Les trois géants de la conteneurisation pour une île

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L’île de La Réunion est principalement approvisionnée par l’Europe. À la fin de la dernière décennie, les produits en provenance d’Asie ont commencé à prendre le pas sur ceux en provenance d’Europe. Avec la crise, les produits alimentaires ont dominé le marché et, par un système d’aide depuis l’Europe, les importations se sont de nouveau retournées vers l’Europe. Il n’en reste pas moins que La Réunion reçoit des services depuis les deux continents. Chose exceptionnelle sur cette île dont le trafic conteneurisé ne dépasse pas les 500 000 EVP, les trois premiers armements mondiaux sont présents. Hormis quelques ports africains, La Réunion doit faire figure d’exception. La desserte de l’île se fait sur un schéma différent pour les trois armements. Deux armateurs, Mærsk et CMA CGM, ont décidé de relier l’Europe et La Réunion en transbordant leurs boîtes au Moyen-Orient. MSC, pour sa part, assure des services directs depuis l’Europe et un service en transbordement depuis l’Asie. Pour le géant danois, le transbordement se fait à Salalah au départ d’Europe. Un port qui est relié au Vieux Continent par les différents services est-ouest entre l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie. Les conteneurs sont ensuite transbordés sur le service feeder de l’armement Misa, qui quitte Salalah en Oman pour rejoindre directement La Réunion. La même pratique se retrouve du côté de CMA CGM. L’armement français assure une desserte par transbordement à Khor Fakkan et Salalah pour rejoindre La Réunion par son service Mascareignes. Pour ces deux armements, les services de feeder se font entre les différentes îles de l’océan Indien de La Réunion, Maurice, Madagascar et des ports d’Afrique de l’Est et du Sud. Depuis l’Asie, les transbordements se font dans le port de Tanjung Pelepas. Les boîtes sont ensuite transbordées sur le service M Express entre Tanjung Pelepas et La Réunion. Sur ce service, Mærsk est en VSA (vessel sharing agreement) avec CMA CGM. « Nous ne faisons que de l’import dans le cadre de notre VSA, explique Claire Vassias. Les conteneurs vides de CMA CGM ne sont pas chargés sur ce service pour le retour en Asie. » Quant à MSC, l’armateur italo-suisse assure une rotation directe entre l’Europe et La Réunion dans son service qui s’étend ensuite jusqu’en Océanie. Depuis l’Asie, MSC adopte la même stratégie que ses concurrents, à savoir qu’elle transborde ses boîtes pour ensuite relier l’île de La Réunion. Enfin, pour compléter ce tableau, l’armateur coréen PIL (Pacific International Line) assure une rotation directe depuis Singapour. L’armateur dispose de nombreux services au départ d’Asie et d’Europe vers Singapour qui lui permettent de transborder sur son service Mozambique Express qui touche Tamatave, Port Louis, La Réunion, Maputo et Beira. Quand le groupe français a annoncé la création d’un hub sur l’île de La Réunion, la réaction des autres armateurs a été plutôt réservée. Pour l’armement français, le choix de l’île Bourbon « est venu naturellement. Nous avons voulu jouer la carte française pour ce hub », explique un responsable de l’armement. Avec cette nouvelle stratégie locale, CMA CGM se donne le temps de la réflexion et de l’étude tant sur les applications locales que sur la desserte de l’île. À Marseille, au siège de l’armateur, pas question d’en dire plus avant d’avoir posé toutes les cartes sur la table. Pour les autres armateurs, les choses sont différentes. Du côté de l’armement suisse, le responsable de l’agence locale, Jean-Michel Audiger, attend de voir. « Du transbordement, nous en avons déjà fait en faisant entrer un navire de 9 800 EVP. Nous alignons des navires de 6 500 EVP sur la desserte de l’île et nous pouvons en faire, mais cela est très occasionnel. » Pour Mærsk, la situation réunionnaise est trop compliquée pour y faire du transbordement. « Le port est trop cher et nos routes sont avant tout centrées sur l’est-ouest. Néanmoins, l’annonce faite par CMA CGM de créer un hub localement va créer une dynamique pour le port. » Pour MSC, cette annonce sera source de réactions dans les îles voisines. Tamatave réalise des travaux d’agrandissement qui pourront venir concurrencer La Réunion.

Donner les moyens de l’ambition d’un hub

Le projet de hub de CMA CGM ne sera pas sans problèmes pour les armateurs. « Nous espérons que CMA CGM va demander de l’excellence au port », souhaite Claire Vassias de Mærsk Line. Il faut dire qu’avec les deux accidents des portiques dont les réparations se font attendre, les armateurs voudraient que ces gênes ne se reproduisent pas. « Ces pannes ont ennuyé tout le monde », confie le responsable de l’agence de MSC. « Avec les réparations annoncées pour la fin de l’année, nous allons avoir une vision plus claire de l’avenir. » La réparation du portique 2 dans un premier temps va permettre de restaurer la productivité du port. Avec une cadence de 25 mouvements par heure, elle reste correcte.

Il demeure que, pour devenir un véritable hub portuaire, port, manutentionnaires et armateurs vont devoir résoudre l’épineux problème d’espace pour le stockage. « Tout est question d’organisation avec son manutentionnaire à condition que tout le monde soit sur un processus identique », souligne Jean-Michel Audiger. Même son de cloche du côté de Mærsk. Le problème de stockage des conteneurs vides sur place doit être rapidement résolu. « Nous ne disposons aujourd’hui que de deux portiques avec une durée d’escale équivalente. Nous évacuons moins de vides et il nous faut de l’espace », argumente Claire Vassias. Chacun regarde la zone arrière de 80 ha ou imagine des dépôts de conteneurs vides sur l’île, mais tout en soulignant que cela aura un coût. Pour MSC, il existe aussi une autre solution en installant sur les postes aujourd’hui dédiés aux marchandises conventionnelles une grue adaptée au trafic conteneur pour alléger les opérations sur les autres postes.

Le projet de hub reste, dans l’esprit des armateurs présents, une nouvelle dynamique. Chacun regarde ce qu’il va se passer mais avec un constat encourageant, une volonté du port et de CMA CGM d’y arriver. L’ambition du hub à La Réunion se fera dès lors que les travaux d’agrandissement du port seront terminés pour certains. L’heure est à la prudence.

Roulier: un trafic principalement d’Europe

La Réunion bénéficie d’une desserte des armateurs rouliers par des grands noms de ce secteur. Hoegh Autoliner et Wallenius Wilhelmsen Logistics assurent une liaison deux fois par mois au départ de l’Europe vers La Réunion. Les navires touchent les ports de Bremerhaven, Amsterdam, Anvers, Le Havre, Southampton et Santander avant de rejoindre l’Afrique de l’Est et l’océan Indien. Après avoir desservis les ports de Port Elizabeth, Durban, Maputo, Tamatave, les navires escalent à La Réunion puis partent vers l’île Maurice. Les escales dans l’océan Indien se font sur une fréquence mensuelle, à l’exception de celle de La Réunion. Après les îles de l’océan Indien, les navires partent vers l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie.

Manutentionnaire de Hoegh Autoliner et de Wallenius Wilhelmsen Logistics, la SGM constate une baisse des trafics rouliers. « Depuis 2009, ce trafic a nettement baissé », reconnaît Guy-Antoine de Laveigne. Outre ces deux armements, Mitsui Car Carrier assure des rotations régulières depuis l’Asie. Les navires sont manutentionnés par la SAMR. Des escales qui sont réalisées sur une fréquence mensuelle. Les véhicules d’Asie venant pour une large part depuis l’Europe, les trafics de Mitsui restent minoritaires.

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