Les trois dossiers de reprise de la SNCM seront examinés dans le détail le 22 avril par les juges consulaires marseillais. Cette cession s’avère particulièrement complexe puisque l’entreprise, sous le coup d’une double amende européenne, vient de perdre la délégation de service public pour les dix prochaines années. À quelques jours de l’audience, les esprits se tendent, les stratégies s’aiguisent du côté des trois repreneurs désignés.
Patrick Rocca, le corse de l’étape qui avait déclaré maintenir coûte que coûte son offre (à 7 M€) a choisi de se murer dans le silence. Afin d’être certain de répondre aux critères de discontinuité imposés par Bruxelles pour éviter les amendes européennes, il serait prêt à renoncer dès à présent à la délégation de service public, sans attendre l’échéance du 1er octobre 2016. Forcément, sans compensation financière, le périmètre de reprise serait passablement restreint. Tout au plus 500 personnes sur les 1 520 salariés seraient gardées et quatre navires sur les sept qui constituent la flotte SNCM seraient repris. Le transporteur corse miserait aussi sur ses bonnes relations avec la Méridionale qui assurerait la convention de service public durant cette période transitoire pour bénéficier d’une sous-délégation.
Qui de Baja Ferries, Med Partners ou Rocca l’emportera?
Très prudent également, Christian Garin, à la tête de Med Partners, a dû revoir sa copie pour lever les conditions suspensives liées à son offre. Il s’engage à reprendre 897 salariés dont 628 navigants. Au mécanisme de la location-gérance des navires, il propose désormais l’acquisition en pleine propriété, faisant une offre à 12,2 M€ pour 6 navires et les filiales SITEC et MCM. Il dit allouer en plus une enveloppe de 2,7 M€ pour financer le plan social et maintien son programme de construction de nouveaux navires, tout en restant évasif quant à son plan de financement. Par ailleurs, Christian Garin estime que la résiliation de la DSP constitue un critère de discontinuité juridique. Quant aux incertitudes qui planent sur l’obtention de la prochaine convention, il rétorque: « Je ne peux imaginer que Med Partners soit exclu dans le cadre d’un appel d’offres ».
Baja Ferries, troisième repreneur en lice, offre 15 M€ pour racheter la SNCM et propose de reprendre 708 salariés. La résiliation de la DSP a porté un coup à son plan d’investissements passé de 100 à 50 M€. « Les banquiers n’aiment pas les risques. La visibilité s’est réduite », concède Pierre Sallenave, fonctionnaire du ministère des Transports, associé au gérant de Baja Ferries, Daniel Berrebi. Une de ses conditions suspensives n’est toujours pas levée. Le repreneur se heurte au refus catégorique des salariés de voir appliquer le pavillon communautaire (Malte) sur les lignes internationales.
À ce jour, aucune de ces offres n’obtient les faveurs des organisations syndicales de la compagnie maritime dont la fin de la période d’observation a été fixée au 28 mai. Cession, liquidation, prolongation du redressement judiciaire, les juges ont toutes les cartes en main.