À l’issue d’un procès de cinq mois qui a vu défiler à la barre des rescapés aux témoignages accablants, Lee Joon-Seok, 69 ans, a été reconnu coupable de plusieurs manquements graves à ses devoirs d’officier. Les trois juges professionnels du tribunal de Gwangju (Sud) n’ont cependant pas suivi le parquet, qui demandait la peine capitale pour « homicide par négligence aggravée ». « Il ne nous a pas été possible de conclure que les accusés (…) savaient que les victimes allaient mourir à cause de leurs agissements, ni qu’ils avaient l’intention de les tuer, ont déclaré les magistrats. En conséquence, les chefs de meurtre sont rejetés », ont-ils ajouté. Sur les 476 passagers du Sewol, 304 sont morts ou ont disparu, dont 250 lycéens d’un même établissement. Certaines familles présentes à cette ultime audience ont laissé éclater leur colère en comprenant que le capitaine échappait à la peine de mort qui n’a plus été appliquée depuis 1997. Le capitaine du ferry l’avait quitté précipitamment alors qu’il était en train de s’enfoncer et que des centaines de personnes étaient prises au piège.
Pendant les débats, le capitaine Lee Joon-Seok, dont le transfert sur un canot de sauvetage a été filmé, a estimé qu’il « méritait » la peine capitale mais a souligné qu’il n’avait pas eu l’intention de sacrifier la vie des passagers.
« J’étais trop paniqué, j’étais incapable de faire quoi que ce soit, a-t-il plaidé. Je n’ai pas pris les mesures appropriées. » Contre trois autres officiers pour lesquels le ministère public avait requis la réclusion criminelle à perpétuité, le tribunal s’est également montré plus clément en prononçant des peines comprises entre 15 et 30 ans de réclusion.
Fin des recherches
L’épilogue judiciaire de cette catastrophe coïncide avec la fin des recherches sous-marines, officiellement déclarée quelques heures avant le prononcé du verdict, alors que les corps de neuf disparus restent introuvables. « La situation dans l’épave est devenue trop difficile pour poursuivre les recherches », a justifié le ministre des Affaires maritimes. L’instruction a mis en évidence une combinaison de facteurs expliquant la catastrophe, de la surcharge du navire de 6 825 t à l’incompétence de l’équipage, en passant par des travaux d’agrandissement illégaux qui ont dégradé sa flottabilité.
Mais la colère des familles s’est centrée sur les navigants. Leur angoisse s’est trouvée décuplée lorsqu’il est apparu que l’équipage avait donné l’ordre aux passagers de ne pas bouger, ce qui a coûté de nombreuses vies, d’après l’accusation. Des vidéos tournées par des lycéens sur leurs téléphones portables faisaient entendre un message par haut-parleurs leur intimant de ne pas bouger alors que le ferry gîtait de plus en plus. Les passagers ne sont plus parvenus ensuite à remonter dans les coursives du fait de la forte gîte.
L’émotion suscitée a été si vive en Corée du Sud que certains se sont demandé si le procès serait équitable. Les accusés ayant eu du mal à trouver des avocats pour les défendre. Onze autres membres d’équipage également jugés dans cette affaire ont été condamnés jusqu’à 20 ans de prison ferme.
Quid de l’armateur et de l’administration?
Le fusible « équipage incompétent » ayant fonctionné, on attend maintenant l’éventuel procès concernant l’armateur qui a choisi cet équipage et décidé d’augmenter les capacités du navire au détriment de sa stabilité. Sans oublier celui de la société de classification et de l’État d’immatriculation dont l’administration n’a rien vu ou rien pu ou voulu faire après l’augmentation des capacités. Faut-il rappeler que la Corée du Sud dispose de capacités d’expertise de très haut niveau en matière de construction navale et de retrofitting?