Europe-Asie: l’euphorie du début d’année s’est transformée en jaunisse

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Dès les premiers indices d’une résorption du déséquilibre de trafic entre deux continents, l’enthousiasme est de rigueur. Entre l’Europe et l’Asie, après une année 2012 marquée par une récession, la croissance est de retour. Cette route maritime, la plus importante sur la planète, a vu son trafic croître de 4,3 % à 20,8 MEVP. Un chiffre rassurant puisqu’un an auparavant, en 2012, les liaisons conteneurisées entre l’Asie et l’Europe avaient perdu 2,5 % à 19,9 MEVP. Mieux, sur les trois dernières années, la tendance générale est à la hausse. De 2011 à 2013, les volumes de conteneurs ont augmenté de 1,6 %. Et cette progression semble perdurer. Sur le premier trimestre, les chiffres publiés par CTS (Container Trade Statistics) et repris par le consultant néerlandais Dynamar confirment une croissance de 4,9 % à 5,2 MEVP entre l’Europe et l’Asie.

Un optimisme qui doit encore plus réjouir les Européens. Au cours de ces dernières années, la croissance a été plus marquée pour les exportations européennes que pour celles d’Asie. En effet, entre 2011 et 2013, les volumes en sortie d’Asie ont subi une forte baisse en 2012 que la progression de 2013 n’a pas réussi à rattraper. Sur les trois dernières années, le nombre d’EVP ayant transité entre les deux continents s’établit aux alentours de 14 MEVP. Avec 14,02 MEVP, l’année 2013 se situe à 0,64 % en dessous du niveau de 2011. En 2012, en sortie d’Asie vers l’Europe, ce sont quelque 13,5 MEVP qui ont emprunté cette route dans le sens westbound. Au global en deux ans, les chargements en Asie vers l’Europe ont perdu 90 000 EVP. Dans le même temps, mais dans le sens eastbound, la tendance est à l’opposé. En 2013, le nombre d’EVP au départ de l’Europe a gagné 5,6 % à 6,7 MEVP. Une hausse qui s’étale sur les trois dernières années. De 2011 à 2013, la hausse du trafic en sortie d’Europe s’affiche à 6,77 %, soit 429 000 EVP en plus transportés. Ce contexte semble marquer le pas sur le premier trimestre. La route Europe-Asie continue de croître avec un taux de 4,9 %. Les premiers indices de résorption du déficit dans ce trade ne se confirment pas. Les trafics augmentent plus en sortie d’Asie qu’en sortie d’Europe. Avec 6 % d’augmentation en sortie d’Asie à 3,5 MEVP contre 2,6 % à 1,7 MEVP en sortie d’Europe, le déséquilibre revient à son état antérieur. L’ensemble de ces chiffres établis par CTS ne distingue pas le fait que les conteneurs soient chargés ou pas. Il est certain qu’une partie des boîtes exportées depuis l’Europe sont vides et retournent en Asie pour être remplies.

Surcapacité ambiante

Cette tendance à la croissance devrait réjouir les armateurs, tout du moins en théorie. Dans la réalité du marché, les choses sont moins nettes. Les volumes transportés dans l’un ou l’autre sens ne font que combler, un tant soit peu, la surcapacité ambiante sur cette route. Après avoir atteint un niveau au plus bas en avril 2012, le taux de fret d’un conteneur entre Shanghaï et l’Europe du Nord peine à retrouver de sa consistance. Au début de 2014, le SCFI (Shanghaï Container Freight Index) a enregistré un pic avec un taux de 1 765 $/EVP le 3 janvier de Shanghaï vers l’Europe. En deux mois, ce taux a perdu 52 % pour se retrouver à 843 $/EVP. Le 30 avril, ce taux a de nouveau enregistré une progression pour se retrouver à 1 305 $/EVP, soit une hausse de 54,8 %. Selon le consultant néerlandais Dynamar, l’effet d’application de la surcharge annoncée pour le 1er mai a eu des effets de par une demande plus importante et une offre d’espace plus limitée. Ces changements erratiques sont sujets aux moindres variations économiques. Dès lors que le gouvernement chinois annonce une « prise en main » de son inflation, l’économie de l’empire du Milieu ralentit. Actuellement, les taux de fret sont revenus à des niveaux bas. Selon les dernières estimations délivrées par les services de HSH Nordbank, les taux de fret entre l’Asie et l’Europe ont perdu 33 $ à 705 $/EVP au 17 octobre. « Comme attendu, il n’y a pas eu d’effet de la hausse annoncée par les armateurs au 15 octobre de 500 $/EVP. L’atonie reste de mise en Asie depuis la Golden Week Holidays. Dans ce contexte, les armateurs ont annoncé leur intention d’imposer une augmentation comprise entre 775 $ et 900 $/EVP pour le 1er novembre. Il est encore trop tôt pour dire si cette nouvelle hausse sera appliquée. Les armements craignent de voir le scénario de l’an passé se répéter quand ils ont vu les taux de fret augmenter rapidement et la situation se retourner tout aussi subitement », explique un analyste de la HSH Nordbank. Pour les prochains mois, toutes les attentions se tournent vers la production industrielle chinoise. La Chine joue toujours le rôle de moteur de l’économie mondiale. Mais les chiffres tirés des derniers rapports de la Banque centrale chinoise (People’s bank of China) annoncent une croissance pour 2014 comprise entre 7 % et 7,4 %. Nous sommes loin des croissances à deux chiffres qui ont mené l’économie chinoise au début des années 2000. Et même si ce taux reste à un niveau enviable pour les économies avancées, il se situe à un niveau bas pour une économie asiatique. Avec la baisse des prix des matières premières, les importations chinoises tendent à se réduire. Du côté des exportations, la croissance se situe à 9,4 % mais toujours en valeur, ce qui porte la balance commerciale chinoise à un de ces niveaux records. Si d’un côté de la route Europe-Asie l’économie croît, sur l’autre rive, en Europe, la situation est plus alarmante. La zone Euro peine à revenir à une croissance durable. Les politiques d’austérité ont certes permis à quelques États membres de revenir au niveau général, mais globalement l’économie européenne souffre. Alors les prévisions de croissance du FMI pour 2014 ne seront pas réalisées. Tant les économies de l’Ouest que les pays émergents peinent à confirmer leurs bons résultats. Peter Sand, directeur des analyses au Bimco (Baltic and International Maritime Council) semblait pourtant optimiste en juillet: « L’Europe reste sur une tendance à la hausse d’un point de vue macroéconomique, mais la croissance de la demande en biens manufacturés, et donc conteneurisés, montre que la consommation des ménages est en augmentation. Les améliorations pour le commerce international, réalisé par l’industrie maritime, montre la voie vers une croissance économique généralisée. » Ce qui a été valable en juillet ne l’a plus été en août.

La logique de l’industrie maritime de créer des Vessels Sharing Agreements (VSA), qui s’apparentent plus à des accords d’espaces sur les navires qu’à des accords commerciaux, devra rapidement porter ses fruits. Ces trois grandes alliances, la 2 M, l’Ocean3 et la G6, vont devoir contenir l’offre pour trouver un niveau de rentabilité suffisant sur la route Europe-Asie. Les taux actuels ne permettent pas de tirer une rentabilité suffisante des taux de fret. Les résultats des armateurs sur les premiers mois de l’année le démontrent.

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