Route: les volumes sont assurés

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Libéralisation des flux et concurrence déloyale. « Le trafic transmanche n’échappe pas à cette règle, observe David Sagnard, le président des Transports Carpentier (62). C’est une évidence. Nous sommes aujourd’hui victimes d’une concurrence déloyale et nous perdons des parts de marché. Si on veut continuer à capter des trafics, il faut soit adapter le prix par rapport à la concurrence, soit recourir davantage à l’affrètement. J’ai la chance et la malchance d’être à Calais. Une chance car l’Angleterre est notre terrain de jeu. Une malchance car je ne peux faire comme la majorité de mes confrères et me replier sur le marché domestique au risque de perdre la moitié de mon périmètre d’exploitation. Si je veux cibler le marché domestique, je suis condamné à parcourir un certain nombre de kilomètres à vide pour rejoindre des zones de chargement plus conséquentes comme la région lilloise ou l’Artois, véritables bassins industriels, donc de transport. » Dans ce contexte, le président des Transports Carpentier a enregistré en 2014 une baisse des volumes de 8 % pour les marchandises conventionnelles. En revanche, l’activité citerne a progressé de 25 % parce que l’entreprise s’est spécialisée. « L’activité transmanche représente 46 % de notre chiffre d’affaires, soit 14 M€ au 30 novembre », insiste David Sagnard. Pour autant, le business n’est pas simple. « Alors qu’un trafic entre le nord de la France et Londres se vendait 1 000 € en 2009/2010, aujourd’hui il faut tabler sur 600 €. On a perdu 40 % », déplore le président des Transports Carpentier. C’est que les Britanniques sont très consommateurs (voir encadré) mais peu producteurs. En conséquence, le flux de retour est quasiment inexistant. C’est la raison pour laquelle David Sagnard se contente des Midlands mais a renoncé à l’Écosse et au nord de la Grande-Bretagne parce qu’il n’a plus les moyens de se placer au plan tarifaire. « En définitive, nous faisons de l’euro-région jusqu’à Birmingham », résume-t-il.

De l’écotaxe anglaise à Marpol

L’introduction de l’écotaxe anglaise le 1er avril 2014 complique la donne des transporteurs. Baptisée HGV Road User Levy, cette taxe s’applique aux véhicules de plus de 12 t qui ne sont pas immatriculés en Grande-Bretagne et correspond à 10 £/jour/véhicule ou 1 000 £/mois/véhicule. « On ne peut pas la répercuter en totalité à nos clients », déplore David Sagnard. Le TRM subit un double effet « kiss cool » avec l’application de Marpol vi. La surtaxe liée à l’usage de carburant désulfuré est un moyen, pour les compagnies maritimes, de procéder à un rattrapage tarifaire sur le coût de la traversée en ferry. « Il faut compter aujourd’hui 200 € pour une traversée à l’aller. Avec Marpol, il faut ajouter 17 € à 22 € supplémentaires, souligne David Sagnard. Dans le même ordre d’idées, certains transporteurs ne vendent que l’aller et appliqueront donc Marpol uniquement sur l’aller. Mon objectif est simple: je n’ai pas l’intention de faire circuler des véhicules pour perdre de l’argent. Au fond, si je ne suis pas pessimiste pour 2015, c’est que certains industriels ont des projets d’investissements en Angleterre qui seront positifs en termes de volume d’activité. Enfin, il ne faut pas oublier que nos clients de l’agroalimentaire se montrent très attentifs aux systèmes de sécurité que nous déployons sur citernes et à la manière dont nous gérons la problématique des migrants à Calais. »

Quid de l’avenir de MyFerryLink?

Gérant de la société RDV Transports (62), Jean-Pierre Devigne poursuit de son côté l’analyse. « Nous tablons sur un chiffre d’affaires de 21 M€ au 31 mars, dont près de 70 % à l’international, présente le dirigeant à la tête de l’entreprise depuis 1991. Nous réalisons 80 % des trafics avec la Grande-Bretagne en non-accompagné. Outre les trafics France/ Angleterre, nous opérons des trafics Belgique/Angleterre et Pays-Bas/Angleterre. » Par rapport à 2013, le transporteur calaisien a enregistré une croissance de 6 % des traversées en 2014. Cela s’est traduit par 13 184 passages par ferries et 894 passages en navettes-camions (Eurotunnel). « Dans la mesure où le trafic avec l’Angleterre est en croissance, nous avons besoin d’un nombre de navires suffisant pour livrer nos clients outre-Manche, analyse-t-il. Aujourd’hui, la flotte dont disposent les trois opérateurs est de cinq navires pour P&O Ferries, cinq navires pour DFDS et de trois navires pour MyFerryLink. Mais en période de “refit et maintenance” (pour certains d’entre eux), il y a moins de navires disponibles pour les traversées le mercredi et le jeudi. Je pense que nous avons besoin d’au moins trois compagnies pour maintenir les volumes de fret avec l’Angleterre. » Une manière de rappeler qu’un éventuel passage à deux compagnies maritimes, compte tenu de l’épée de Damoclès qui pèse sur MyFerryLink d’ici le 30 juin, risque de poser d’énormes problèmes de temps d’attente et de congestion à Calais. En conséquence, Jean-Pierre Devigne émet une idée à l’adresse des décideurs politiques et économiques. « À l’instar de ce que fait l’opérateur P&O Ferries entre Zeebrugge et Tilbury, je milite en faveur d’une ligne entre Calais et l’estuaire de la Tamise pour désengorger Douvres. Cela me semble une idée intéressante pour un utilisateur qui privilégie le non-accompagné. »

2,4 % de croissance en 2015

Une croissance à faire pâlir d’envie. D’après les chiffres publiés par l’Office national britannique des statistiques le 27 janvier, le PIB anglais a augmenté de 2,6 % sur l’ensemble de 2014. Derrière ce chiffre se cache une tendance qui ralentit. Au quatrième trimestre, la croissance était de 0,5 %, après 0,7 % au troisième trimestre et 0,8 % au deuxième trimestre. Ce ralentissement provient avant tout du secteur de la construction, assez volatil, qui repasse dans le rouge avec une baisse de 1,8 % au quatrième trimestre. La production industrielle est également décevante, en léger recul de 0,1 %. Ces deux secteurs demeurent encore en dessous de leur pic de 2008, preuve que les cicatrices de la grande récession sont encore là. Le secteur des services (qui représente 78 % du PIB) est en forme: toutes ses composantes – hôtellerie et distribution, transports et communications, services aux entreprises et finance – marquent cette hausse. L’économie britannique serait-elle l’une des plus volatiles au sein de l’UE? Après une récession en 2008-2009 particulièrement violente, suivie d’une longue période de stagnation jusqu’en 2013, la croissance est revenue d’un coup. Le rebond, tiré par la consommation des ménages et l’immobilier, a surpris les économistes par sa vitesse. Du coup, ces derniers tablent encore sur une croissance solide en 2015. Le gouvernement de David Cameron mise sur un taux de 2,4 % en 2015.

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