Aboutissement d’un chantier pharaonique, la mise en service du terminal conteneurisé d’APM à Rotterdam relève de la prouesse technologique à plus d’un titre. Bâtie sur un terrain conquis à la mer du Nord, l’aire de manutention exploitée par APM dans la nouvelle zone portuaire Maasvlakte II, est entièrement automatisée et ne produit aucune émission nocive à l’environnement. Une première mondiale dans l’histoire du transport maritime.
« L’automatisation de l’ensemble de la chaîne des opérations vise à accroître la productivité et renforcer la sécurité », résume Kim Fejfer, directeur général d’APM Terminals, la filiale néerlandaise du géant danois Mærsk, à l’occasion de l’inauguration de cette première phase des travaux du nouveau site qu’elle exploite à Rotterdam.
« Productivité et sécurité sont devenus essentiels du fait des porte-conteneurs géants d’une capacité de 18 000 EVP transbordant 5 000 conteneurs à chaque escale, qui sont appelés à dominer les flottes de navires, notamment pour les liaisons entre l’Europe et l’Asie », poursuit le dirigeant du géant de l’exploitation portuaire.
Présent dans 58 pays avec 20 000 salariés, APM Terminals a réalisé un chiffre d’affaires de 4,5 Md$ en 2014 en traitant 38,3 MEVP. Depuis plusieurs exercices, le groupe investit un milliard de dollars par an pour étendre ses activités dans tous les ports de la planète.
Une nouveauté: des portiques STS
À Rotterdam, le nouveau terminal qui a réclamé 500 M € d’investissement pour sa construction et ses équipements, s’étend sur 86 hectares. Un quai de 1 000 mètres linéaires équipé de rails permet l’accostage des navires. En sa bordure, huit portiques du « dernier cri » dénommées « ship to shore » (STS), vont se charger des transbordements.
La grande nouveauté de ces grues STS est l’absence de cabine dans laquelle un manutentionnaire se charge des opérations de chargement ou de déchargement des conteneurs. Désormais, le « docker » est installé à son bureau surveillant le bon déroulement des opérations qui se déroulent sous ses yeux sur l’écran d’un ordinateur. Le transbordement du conteneur, sa livraison au transporteur ou son entreposage sont contrôlés en temps réel.
Une fois déchargé, le conteneur est déposé sur un véhicule électrique auto-guidé. Constituée d’une soixantaine de ces engins, cette flotte de véhicules se charge alors d’acheminer les « grosses boîtes de fer » vers des emplacements dédiées à leur transport ultérieur par route, par fer ou voie fluviale. Pour compléter le dispositif, 54 grues automatisées montées sur rail se chargent de l’entreposage des conteneurs.
Port du « futur », ce terminal pour conteneurs se veut une vitrine en matière de transport Intermodal. L’objectif est d’acheminer en aval 55 % du fret débarqué par voie fluviale ou ferroviaire. Pour cela, quatre voies de rails sont directement reliées à la ligne ferroviaire de la Betuwe desservant la région allemande de la Ruhr. Pour le fluvial, un quai d’une longueur de 500 mètres est dédié à la manutention des barges. La construction de ces équipements participant au développement durable ont été financés à hauteur de 5,3 M € par l’Union européenne.
En termes de capacité, les nouvelles installations d’APM Terminals sont conçues pour absorber un trafic annuel de quelque 2,7 MEVP. En théorie, 19 224 conteneurs peuvent être déchargés en 24 heures.
Autant de chiffres qui vont répondre à la nouvelle donne dans le transport maritime. « Le volume de fret acheminé auparavant par trois navires à Rotterdam en plusieurs jours, arrive aujourd’hui sur une seule unité en même temps », constate Ben Vree, directeur général d’APM Terminals en Europe, en Chine et au Japon. À court terme, la mise en service de ces installations va avoir pour effet de désengorger l’excès de trafic rencontré à Rotterdam ces derniers mois. L’ouverture avec plusieurs mois de retard du terminal a en effet coïncidé avec un regain du trafic conteneurisé en début d’année. D’où des embouteillages à répétition qui ont fortement perturbé les flux logistiques sur le premier trimestre, notamment les transports fluviaux Hinterland.
Une situation désormais révolue. En septembre prochain, le deuxième terminal conteneurisé de Maasvlakte II, Rotterdam World Gate (RWG), ouvrira ses portes. La capacité de manutention du port néerlandais devant alors atteindre 25,2 MEVP par an, contre 19,8 MEVP aujourd’hui.
De grands projets de modernisation
Mais les ambitions de Rotterdam et d’APMT ne s’arrêtent pas là. À l’horizon 2020, la seconde phase du chantier du terminal d’APMT, devrait être bouclée. D’une superficie de 180 hectares, l’ensemble du futur site disposera d’un quai dédié aux porte-conteneurs d’une longueur de 2 800 mètres. La capacité annuelle de ce terminal devrait atteindre 4,5 MEVP.
Ces agrandissements font partie intégrante de la stratégie de la société d’exploitation du port de Rotterdam. Son objectif est de capter des parts de marché dans le secteur conteneurisé face aux grands ports rivaux de sa catégorie: Anvers et Hambourg. Pour les transporteurs maritimes du monde entier, l’atout du port de Rotterdam doit aller au-delà de l’accès maritime direct dont il dispose, contrairement à ses deux concurrents européens. Les Néerlandais entendent creuser davantage l’écart avec les Belges et les Allemands en se dotant d’installations ultra-modernes.
C’est tout le sens du projet d’extension de longue haleine Maasvlakte II. Avec leur savoir-faire sans pareil pour aménager leur territoire, les Bataves ont de nouveau « déplacé des montagnes » pour bâtir cette nouvelle zone d’activités dans le premier port européen.
Comme aux siècles passés avec les polders, les travaux colossaux démarrés en 2008, ont fait reculer la mer. Une superficie de 2 000 hectares a ainsi été conquise sur les eaux puis comblée en déversant 310 M m3 de sable.
Une digue de 12 km protège aujourd’hui le front le mer de Maasvlakte II des assauts maritimes. Au total le coût de ces aménagements s’est élevé à 2,9 M €.