Transmanche: MGO, scrubber ou GNL, le défi des opérateurs est en marche

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L’année qui s’est ouverte le 1er janvier pourrait être une nouvelle fois l’année zéro du transmanche. L’entrée en vigueur des nouvelles normes issues de l’annexe vi de Marpol va révolutionner le marché. Déjà en 2001, lorsque les ventes détaxées ont été supprimées sur les navires entre le continent et le Royaume-Uni, armateurs et ports spécialisés dans le transmanche ont crié avant d’avoir mal. Ils se sont inquiétés de ces mesures qui pourraient détruire une filière entière des économies britanniques et françaises. Le marché s’est adapté et le transmanche a continué.

Effets d’anticipation ou simple reprise économique, les trafics transmanche des ports affichent des progressions notables. Calais, mais aussi Douvres, sur la rive nord de la Manche, voire Dunkerque affichent des scores encourageants sur cette filière. Calais et Douvres voient même leurs résultats battre des records d’avant la crise de 2008. Pour les analystes, il s’agit surtout d’une reprise du marché et de l’économie britannique qui a dopé le secteur du transmanche en 2014. Encourageant, pour un marché qui a connu plusieurs déconvenues au cours des dernières années. Du côté des transporteurs routiers, 2015 pourrait même s’inscrire dans la même lignée que 2014 avec de nouvelles croissances. Les perspectives sont bonnes et le trafic fret devrait se maintenir.

Un optimisme qu’il va falloir conjuguer avec les règles de l’annexe vi de Marpol. Les choix des opérateurs sont pour le moment tournés vers l’urgence. Pour faire face aux exigences en matière de réduction des émissions de soufre, des opérateurs, à l’image de Brittany Ferries, ont décidé d’investir dans des scrubbers et de passer avec du fuel plus léger, le MGO (Marine Gas Oil) en lieu et place du HFO (Heavy Fuel Oil). Une stratégie que le groupe britannique P&O Ferries suit. C’est chez DFDS que l’entrée en vigueur de ces règles a été prise plus en amont. Dès 2009, l’armateur danois a entrepris les premiers essais de scrubbers sur ses navires. Mais investir dans ce type d’installation a un coût estimé aux environs de 3,5 M€. D’ores et déjà, l’armateur a équipé sept navires opérant en Manche et en mer du Nord. Une dizaine devraient être équipés dans les prochains mois.

Les problèmes induits par le GNL

Est-ce à dire que l’approvisionnement de navires en GNL est rangé dans les tiroirs? Adapter un navire à ce type de combustible signifie d’abord de refaire sa motorisation, ce qui a un coût tant en termes d’investissements qu’en termes d’exploitation. Pendant sa modernisation, le navire n’est plus en opération et doit être remplacé. Ensuite, les navires disposant de moteurs propulsés au GNL doivent trouver des sources d’approvisionnement. Sur le range entre Roscoff et Calais, aucun port ne peut proposer, aujourd’hui, un système d’approvisionnement en GNL. Du côté de Ports Normands Associés, d’Haropa et de Dieppe, des études sont en cours de réalisation pour voir les conditions dans lesquelles une source d’approvisionnement en GNL serait possible. Avant la fin 2015, aucun système ne sera en place.

Mais en 2015 interviendra un nouvel élément qui pourrait changer la donne. L’écotaxe, entrée en vigueur au Royaume-Uni depuis le 1er avril 2014, pourrait peser sur les trafics. Les effets sur le transport routier seront indéniables. La question demeure de savoir si une partie du trafic britannique passera de la route vers le ferroviaire. Sans que les analystes n’aient encore pu jauger les effets de cette mesure, si le trafic routier devait basculer vers le ferroviaire, ce serait une aubaine pour le tunnel sous la Manche. Le bonheur des uns faisant le malheur des autres, les compagnies maritimes opérant en Manche pourraient perdre une partie de leur trafic.

Bataille juridique

L’année 2015 devrait aussi voir la bataille juridique entre P&O Ferries et DFDS contre MyFerryLink avancer. La cour de Londres a accepté l’appel de MyFerryLink. Flash-back sur cette affaire: le 18 septembre, la Competition and Market Authority (CMA) a ordonné à Eurotunnel de mettre un terme à l’exploitation de navires leur appartenant depuis le port de Douvres. La direction de MyFerryLink a fait appel devant le tribunal britannique. Pour MyFerryLink, la CMA n’a pas compétence pour juger cette affaire. Le 9 janvier, le Competition Appeal Tribunal (tribunal d’appel en matière de concurrence) a rendu un jugement confirmant la position de la CMA en première instance. Eurotunnel a six mois pour vendre ses navires ou pour quitter le port de Douvres. Sans que cette décision ne soit exécutoire avant la fin du délai accordé, Eurotunnel – et par voie de conséquence MyFerryLink – continuent d’opérer leurs navires au départ de Calais vers Douvres. Ils ont interjeté appel de cette décision. Le groupe Eurotunnel a donc confirmé sa décision de vendre les navires qu’il a en propriété. Du côté des opposants, la position n’est pas aussi radicale. Pour le groupe P&O Ferries, c’est la propriété des navires à Eurotunnel qui pose un souci. Le groupe est prêt à accepter une concurrence sur le détroit. « S’agissant des navires opérés par MyFerryLink et appartenant à Eurotunnel, nous n’y sommes pas opposés. Nous demandons que les navires n’appartiennent pas à Eurotunnel et soient opérés sur la même base que nous sans recevoir de subventions d’un quelconque propriétaire », précise un porte-parole du groupe. Du côté de DFDS, les choses ne se sont pas passées aussi simplement. Dans un entretien au quotidien britannique Lloyd’s List le 21 novembre, soit quelques jours avant la décision de la Competition and Market Authority, le président de DFDS, Niels Smedegaard, a annoncé qu’il pourrait quitter le détroit si l’autorité de la concurrence britannique ne leur donnait pas raison. Une menace qui semble avoir fonctionné puisque la CMA a plaidé en faveur de DFDS et P&O Ferries. Dans le même temps, l’armement danois a annoncé la fermeture de lignes en Baltique en raison des difficultés du marché et surtout par anticipation des normes Marpol.

En attendant, DFDS a fermé trois liaisons en 2014. En septembre, la route entre Esbjerg et Harwich s’est arrêtée, suivie par celle entre Göteborg et Tilbury en octobre, et finalement en décembre la liaison entre Le Havre et Portsmouth. Alors qu’au Havre la saison estivale a vu deux opérateurs offrir des départs depuis le port normand vers celui du sud de l’Angleterre, la fin de l’année a mis un terme au trafic transmanche. Brittany Ferries prévoit de revenir au Havre pendant la saison d’été de 2015 mais le retour de DFDS n’est pas encore prévu. Une bagarre juridique entre armateurs, qui du côté des transporteurs routiers n’a pas lieu d’être. Les routiers se plaignent de nombreuses attentes au départ de Calais et de Douvres et de files d’attente parfois interminables. Quand la question leur est posée sur ce conflit, la réponse est de conserver avant tout trois opérateurs pour faire jouer la concurrence.

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