La Collectivité de Corse la souhaitait exceptionnellement longue, dix ans. La délégation de service public n’aura jamais été aussi courte. Vingt mois seulement. En effet, le 7 avril, la première chambre du tribunal administratif de Bastia a prononcé la résiliation de l’actuelle délégation de service public maritime (2014-2023) au 1er octobre 2016.
Attribuée en septembre 2013 au tandem SNCM/Méridionale pour une période de dix ans à compter du 1er janvier 2014, la DSP a aussitôt fait l’objet d’un recours en justice de Corsica Ferries. Aujourd’hui, la compagnie aux navires jaunes savoure sa victoire. « C’est une nouvelle avancée juridique pour Corsica Ferries qui a été écartée à tort de l’appel d’offres, alors que son offre était très compétitive, et sous la pression de concurrents qui l’étaient beaucoup moins. Le tribunal suggère, comme l’autorité de la concurrence avant lui, de se poser la question de l’éventualité d’un système d’obligations de service public car la DSP n’est pas forcément le meilleur système de desserte. Il a conduit jusqu’à présent à de nombreux contentieux et au versement d’aides d’État qui courent le risque d’être déclarées illégales et de devoir être remboursées », fait valoir le directeur général de Corsica Ferries, Pierre Mattei. Cette décision a également sorti de sa réserve La Méridionale qui procède à l’analyse du contenu du jugement dans le détail avant de décider des éventuelles suites à donner sur le plan juridique. « La compagnie constate malheureusement que seuls les arguments de Corsica Ferries ont été retenus dans la décision », commente son p.-d.g., Marc Reverchon.
Médiation avec l’Office des transports de la Corse
Placée par le tribunal de commerce de Marseille en période d’observation jusqu’au 28 mai, la SNCM a subi le 7 avril une double défaite, le tribunal administratif de Bastia ayant en parallèle rejeté sa requête tendant à la condamnation de l’Office des transports de la Corse à lui verser une indemnité de 30 M€ au titre des surcoûts du combustible pour les années 2010 et 2012. La SNCM et l’Office des transports de la Corse ont néanmoins convenu d’engager une procédure de médiation diligentée par un magistrat de l’ordre administratif.
Bien évidemment, la résiliation de la DSP intervient 15 jours avant une audience décisive pour la SNCM. Ce hasard du calendrier n’est pas sans susciter des interrogations du côté des organisations syndicales. « La proximité entre les deux dates entraîne des conséquences incalculables (…) », a commenté le syndicat CFE-CGC de la SNCM, à l’issue du comité d’entreprise.
Le 22 avril en effet, les juges consulaires examineront une nouvelle fois les dossiers de reprise de la compagnie maritime. Ils pourraient, quelques jours plus tard, décider de prononcer la poursuite de l’activité, demander de nouvelles modifications des offres, ou plus radicalement choisir de liquider l’entreprise.
Certes, les trois candidats au rachat de la SNCM (Christian Garin, Patrick Rocca et Daniel Berrebi) ont confirmé maintenir leurs offres de reprise de la compagnie en dépit de la résiliation de la DSP et de la condamnation européenne à rembourser à l’État français 440 M€ d’amendes.