JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): DANS UN COMMUNIQUE OFFICIEL, L’ASSOCIATION DES PORTS ITALIENS ASSOPORTI FAIT ETAT DE SES INQUIETUDES APRES LA DEMISSION DU MINISTRE DES TRANSPORTS ET DES INFRASTRUCTURES MAURIZIO LUPI. POURQUOI DE TELLES INQUIETUDES?
PASQUALINO MONTI (P.M.): Notre association a toujours estimé qu’un pays comme l’Italie devrait avoir un ministère de l’Économie de la mer compte tenu de la situation géographique du pays et de l’impact du secteur maritime sur le PIB. Il est donc normal que le fait que le nouveau ministre des Transports et des Infrastructures n’ait pas encore été nommé nous inquiète au plus haut point. La situation infrastructurelle des ports italiens est critique. Il faut prendre des décisions importantes au plus tôt pour éviter un blocage total des ports. Non seulement en ce qui concerne la situation au quotidien, mais aussi son positionnement sur l’échiquier maritime européen et international. Si les choses restent en l’état actuel, le système portuaire italien ne pourra pas affronter la concurrence et prendre de nouvelles parts de marchés. Une très mauvaise stratégie pour un pays dont les deux tiers de la superficie sont bordés par la mer.
JMM: AVANT DE DEMISSIONNER, MAURIZIO LUPI A DECLARE QUE LE PROJET DEFINITIF DE REFORME PORTUAIRE AURAIT DU ETRE PRESENTE D’ICI LA FIN DU MOIS. CETTE DATE POURRAIT-ELLE ETRE REPOUSSEE?
P.M.: Nous sommes certains que le président du Conseil Matteo Renzi a compris que la mise en place rapide d’un nouveau dispositif est indispensable. J’ai fait partie, en tant que président d’Assoporti, de la commission d’experts qui a contribué à la présentation d’un plan sur le système portuaire et la logistique. Le document que nous avons rédigé a été présenté au ministère, et par conséquent le successeur de Maurizio Lupi trouvera nos conclusions dès qu’il sera nommé. J’espère que les éléments que nous avons insérés dans ce document pourront l’aider à réfléchir sur les changements qu’il faut introduire au plus tôt, non seulement au niveau des ports mais aussi au secteur qui tourne autour des sites et constitue le tissu économique portuaire.
JMM: AVEC LE DEPART DE MAURIZIO LUPI, LE PROJET DE REFORME PORTUAIRE QUI A FAIT L’OBJET DE NOMBREUSES DISCUSSIONS ENTRE LA COMMISSION D’EXPERTS ET LE MINISTERE – MAIS AUSSI LES PRESIDENTS DES AUTORITES PORTUAIRES – POURRAIT-IL ETRE MODIFIE VOIRE CARREMENT RANGE DANS UN TIROIR?
P.M.: Il est à souhaiter que les efforts accomplis par les différentes parties pour mettre au point le projet de réforme équilibré dont ont besoin les ports n’auront pas été vains. Laisser les choses en l’état actuel ou effacer les efforts qui ont été faits pour proposer un modèle de réforme détériorerait ultérieurement la situation et compromettrait le travail effectué pour relancer la compétitivité du secteur portuaire italien.
JMM: QUELLES SONT LES AUTRES PRIORITES INDIQUEES PAR ASSOPORTI?
P.M.: Il faut alléger le mammouth. La bureaucratie qui entoure le système est étouffante. Les normes doivent être simplifiées, je dirais même éclaircies. Je pense par exemple aux procédures de dédouanements, à un système de liaison efficace entre les différents départements administratifs qui œuvrent dans chaque port pour éliminer les pertes de temps. Il faut aussi renforcer l’autonomie financière portuaire. Cela veut dire permettre aux ports d’utiliser tous les instruments possibles et imaginables pour améliorer leur rendement et leur efficacité sans que ceci ait un impact sur les bilans de l’État italien.
JMM: VOUS EVOQUEZ L’IMPORTANCE POUR L’ITALIE D’UN MINISTERE DE LA MARINE. QUEL MODELE SUGGEREZ-VOUS?
P.M.: Je pense à un ministère des Transports et de la logistique. Un ministère de l’économie maritime ne devrait pas s’occuper seulement des questions liées à la mer. Il faut relier la terre et la mer. Il faut améliorer l’aspect de la logistique, notamment en ce qui concerne le transport intermodal. On pourrait par exemple dresser un tableau de la situation en créant une sorte de carte des ports maritimes, des ports de navigation intérieure, des plates-formes intermodales réseau routier-fer. Dans le document rédigé par la Commission, nous avons d’ailleurs soulevé cette question comme faisant partie des exigences prioritaires du secteur portuaire.
JMM: FAUT-IL DONC SCINDER EN DEUX LE GRAND MINISTERE DES INFRASTRUCTURES ET DES TRANSPORTS COMME L’A LAISSE ENTENDRE LE PRESIDENT DU CONSEIL AU LENDEMAIN DE LA DEMISSION DE MAURIZIO LUPI, UNE HYPOTHESE DEJA REFUTEE PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE SERGIO MATTARELLA?
P.M.: Je ne suis pas un politicien mais un technocrate. Le gouvernement est le seul à pouvoir prendre une telle décision. Pour l’heure, compte tenu du fait que le ministère de la Marine n’existe pas en Italie, il faut que nous ayons à disposition, et rapidement, les instruments nécessaires à la relance des moteurs portuaires pour pouvoir affronter les défis du marché maritime.
JMM: COMPTE TENU DES NOMBREUX DEFIS QUE VOUS AVEZ EVOQUES, LE PORTEFEUILLE DES TRANSPORTS ET DES INFRASTRUCTURES DOIT-IL ETRE CONFIE A UN TECHNOCRATE EXPERT DE REFORMES PORTUAIRES ET D’INTERMODALITE, OU A UN POLITICIEN?
P.M.: Nous n’avons pas de conseils à donner à Matteo Renzi. En revanche, le successeur de Maurizio Lupi doit être nommé au plus tôt et notre interlocuteur devra être capable de dialoguer avec nous, de nous écouter. Qu’il soit une personnalité sensible qui puisse comprendre que les deux tiers de l’Italie sont baignés par la mer et que l’apport de l’économie maritime à l’économie nationale est essentiel en termes de PIB. Notre secteur peut contribuer à la relance des moteurs de la péninsule. En Italie, 85 % des marchandises arrivent par voie maritime. Il faut conjuguer infrastructures et exigences de marché. Aujourd’hui, le port est un terminal, demain il sera un hub de la logistique.