Les statistiques portuaires conteneurisées des ports en Europe présentent toujours les volumes depuis l’Asie. Avec la Chine, second partenaire économique de l’Europe, et l’Inde qui voit sa participation dans le commerce extérieur européen grandissant, l’Asie est devenue au fil des années l’essence de la croissance du trafic portuaire.
Le 30 septembre, lors d’une conférence de presse d’Haropa à Paris, Alexis Rouque, président d’Haropa, a souligné le poids des ports français dans les exportations nationales. « La moitié des exportations françaises passent par les ports français. » Un chiffre qu’il faut voir d’un côté ou de l’autre de la médaille. Si 50 % des exportations passent par les ports français, cela signifie aussi que les 50 % restant empruntent des ports étrangers. Et Philippe Deiss, président du directoire du Grand port maritime de Rouen, a mis en exergue le poids des conteneurs et des céréales pour les exportations d’Haropa. Ainsi, sur les 750 000 t de bois qui partent des différents sites d’Haropa, 435 000 t sont conteneurisées. « Les deux tiers de ces exportations se font vers la Chine », a continué Philippe Deiss.
Haropa a exporté 153 168 EVP pleins vers la Chine en 2013. Un chiffre en progression de 9,2 % selon Christophe Cheyrou, représentant d’Haropa en Chine. Un chiffre qu’il faut rapprocher des concurrents. Ainsi, à Anvers, le trafic de conteneurs pleins vers la Chine a été de 373 858 EVP, en hausse de 15,4 %. Rotterdam a réalisé un trafic de 589 937 EVP (chiffres 2010, les suivants ne sont pas encore disponibles selon l’autorité portuaire). Enfin, Hambourg annonce un trafic de 1,05 MEVP vers la Chine sans donner la répartition entre les vides et les pleins. La seule donnée que donne l’autorité portuaire hambourgeoise est que les deux tiers de son trafic conteneurisé se font sur des conteneurs pleins. En essayant d’estimer une proportion approximative, nous avons établi que le trafic conteneurisé plein vers la Chine est aux alentours de 350 000 EVP.
Tous les chiffres des ports d’Europe du Nord vers la Chine sont en progression. « La Chine est devenue le deuxième partenaire économique de l’Europe et l’Europe est le premier partenaire de la Chine », souligne Christophe Cheyrou. Dans ce contexte, la France se place à la seconde place des fournisseurs pour la Chine.
Une croissance continue depuis 2008
Pour le représentant d’Haropa en Chine, le trafic de conteneurs pleins vers la Chine n’a jamais cessé de progresser depuis 2008, même au plus fort de la crise économique. Sur les 153 168 EVP expédiés vers la Chine, Haropa exporte principalement du bois et du liège (21 597 EVP), des produits chimiques (20 452 EVP), des denrées alimentaires (15 216 EVP) et des boissons. Tous les courants de trafics sont en hausse à l’exception des boissons. Le bois et les produits chimiques progressent de 8 % et les denrées alimentaires de 22 %. Seule fausse note à cette partition bien rôdée, les trafics de vins et spiritueux pour lesquels Le Havre est le premier port mondial. Au cours des derniers mois, ce courant accuse un léger repli. « Nous enregistrons une baisse de ce trafic sur les premiers mois de 2014 en raison d’une nouvelle loi anti-corruption du gouvernement chinois. Néanmoins, cette loi ne devrait pas avoir des effets sur le long terme. Nous pensons qu’il s’agit plutôt d’une baisse structurelle liée à la présence de nombreux stocks de vins et spiritueux en Chine », explique Christophe Cheyrou.
Au regard des chiffres des principaux ports d’Europe du Nord, la Chine plus particulièrement et l’Asie plus globalement demeurent le moteur de la croissance des trafics conteneurisés. Principale route maritime conteneurisée dans le monde, la ligne Europe-Asie est en croissance ces derniers mois. Ces trafics, réalisés hier avec des navires de 10 000 EVP à 12 000 EVP, le seront demain avec des navires de plus grande taille qui accosteront dans les ports européens. China Shipping Container Line a annoncé lors d’une mission à Anvers son intention d’aligner des navires de 19 300 EVP sur son service en sortie de Chine. L’escale d’un navire de cette taille signifie surtout pour les opérateurs portuaires européens d’avoir la capacité de l’accueillir, mais aussi d’offrir des dessertes vers les différents marchés européens. Lors de la mise en place de navires de 10 000 EVP, déjà les responsables portuaires européens ont imaginé que de grands hubs se feraient jour dans les prochaines années parce que ces navires n’escaleront pas dans tous les ports. Ils ont conservé leur rotation et touchent toujours LeHavre, Zeebrugge, Anvers, Rotterdam et Hambourg. « De par notre position en entrée du range, nous pouvons offrir des temps de transport plus courts avec la Chine et la qualité de nos dessertes terrestres nous donne des avantages commerciaux par rapport à nos concurrents de la mer du Nord », a souligné Hervé Martell, président du directoire du Grand port maritime du Havre. Et pour continuer sur sa lancée, Hervé Martel n’hésite pas à faire du benchmarking: « Notre niveau de desserte avec la Chine se renforce puisque nous annonçons plus de 10 services hebdomadaires vers la Chine, soit plus qu’Anvers. » Un atout qu’Haropa a su développer en se dotant d’outils comme son système douanier mis en place avec la Soget, le chantier multimodal pour l’évacuation des conteneurs et la disponibilité de terrains pour les opérations logistiques. Si les armateurs n’ont pas choisi un hub sur l’Europe du Nord, c’est peut-être qu’ils n’ont pas trouvé le port idéal pour jouer ce rôle.
13 385 EVP exportés vers l’Inde
L’Asie ne se résume pas à la Chine, même si l’empire du Milieu reste la puissance économique régionale dominante. L’accent est mis de plus en plus sur les trafics avec l’Inde. « Les relations commerciales entre l’Inde et Haropa sont d’une taille moindre que celles avec la Chine, mais nous pensons que nous devrions voir ces chiffres augmenter dans les prochaines années », a indiqué le représentant d’Haropa en Inde, le capitaine Avinash Batra. Entre l’Inde et l’Europe du Nord, le trafic conteneurisé est peu déséquilibré. L’Inde exporte 502 250 EVP vers l’Europe du Nord quand cette dernière exporte 453 813 EVP vers l’Inde. Plus précisément, les relations avec Haropa sont relativement importantes dans ce contexte puisque l’ensemble portuaire séquanien exporte 13 385 EVP vers l’Inde. Des trafics qui se composent principalement de vins et de matériel électrique. « Le nouveau gouvernement indien a dévoilé sa politique récemment, continue le capitaine Avinash Batra. La croissance passera par les infrastructures et l’industrialisation. Il est prévu d’investir plusieurs milliards de dollars dans le réseau routier indien mais aussi le ferroviaire et les voies navigables. » En outre, le gouvernement fédéral indien a créé dans les ports des zones économiques. « Quand les ports et le réseau terrestre seront améliorés, nous verrons les trafics se développer. »
Cette bataille des ports européens pour prendre des parts de marché sur l’Asie dure depuis plusieurs décennies. Une concurrence qui pourrait aussi profiter au sud de l’Europe. L’entrée en Europe pour desservir les marchés du centre du continent par les ports du Nord n’est plus automatique. De nouvelles lignes se développent sur les ports du sud, et notamment de l’Adriatique avec les intentions de Trieste. Actuellement, les trafics entre l’Asie et la Méditerranée restent stables. La mise en place des alliances pourrait déstabiliser ce marché. Les ports du sud de l’Europe pourront-ils supporter l’arrivée massive de conteneurs depuis l’Asie avec leur niveau actuel d’infrastructures? Si la réponse affirmative ne fait pas de doutes sur les ports de l’Ouest comme Marseille, Barcelone ou Gênes, il en est autrement pour ceux de l’Adriatique ou de la mer Noire. Leur capacité à assurer l’évacuation des conteneurs lors d’une escale d’un porte-conteneurs de 14 000 EVP n’est pas optimale. Dans un rapport de 2010 sur les perspectives à 2025 du trafic avec la Méditerranée, l’auteur, Emma La Ferla, indique que le manque structurel d’infrastructures dans la partie orientale de la Méditerranée et en mer Noire handicape ces ports. « La performance des ports méditerranéens est trop insuffisante pour entrer en compétition avec ceux du range nord-européen. » Une tendance qui s’est inversée depuis les investissements réalisés sur des ports comme Trieste, Le Pirée, concédés à Cosco Pacific ou ceux de la côte adriatique de l’Italie. Le choix des armateurs pour la côte Nord ou méridionale du continent dépendra en premier lieu des capacités des infrastructures et des services apportés par les ports. Si les ports du Nord ont quelques longueurs d’avance, ceux du Sud pourraient rapidement devenir des outsiders.