C’est un des thèmes qui a été le plus suivi dans la salle de conférence du Palais des congrès de Brazzaville. Des représentants des Conseils des chargeurs du Sénégal, Congo, Burkina-Faso et Cameroun se sont succédés à la tribune pour partager leurs expériences sur les guichets uniques. Des guichets qui, selon l’Alliance africaine pour le commerce électronique, doivent être construits autour d’une plate-forme informatique pour faciliter les formalités d’importation, d’exportation et de transit, en proposant un point de soumission unique pour tous les documents administratifs.
Ces exposés ont d’autant plus été écoutés que pour le moment, seuls dix pays d’Afrique subsaharienne sont dotés de guichets uniques (Sénégal, Congo, Burkina-Faso, Cameroun, Bénin, Kenya, Ghana, Mozambique, Madagascar et île Maurice). Pourtant, ce système permet de faciliter les échanges, de réduire les délais, les coûts et d’éviter au maximum la corruption.
Au Sénégal, le guichet unique, appelé Orbus, couvre l’ensemble de la chaîne logistique (prédédouanement, dédouanement, post-dédouanement) depuis 2010 et permet notamment, au même endroit donc, de payer les droits, les taxes, les services logistiques, d’émettre des certificats pour la signature électronique et de procéder, électroniquement, à l’enlèvement des marchandises. Et il s’agit là désormais d’un guichet non seulement unique mais aussi dématérialisé. « L’ensemble des documents est devenu électronique, avec une signature électronique. Et nous avons un projet pilote avec la Côte d’Ivoire, pour avoir des certificats d’origine communs », explique Mor Talla Diop, directeur du développement international chez Orbus.
Au Burkina-Faso, l’enjeu porte sur les corridors terrestres. Quatre-vingt-dix pourcent du commerce en Afrique subsaharienne s’effectue via les routes, et leur très mauvais état, combinés aux nombreux postes de contrôles, rendent les transports commerciaux longs et compliqués. Sur le corridor Ghana-Burkina, 256 points de contrôles ont ainsi été relevés. Pour faciliter ces opérations transfrontalières, une solution a été trouvée, en collaboration avec le port d’Accra, la capitale ghanéenne.
« Depuis 2006, uniquement pour la marchandise venant du Ghana, le conseil burkinabé des chargeurs prend en charge l’enregistrement et la codification des importations burkinabés, contrôle les documents et enregistre les camions et chauffeurs burkinabés. Le tout étant transmis électroniquement aux autorités », indique Yaya Edan, économiste des transports au Conseil des chargeurs burkinabés.
Autre exemple, le Cameroun où le guichet unique a permis de diminuer de 13 jours les délais administratifs, de quatre jours les formalités de dédouanement et où il faut désormais quelques minutes au lieu de trois jours pour réaliser sa déclaration d’importation. Ce système, effectif à Douala, Yaoundé et Bamenda, est entièrement électronique depuis 2007.
Bousculer les réticences
Mais il n’a pas été simple pour ces pays de mettre en place les guichets uniques, et cela a même pu prendre des années.
« Faire collaborer toutes les administrations n’est pas aisé. Nous nous sommes rendu compte qu’il y a des conflits de leadership. Il a donc fallu que ce système soit imposé par le gouvernement, avec un comité de pilotage géré par le premier ministre », raconte Abdouahi Faouzi, le chef du département du système informatique du guichet unique camerounais. Idem du côté gabonais, où toutes les administrations ne parviennent pas encore « à regarder dans la même direction », selon Damas Kakoudja, le représentant Europe et Amériques du Conseil gabonais des chargeurs. Résultat, « les marchandises ne sont pas déchargées rapidement et les formalités administratives demeurent complexes », ajoute-t-il.
Dans le cas de la république du Congo, le projet de guichet unique, officiellement mis en œuvre début novembre, a commencé en 2007. « Installer le système informatique et définir le cadre réglementaire ont pris du temps », plaide Diale Kadorie, du Conseil congolais des chargeurs. Par ailleurs, le guichet unique ne peut réaliser pour le moment que les opérations de pré et post-dédouanement, les informations du guichet « attendant d’être connectées avec le système d’information de la douane », selon Diale Kadorie.
Mais supprimer au maximum les interventions humaines n’est pas facile. « L’important est de sensibiliser, pour expliquer qu’il n’y a plus besoin d’aller voir physiquement où en est son dossier », souligne Mor Talla Diop, de chez Orbus.
Ce qui ne plaît pas à tout le monde, notamment à ceux qui, dans les bureaux, en profitaient pour accepter des dessous-de-table. Au Palais des congrès de Brazzaville, les participants ont également pointé du doigt le problème de la suppression d’emplois, liée au passage au tout-électronique.