À Marseille et Bastia, les 1500 salariés de la SNCM retiennent leur souffle cette semaine. Tout d’abord, le 18 mars, le tribunal de commerce de Marseille doit recevoir les deux administrateurs de la compagnie maritime afin de dresser un nouveau bilan de la situation financière à fin février. Dans la foulée, les juges consulaires doivent entendre à la barre les trois repreneurs qui se sont manifestés pour reprendre les actifs de la SNCM: Christian Garin pour Med Partners, Daniel Berrebi pour Baja Ferries et le transporteur Corse Patrick Rocca.
Au terme d’une rencontre, le 3 mars, avec les représentants de la Commission européenne, les trois candidats ont remanié leurs offres pour répondre notamment aux critères de discontinuité de la SNCM sans toutefois bénéficier de garanties. Les trois candidats offrent entre 10 M€ et 15 M€ pour reprendre la SNCM, ses actifs, son personnel et les sept navires dont la valeur est estimée à 220 M€, selon des courtiers. Une offre financière relativement faible au regard des 65 M€ déboursés par Eurotunnel pour reprendre les trois navires de Seafrance. « On ne peut comparer les deux compagnies. Dans le cas d’Eurotunnel, il ne s’agissait que d’un rachat d’actif sans le personnel. Pour la SNCM, il faut tenir compte du contexte, du paiement du plan social. Une société ne vaut que le prix proposé », explique un observateur du dossier. Avec, dans la balance, la menace persistante de liquidation.
Menaces d’annulation de la DSP
Que vaudra la SNCM si, demain, la délégation de service public était tout bonnement annulée? Le 19 mars au matin, la SNCM avait un nouveau rendez-vous avec le tribunal administratif de Bastia. Le 8 novembre 2013, soit trois mois après la signature du contrat de DSP avec la SNCM et La Méridionale, Corsica Ferries, évincé de l’appel d’offres pour avoir répondu ligne par ligne, déposait un recours en annulation. Dans ses conclusions, le rapporteur public au tribunal administratif de Bastia, Hugues Alladio, préconise l’annulation de la DSP 2014-2024. Un séisme pour la SNCM si le tribunal devait suivre ses conclusions. Le 14 janvier dernier, Hugues Alladio a rendu une décision favorable à la SNCM en suspendant le titre exécutoire de l’OTC de 198 M€.
Que se passera-t-il si le tribunal administratif suivait Bruxelles, visiblement résolu à ne rien lâcher?
En effet, le 20 novembre 2013, dans un courrier adressé au gouvernement français, la Commission européenne a mis en demeure la France concernant « les conditions de l’appel d’offres (…) ainsi que le nouveau régime des obligations de service public entre Marseille, Toulon et Nice et les cinq ports de Corse ». Dans ce courrier de quinze pages, Bruxelles démontre que l’appel d’offres aurait favorisé les précédents délégataires. « Le cahier des charges relatif à l’appel d’offres en objet contient une clause qui semble favoriser l’opérateur sortant, le groupement SNCM/CMN », écrit la Commission européenne, faisant référence à l’âge des navires.
Cette exigence, va, toujours selon Bruxelles, « au-delà de ce qui est prévu par le droit de l’Union en matière de sécurité maritime ou de la protection de l’environnement ». La Commission pointe du doigt également le manque de transparence dans le processus, l’instauration de nouvelles obligations de services publics bien plus sévères et la motivation du rejet de Corsica Ferries. « Le rejet de l’offre de Corsica Ferries, motivé par son caractère non global, est donc manifestement contraire au règlement de consultation d’appel d’offres », précise Bruxelles.
Décidément, la Commission européenne semble résolue à pas lâcher la compagnie française.