Comme les meilleurs voyagistes, les organisations font passer des petites annonces sur les réseaux sociaux pour séduire les candidats au voyage de l’espoir en leur offrant une croisière « tout confort ». Moyennant 5 500 €, les passeurs garantissent le logis avant le départ, la nourriture et, surtout, des conditions de voyage extrêmement confortables, rapporte le quotidien romain La Repubblica qui a contacté une organisation sur Facebook. Pas un mot en revanche sur les risques courus en mer, l’équipage ayant reçu l’ordre d’abandonner le navire lorsque les côtes italiennes sont en vue, après avoir inséré le pilote automatique. Dans le meilleur des cas, le capitaine lance un SOS avant de s’enfuir dans la seule chaloupe disponible pour éviter d’être arrêté par les garde-côtes transalpins ou les patrouilles de l’agence européenne Frontex qui ont relayé le dispositif Mare Nostrum en novembre.
Un premier « ballon d’essai » a été lancé le 28 septembre avec l’arrivée dans le port de Crotone, en Calabre, d’un navire marchand non immatriculé transportant 340 clandestins. Selon le site de la Gazzetta dello Sport, qui cite l’amiral Giovanni Pettorino, quinze navires fantômes transportant chacun en moyenne 500 migrants ont été interceptés depuis le mois de septembre. La stratégie des passeurs prévoit l’utilisation de bâtiments mesurant jusqu’à 100 m de longueur, non immatriculés sur les registres maritimes. Un choix dicté par des « raisons commerciales »car plus le navire est grand, plus sa capacité d’accueil est importante et plus les organisations de clandestins arrondissent leur chiffre d’affaires. Selon le quotidien italien Il Corriere della Sera et l’organisation catholique Sant Egidio, les navires sont affrétés dans les ports turcs d’Izmir, Didim et Mersin où le marché noir des bâtiments fantômes bat désormais son plein. Pour l’équivalent de 165 000 €, les trafiquants de chair humaine s’offrent l’un des bâtiments en attente de démolition et amarrés dans ces sites alléchants pour les armateurs, les standards turcs de démolition non alignés sur les dispositifs européens impliquant une réduction des coûts de démantèlement. Selon les calculs de l’agence européenne Frontex et du ministère de l’Intérieur italien, basés sur les confidences des clandestins qui déclarent avoir payé jusqu’à 8 000 € pour faire ce « voyage de l’espoir », les organisations encaissent quelque 2 M$ par traversée.