Pour son dernier combat professionnel, l’ex-délégué général de l’AUTF, Philippe Bonnevie, est revenu de sa récente retraite pour animer les débats et souligner l’importance de l’avancée. Un progrès qui concerne principalement les grands exportateurs ou importateurs (à l’échelle de la France) qui « font leur douane » au départ ou à l’arrivée dans leurs entrepôts et utilisent, de préférence, des pré ou post-acheminements massifiés (train ou fluvial). Une vingtaine de chargeurs dont les flux passent par Le Havre ou Marseille ont défini les besoins en matière d’informations portuaires et douanières. Trois importateurs sont en phase d’expérimentation de leur menu chargeur. Un exportateur, Roquette, teste lui aussi ce menu mais regrette qu’il ne soit pas disponible à Dunkerque. Deux autres chargeurs sont sur les rangs.
Schématiquement, AP+ (ou les autres systèmes d’information portuaire) permet de suivre tous les statuts physiques et douaniers d’un conteneur depuis sa mise à quai à l’import jusqu’à sa livraison finale, dédouanement fait. À l’export, depuis son départ de l’usine, douane faite, jusqu’à sa mise à bord. C’est donc en grande partie un outil servant aux douanes, à savoir précisément qui est responsable du conteneur quand il est sous douane. Au lieu de s’échanger des documents, les différents intervenants échangent des informations dans un système sécurisé et agréé par les douanes. Cela économise du temps et de l’argent.
L’objectif du système a d’ailleurs été rappelé par Jean-Michel Thillier, adjoint à la d.g. des Douanes, à la DGDDI: « Connaître le statut précis du conteneur et faciliter le développement du transport massifié, fleuve ou fer » en utilisant la procédure fluvio-ferroviaire-maritime (PFM). Il a rappelé qu’avec le nouveau code européen des Douanes, à partir de mai 2016, une déclaration en douane pourra être remplacée par une supervision par la douane d’un système d’informations portuaire. « Tous les ministres actuels sont attentifs à l’ouverture d’AP+ et à ses avancées », a souligné Jean-Michel Thillier qui a remercié les communautés portuaires, « car il n’est pas si simple de changer de vision ».
45 jours pour mettre à la consommation
Pour rendre la mariée encore plus attrayante, en cas d’utilisation à l’import d’AP+ avec PFM et mise à la consommation à un point intérieur, l’importateur dispose d’un délai de 45 jours pour faire sa douane. Il peut donc stocker ces conteneurs à moindre coût dans une plate-forme intérieure (port fluvial ou terminal ferroviaire). À bien écouter certains importateurs, la gestion fine de leurs trafics conteneurisés venant d’Extrême-Orient en fonction des capacités de traitement de leurs entrepôts reste un objectif lointain. Il leur faut donc du stockage tampon au plus près de leurs entrepôts.
Concrètement, le menu chargeur doit permettre d’économiser les coûts d’établissement ou d’apurement du document de transit, d’éviter la constitution d’une caution et de faciliter le suivi de la boîte sur le territoire français (uniquement).
Après les témoignages favorables et souvent chiffrés d’Ikea, Monoprix, ou LTR Industries, tous importateurs, Roquette a cassé l’ambiance. Le 35e exportateur français, spécialisé dans les produits de l’amidon, fait passer par Anvers environ 12 000 EVP par an, soit la moitié de son trafic, 6 000 EVP par Dunkerque, et 3 000 EVP par Le Havre. En France, les apurements sont facturés entre 25 € et 67 €, constate Roquette. En Belgique et à Rotterdam, ils sont offerts. L’exportateur nordiste travaille en direct avec cinq compagnies qui font 80 % du volume. Il y a donc encore des marges de progression même si la fiabilité portuaire n’est pas toujours assurée à Anvers.
Tous les exportateurs ou importateurs français n’étant pas installés dans le Nord-Pas-de-Calais, il y a certainement des clients potentiels pour le menu chargeur d’AP+. D’autant qu’à l’export, il devrait permettre au chargeur d’indiquer directement, dès l’empotage terminé, le poids brut réel marchandise, voire même la tare du conteneur. Cela devrait favoriser la justesse de la déclaration de poids et dégager ainsi la responsabilité civile du chargeur.
Le menu chargeur devrait être totalement opérationnel au Havre et à Marseille à l’été prochain. Il reviendra aux autres communautés portuaires d’accepter l’ouverture de leur système. Il va sans dire, mais encore mieux en l’écrivant, que l’accès du menu chargeur est payant mais modeste. Un calcul simple de rentabilité est à faire.