces navires conventionnels face aux porte-conteneurs. Si dans la conteneurisation les navires obéissent à des horaires réguliers, le conventionnel travaille le plus souvent sur la notion de service: il s’agit en effet d’offrir des points de départ et des points d’arrivée entre deux continents, avec la possibilité de procéder à des escales dans d’autres ports. « Les navires conventionnels agissent plus comme un service de taxi que comme un service d’autobus », a expliqué ce consultant. De plus, l’offre de transport s’adapte à la demande quand, pour les conteneurs, il appartient aux chargeurs de s’adapter aux conditions de charge.

Pourtant, bon nombre de marchés se sont tournés vers le conteneur au détriment du conventionnel. Deux exemples viennent immédiatement à l’esprit avec les trafics sous température dirigée et les produits forestiers. Les fruits, viandes et tous produits alimentaires devant être transportés dans des conditions particulières de température sont aujourd’hui passés à la conteneurisation. Parmi les raisons invoquées par bon nombre d’importateurs et d’exportateurs c’est la diversité des lignes régulières dans le monde et la qualité de transport des navires cellularisés qui a su faire la différence. Selon les estimations du consultant néerlandais Dynamar, environ 75 % du trafic de produits sous température dirigée a modifié sa chaîne logistique vers la conteneurisation. Le même phénomène se constate pour les produits forestiers. L’obligation faite par les pays producteurs de procéder à des opérations de valeur ajoutée sur les produits a mis fin à la circulation des navires de type grumier. Quant à la pâte à papier, elle se conteneurise de plus en plus, au détriment des trafics rouliers, tout comme les différents produits issus des bois. Seuls quelques trafics résiduels demeurent en conventionnel. Enfin, même si ce trafic reste marginal, il est de plus en plus fréquent de voir des yachts ou autres navires de plaisance emprunter un porte-conteneurs pour se rendre à leurs ports d’attache. Bien qu’amputé d’une partie de son marché, le trafic des conventionnelles sait cependant encore tirer profit de sa spécialisation. Il répond à des demandes particulières auxquelles aucun autre type de navire ne saurait répondre. Si l’on excepte les trafics rouliers qui sont une catégorie et un marché à part, les navires spécialisés apportent une solution sur des produits comme les colis lourds, volumineux, les projets industriels. Les armateurs ont également su voir plus loin en adaptant leurs navires pour le transport et l’aide à la pose d’éoliennes en mer, qui répond au dé veloppement de la production électrique actuelle.

L’intérêt qu’il y a donc à disposer de navires spécialisés n’est plus à démontrer. Et pourtant la flotte tend à se réduire. Dans sa lettre hebdomadaire, le consultant néerlandais Dynamar a examiné l’évolution des dix premiers armements, sur l’année. Au 1er avril, ils ont totalisés une flotte de 435 navires. Un an auparavant, au 1er avril 2014, les mêmes opérateurs affichaient une flotte de 449 navires. En nombre de navires, la baisse de la flotte s’évalue à − 3, 1 %. En tonnage, la diminution est plus importante, avec une réduction de 9, 2 % sur l’année. Pour le consultant néerlandais, ces réductions sont liées à la diminution des projets dans l’industrie pétrolière et gazière. La baisse des prix du pétrole n’incite pas les groupes producteurs à mettre en activité leurs champs, préférant attendre un retour à des prix plus élevés. « Et cela risque de durer », prédit Dynamar.

435 navires pour le top 10

Le peloton de tête de ces opérateurs est tenu par BBC Charte ring, qui gère une flotte de 130 navires pour un tonnage de 1, 4 Mtpl. Il est suivi par Coscol, filiale du groupe chinois Cosco (opérant aussi dans la conteneurisation), qui aligne une flotte de 58 navires pour 1, 3 Mtpl. La troisième place revient à Thorco, opérateur qui a fusionné avec Clipper Projects, qui présente 75 navires pour un tonnage de 984 000 tpl. En 2015, Intermarine est entré dans le top 10 avec 43 navires pour 400 000 tpl. L’armement américain basé à Houston a surpassé Hansa Heavy Lift qui se retrouve en onzième position. Parmi les autres groupes de ces prin cipaux opérateurs figurent Chipol brok, Macs, Rickmers, Swire, Spliethoff et AAL. Ce classement pourrait être modifié l’an prochain compte tenu des commandes de navires neufs. Cosco a en commande 14 navires pour une capacité de 456 000 tpl, BBC, de son côté, en a six pour 87 000 tpl.

Dynamar a publié pour les mêmes opérateurs les capacités de levage de ces navires. Au total, pour les 435 navires opérant pour les dix premiers armateurs, la capacité de levage globale (après addition de la capa cité des grues de bord) s’élève à 121 800 t, soit 8 % de moins que l’an passé. BBC Chartering demeure en tête de la liste avec une capacité totale de 44 000 t et une capacité par navire entre 120 t et 900 t. La seconde place revient à AAL avec une capacité moyenne par navire de 600 t pour chacun de ses 18 navires.

Combiner les dimensions humaines et mécaniques

Si la conteneurisation a su prendre au trafic conventionnel des parts de marché, dans certaines filières, ce dernier résiste tout de même grâce à la spécialisation des navires et des opérations. Le propre des trafics de marchandises conventionnelles est de combiner les dimensions mécaniques et humaines du travail naval. Le chargement et déchargement de produits comme les projets industriels, demande une technicité de tous les opérateurs de la chaîne logistique. La tendance récente, qui reste donc à confirmer, d’une automatisation des terminaux à conteneurs, peut aussi devenir une ressource pour le conventionnel, qui a besoin de compétences sur les quais et à bord. Lors du dernier Carrefour du Journal de la Marine Marchande qui s’est tenu à Paris le 17 avril, Jean-Jacques Thiebaut, directeur de lignes chez Safmarine l’a rappelé. « Il faut saluer la qualité de travail dans les terminaux africains et européens. Nous transportons des marchandises volumineuses et parfois fragiles, nous travaillons avec des ouvriers dockers de grande compétence. » Il existe un marché du transport maritime, qui exige de la part de tous les maillons de la chaîne logistique technicité et précision et qui ne pourra donc ni se mécaniser ni s’automatiser.

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