Costa-Concordia: en attendant le verdict contre Francesco Schettino

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Voir les trois juges et la greffière assis sur la scène comme des acteurs avec, en arrière-plan, le drapeau tricolore et celui de l’Union européenne, plus un écriteau disant que « la loi est égale pour tous » donnait à ce procès un petit air d’opérette. À quelques heures du verdict, les abords du tribunal ressemblaient à un gigantesque plateau de télévision. Devant le théâtre, les carabiniers de garde discutaient en fumant pour tromper l’attente et le froid. À un moment, une voiture a ralenti, un homme a ouvert sa vitre et demandé: « Alors, il est condamné le Schettino? » Les carabiniers lui ont répondu qu’il fallait avoir encore un peu de patience. Un peu plus loin, le patron d’un bar pris d’assaut par les journalistes à l’heure du déjeuner jouait les commentateurs. « À Grosseto, les gens se moquent de ce procès. Ils ont bien d’autres soucis plus importants que l’avenir du commandant Schettino. Ils doivent boucler leurs fins de mois et franchement, ça, c’est compliqué », lance Carlo. Ce cinquantenaire connaît bien l’histoire du Costa-Concordia et de tous les paquebots qui passent devant l’île du Giglio en général. « J’ai une maison sur l’île à côté du port. La faute est aux compagnies. En août 2011, six mois avant le naufrage du Costa-Concordia, un autre paquebot avait déjà failli se planter. Il était passé encore plus près pour faire la fameuse révérence », se souvient Carlo. Tous les jeudis soirs, le pianiste qui jouait des romances, comme disent les Anglais, sur le Costa-Concordia, organise des petits concerts dans le bar de Carlo. Que pense-t-il, depuis un an, en voyant le commandant passer rapidement en essayant de dribbler la presse après les audiences? Est-il comme ces survivants qui éprouvent un mélange de haine et de dégoût pour cet homme qui a détruit leurs vies?

« Il n’y a rien à fêter »

Devant le tribunal, le maire de l’île du Giglio arpente la rue en attendant le verdict. « Une chose est sûre, je ne trinquerais pas quelle que soit la peine qui lui sera infligée. Il n’y a rien à fêter », assène Sergio Ortelli. L’avocat qui représente l’administration municipale de la petite île et, en rebond, les habitants, a réclamé 200 M€ de dommages et intérêts. « Nous avons demandé en fait à être indemnisés pour tout ce que nous avons fait. Nous avons nourri, hébergé les naufragés et l’image de l’île a été ternie par ce drame. Il est juste que le Giglio reçoive une compensation », estime Sergio Ortelli. Au même moment, dans le théâtre, Francesco Schettino s’adresse à la cour pour la dernière fois avant le verdict. « Le jour du drame, je suis mort moi aussi. Depuis trois ans, ma vie est détruite, la presse me harcèle, j’ai été jeté en pâture à l’opinion publique pour des raisons purement économiques », a déclaré le commandant avant d’éclater en sanglots.

L’accusé « mérite 26 ans et trois mois de prison »

Quelle que soit la peine qui ne sera de toutes les façons appliquée qu’après la troisième instance, c’est-à-dire la cassation, le marin le plus détesté de toute l’Italie sait que sa vie est finie. Pourtant, ses avocats se sont battus comme des lions, l’un de ses défenseurs a même harangué la cour pendant quasiment six heures le 9 février. La bataille entre accusation et défense se jouait sur deux terrains durant les dernières heures: l’abandon de navire et la non-évacuation immédiate de celui-ci. En prenant ces deux décisions, estime le parquet, Francesco Schettino est responsable de la mort de 32 personnes et mérite 26 ans et trois mois de prison. « Faux », rétorque l’avocat, son client au contraire s’est bien comporté et surtout, a bien agi. D’autant que son équipage n’était pas préparé et que les sous-officiers avaient rapidement abandonné le navire en montant dans les chaloupes. « Francesco Schettino est un homme droit, il fait partie de la race des marins qui peinent pour atteindre leurs objectifs. Personne n’a jamais été condamné à 26 ans de prison pour homicide involontaire, même pas les terroristes! » s’est exclamé l’avocat Domenico Pepe. Ce n’est pas l’avis des survivants, et peut-être non plus du tribunal.

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