La SNCM face à la jurisprudence Deggendorf

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La délégation de service public attribuée en septembre par l’Assemblée de Corse au tandem SNCM/ Méridionale pour une période de dix ans, moyennant une enveloppe financière de 96 M€ pour exécuter ce service, est-elle transmissible en cas de cession de la SNCM?

Cette question de la discontinuité de l’entreprise et de la transmissibilité de la DSP a été longuement débattue le 3 mars à Bruxelles entre les représentants européens de la direction de la concurrence et les trois candidats au rachat de la compagnie (Daniel Berrebi, Patrick Rocca et Christian Garin). Quel que soit le repreneur, comment peut-il d’un côté modifier sensiblement l’activité de la SNCM sur la Corse (changer la dénomination sociale, la part du chiffre d’affaires, réductions d’effectif) pour se soustraire aux amendes européennes et prétendre en même temps reprendre la DSP? Reprendre cette délégation suppose tout même une certaine continuité. À cette notion pour le moins floue, une autre menace pourrait fort modifier les plans des repreneurs.

Une question se pose

Condamnée indirectement par deux fois en 2013 à rembourser au total 440 M€ d’aides jugées illégales par la Commission européenne et le tribunal du Luxembourg, la question se pose de savoir si la SNCM peut toujours percevoir des aides quand elle n’a pas remboursé ce que Bruxelles exige. La Cour de Justice des communautés européennes (CJCE) a eu affaire à un cas similaire en 1997 avec la société Textilwerke Deggendorf GmbH (TWD), qui a perçu de 1981 à 1983 des subventions du gouvernement fédéral allemand et un prêt à des conditions préférentielles. En 1989, l’entreprise a perçu de nouvelles aides. Or, entre-temps, les premières aides avaient été jugées illégales et incompatibles avec les règles du marché commun. Dans un arrêt du 17 mai 1997, la CJCE a contraint l’État fédéral allemand à suspendre ses versements jusqu’au remboursement des aides illicites antérieures.

Ainsi le parallèle peut être fait avec la SNCM. En mai 2013, Bruxelles juge illégales les 220 M€ d’aides publiques perçues au titre du service complémentaire (haute saison) effectué dans le cadre de la précédente délégation de service public.

Puis une nouvelle salve est lancée. La compagnie est sommée indirectement de rembourser 220 M€ perçus au titre d’une recapitalisation de l’État français dans le cadre du processus de privatisation en 2006. « La France est donc tenue de se conformer à la décision de la Commission et de récupérer ces aides incompatibles avec les règles de l’UE », a écrit la Commission européenne il y a un peu plus d’un an, menaçant même l’État français de prendre à son encontre des sanctions financières. Depuis, seul l’Office des transports de la Corse a émis, fin 2014, un titre exécutoire de 198 M€. Nouveau retournement de situation le 14 janvier lorsque le tribunal administratif de Bastia rend une ordonnance qui en suspend son exécution en précisant que l’Office ne peut compenser les sommes réclamées avec celles versées au titre de la DSP. Sensible à la trésorerie pour le moins précaire de la SNCM, le tribunal administratif cautionne ainsi le versement de nouvelles aides publiques depuis le 1er janvier.

Le tribunal de commerce de Marseille doit examiner le 18 mars la qualité des offres de reprise. Cependant, à la lumière de cette jurisprudence, on peut se demander si les subventions actuellement perçues ne tomberont pas prochainement sous le coup d’une sanction.

Du côté de la Commission européenne, les mâchoires se crispent. Aucune réaction à cette nouvelle salve. Bruxelles veut s’assurer qu’il n’existe pas de continuité économique entre les activités de la SNCM et celles qui seront reprises. Et pour parfaire le tout, la Commission attend de Paris une solution conforme au droit.

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