« Notre avantage réside dans la massification des cargaisons »

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): ANVERS A SOUVENT ÉTÉ QUALIFIÉ DE « PREMIER PORT FRANÇAIS » ET NOTAMMENT POUR LES TRAFICS CONTENEURISÉS. PENSEZ VOUS QUE CETTE CONCURRENCE SE FAIT PLUS EN RAISON DE L’ASPECT SOCIAL DES PORTS FRANÇAIS OU SUR LEUR VÉRITABLE HINTERLAND?

EDDY BRUYNINCK (E.B.): Nous savons très bien qu’Anvers, tout comme Rotterdam d’ailleurs, est le point de mire de ports français qui, bénéficiant d’un meilleur climat social, veulent récupérer des trafics. Et que des ports méditerranéens veulent polariser des trafics venant d’Asie pour les diriger via leurs quais vers le Nord avec le rail. Je crois qu’il faut faire preuve de réalisme. Ces tentations ne sont pas nouvelles.

Il faut d’une part prendre en considération les positions géographiques des ports vis-à-vis des centres économiques de l’hinterland, mais aussi de leur environnement économique de proximité. Par exemple, nous croyons plus en un rééquilibrage entre Le Havre et Dunkerque. Quant à l’éventuel impact des ports du Sud, je crois que les armements savent très bien quand et où ils doivent aller avec leurs navires. Aujourd’hui, ils ne peuvent opérer de manière rentable qu’en ayant recours à de très grands navires. Or il faut que les ports susceptibles de les attirer aient un hinterland immédiat générateur de cargaisons. Les volumes ne sont pas suffisants pour organiser des produits ferroviaires rentables. Il faut avant tout avoir des masses critiques de trafics, ce que nous avons dans le Nord, et qui ne sont pas encore présentes dans le Sud. Quant au développement de trafics ferroviaires de Chine vers le nord de l’Europe, cela ne constitue pas une menace. Il s’agit de trafics spécifiques, limités, et les prix sont très élevés.

JMM: COMPTE TENU D’UNE CROISSANCE DE TRAFIC SUPPOSÉE DE 3 % À 4 % PAR AN, LE DEURGANCKDOK AURA FAIT LE PLEIN EN 2020 AVEC UN SCORE SE SITUANT ENTRE 12 MEVP ET 13 MEVP. QUAND DEVRAIENT DÉMARRER LES TRAVAUX DE LA SÉCONDE DARSE À MARÉE SAEFTINGHEDOK? Y AURA-T-IL UN APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL POUR LES CONCESSIONS OU CELA VA-T-IL AUTOMATIQUEMENT SE JOUER ENTRE LES DEUX GRANDS OPÉRATEURS DU MOMENT?

E.B.: Il y a encore quelques procédures à suivre, notamment en matière d’expropriations. L’approbation de ce plan et l’exécution prendront quelques mois. Nous partons du principe que dès 2018, il faudra commencer à creuser. Cela implique qu’il faudra mettre ces travaux en adjudication. Devront encore intervenir les rapports avec le gouvernement flamand. Le port devra financer la totalité des quais. Il n’est plus question d’une intervention de 60 % du coût comme ce fut le cas pour le Deurganckdok. Par contre, pour le financement des travaux de dragage, le gouvernement doit encore intervenir. Dans quelques mois sera réalisée l’étude sur le rapport coûts/ rendement du projet. Tout sera alors prêt pour discuter avec le gouvernement flamand. Il y aura évidemment un appel d’offres international pour les concessions car nous prévoyons 1 250 m de quai de chaque côté à l’entrée de cette future darse.

JMM: LE SAEFTINGHEDOK EST, DIT-ON, LA DERNIÈRE POSSIBILITÉ D’EXTENSION POUR LE PORT SCALDIEN. EST-CE VRAIMENT LA FIN? EST-IL EXCLU DE VOIR À PLUS LONG TERME? LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE DOEL DEVANT DISPARAÎTRE, UNE TROISIÈME DARSE NE SERAIT-ELLE PAS POSSIBLE?

E.B.: Il faut tenir compte des courbes du fleuve et des possibilités qu’il présente. Ce n’est pas si évident. Le Saeftinghedok est une nécessité. C’est un fait. Au-delà, c’est vraiment le très long terme. Il faudra voir comment évolueront les volumes de trafics conteneurisés dans le temps, mais aussi dans les secteurs des vracs secs et du conventionnel. Ceci dit, il est fort possible que des trafics conteneurisés se développent dans la zone portuaire de la rive gauche, derrière la nouvelle écluse.

JMM: LA MULTIPLICATION D’ULCS DE 14 000 EVP A 19 000 EVP, EN TENANT COMPTE D’UNE FENÊTRE D’ACCESSIBILITÉ (FONCTION DES TIRANTS D’EAU), NE VA-T-ELLE PAS DÉBOUCHER À TERME SUR LA NÉCESSITÉ D’ENCORE ADAPTER LE FLEUVE? Y A-T-IL LA POSSIBILITÉ D’ALLER ENCORE PLUS LOIN SANS RECOURIR À D’INTERMINABLES NÉGOCIATIONS FLANDRE/PAYS-BAS?

E.B.: Il est vrai que dans le cas des très grands ULCS, la fenêtre de navigabilité est limitée. Il a été démontré que les unités de 19 000 EVP peuvent venir à Anvers. Si les tirants d’eau devaient encore augmenter, il y a la possibilité d’adapter la norme d’espace entre la quille et le fond du fleuve. Des études de simulations sont en cours en laboratoire hydraulique. Les normes actuelles datent de 1990 et peuvent être revues. Il devrait donc être possible de gagner de la profondeur sans draguer. Il faudra voir comment réagir. Toujours est-il que dans le cas d’une autre adaptation du fleuve, il ne sera plus nécessaire de négocier un nouveau traité. Dans le dernier traité figure une annexe dans laquelle il est stipulé jusqu’à quel niveau nous pouvons approfondir, et que ladite annexe peut être modifiée en accord avec les deux gouvernements.

JMM: VERS 2016, LE DEURGANCKDOK VA GÉNÉRER UN TRAFIC D’ENVIRON 7,5 MEVPVOIRE 8 MEVP. S’Y AJOUTERONT 1,8 MEVP TRAITÉS PAR LES DEUX TERMINAUX À MARÉE RIVE DROITE. L’ANNÉE DERNIÈRE, SUR LES 5,8 MEVP DU TRAFIC GLOBAL D’HINTERLAND, 57 % ONT ÉTÉ TRAITÉS PAR LA ROUTE, 36 % PAR LA VOIE D’EAU ET 7 % PAR LE RAIL. NE CRAIGNEZ-VOUS PAS QUE TANT CÔTÉ ROUTIER QUE FLUVIAL, DES CONGESTIONS SE MANIFÈSTENT?

E.B.: Des études sont en cours afin de déterminer dans quelles conditions il serait possible d’éviter des congestions sur le plan routier. Quelles mesures faudra-t-il prendre à court terme? Il faut absolument modifier le rapport en ce qui concerne la répartition du trafic entre modes. La participation du rail est lamentable. Elle doit évoluer vers les 15 %. Avec une telle concentration de trafic, cela doit être possible. Il est certain que notre plus grand client, MSC, joue la carte du rail avec efficacité, mais Mærsk Line est également apte à bien jouer cette carte. D’autre part, des dispositions seront prises pour répondre aux besoins croissants de la batellerie.

JMM: COMMENT RELANCER L’ACTIVITÉ FERROVIAIRE? CERTES, ON COMPTE 200 NAVETTES CONTENEURS PAR SEMAINE, VERS 70 DESTINATIONS ET 19 PAYS. NE PEUT-ON CONCEVOIR DES NAVETTES SUR COURTES DISTANCES DE 250 KM À 400 KM? QU’ATTENDEZ-VOUS D’UNE PARTICIPATION EVENTUELLE DANS SNCB LOGISTICS?

E.B.: Pour de telles navettes, il faut disposer d’une masse de trafics. Mais cela doit être possible car cette masse va se constituer. Quant à SNCB Logistics, nous avons avec d’autres ports belges précisé que cela ne serait possible que temporairement et sous certaines conditions. Et nous n’avons toujours pas reçu, après sept mois, la moindre proposition de la SNCB qui réponde à ces conditions. Nous avions même envisagé d’agir seul avec du capital privé et en fonction d’un véritable plan social et d’un plan d’affaires. Dès lors, il y a peu de chances que nous prenions une participation. Ceci dit, nous examinons de quelle manière nous pouvons opérer le trafic ferroviaire intraportuaire le plus efficacement possible et avec des partenaires. C’est dans cette optique que nous avons créé Railport avec Alfaport, qui représente les intérêts maritimes et portuaires, et Essencia, qui représente l’industrie chimique. En fait, on s’approche de la formule de l’opérateur de proximité.

JMM: L’ARRÊT DES SUBVENTIONS AU TRANSPORT COMBINÉ FERROVIAIRE EST-IL DÉFINITIF?

E.B.: Je ne crois pas que cette mesure soit définitive. Vu l’importance de l’enjeu, je crois que dans le cadre d’une période de transition, des subventions seront encore accordées.

JMM: NE VA-T-ON PAS ASSISTER À UN TRANSFERT D’ACTIVITÉS LOGISTIQUES LIÉES AUX CONTENEURS DE LA RIVE DROITE VERS LA RIVE GAUCHE?

E.B.: Oui, il y aura un transfert, mais ce ne sera que partiel. D’autres activités vont suivre l’expansion des trafics. Il y a encore de la place dans la périphérie de l’actuelle zone de la rive gauche. N’oublions pas que le Saeftinghedok sera réalisé dans un nouveau secteur de 1073 ha.

JMM: ROTTERDAM VA INSTALLER DEUX NOUVEAUX TERMINAUX ENTIERÈMENT AUTOMATISES REPRESENTANT UNE CAPACITÉ SUPPLÉMENTAIRE INITIALE DE 5 MEVP. CES INSTALLATIONS SERONT CENSÉES PRÉSENTER DES COUTS D’EXPLOITATION PLUS BAS. CES DÉVELOPPEMENTS NE RISQUENT-ILS PAS D’ENGENDRER UNE GUERRE TARIFAIRE, EN PREMIER LIEU SUR LE PLAN LOCAL ROTTERDAMOIS, ET EN SECOND LIEU, AU NIVEAU DES PORTS DE LA RANGÉE DU NORD

E.B.: C’est exact, cette surcapacité qui se développe à Rotterdam va peser sur le marché. Ils en sont d’ailleurs conscients à la direction de ce port, où l’on s’interroge sur l’éventualité de consacrer également une partie de cette deuxième Maasvlakte à d’autres activités. Une pression sur les prix est possible. En fait, elle existe déjà. En outre, il faudra tenir compte des positions qu’adopteront les armements dont certains sont impliqués dans des terminaux, et ce dans divers ports. Néanmoins, il faudra vivre avec cette situation.

JMM: L’AUTOMATISATION TOTALE DES TERMINAUX À CONTENEURS SERAIT-ELLE UN JOUR POSSIBLE DANS UN PORT BELGE?

E.B.: C’est de la responsabilité des opérateurs. DP World a recours à une certaine automatisation de zones de stacking de conteneurs, concept qui va être étendu à la partie du site cédé à MEPT, qui en fera usage temporairement, mais pour le reste il n’y a rien de prévu. Il s’avère que ces opérateurs n’ont guère eu de problèmes avec les dockers dans ce secteur des conteneurs et que, de plus, leurs méthodes ont toujours démontré qu’ils faisaient preuve d’une grande flexibilité opérationnelle, d’une productivité inégalée en Europe.

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