« Grâce à un travail entamé avec les affaires maritimes, nous avons pu faire évoluer les décrets de navigation. Ces décrets devraient sortir cette année et concernent les automoteurs qui entrent et qui sortent de Port 2000 », explique Christian Feuvre, le directeur des dessertes terrestres au Grand port maritime du Havre (GPMH). Autre solution, le transfert par navettes ferroviaires opérées par la Saith dans l’attente de la solution de transfert terrestre vers la plate-forme multimodale qui doit être livrée au mois de décembre. Depuis 2013, le GPMH a engagé une vaste concertation pour améliorer les accès nord-sud du port. Une étude technique et économique a été menée afin d’améliorer la situation actuelle. Le bouquet sur Port 2000 pourrait ainsi être complété dans les années à venir par une desserte directe (chatière). Son coût est estimé à 100 M€. L’étude technique, elle, s’élève à 2 M€. Il s’agirait d’ouvrir une passe dans la digue Sud à l’ouest des installations pétrolières de la CIM qui permettrait aux péniches de rallier l’avant-port à Port 2000 sans franchir les digues. « Des tables rondes sur le fluvial ont été organisées. L’aspect économique du projet a été évoqué, notamment les perspectives de trafic. Le préfet a estimé qu’il était nécessaire d’avoir l’expertise du commissariat général à l’investissement (CGI) sur ce dossier. C’est une nouvelle étape. » Le GPMH redoute cette expertise qui, si elle s’avérait négative, pourrait remettre sérieusement en cause le projet. « La chatière doit en effet avoir un impact significatif sur le trafic en termes de volume », reconnaît Christian Feuvre. Autre inquiétude, la disparition de l’écotaxe qui devait permettre de financer ce genre d’infrastructure ne rassure pas les opérateurs fluviaux.
Des solutions avec inconvénients
L’accès à Port 2000, où sont déchargés la plupart des conteneurs, est directement accessible aux poids lourds, mais pour le fluvial, les opérations ne sont pas aussi simples. Trois solutions sont offertes mais chacune d’entre elles présente des inconvénients en termes de coût, de contraintes, de volumes et de temps. La navette ferroviaire opérée par la Saith entre Port 2000 et le terminal fluvial de l’Europe impose par exemple des ruptures de charge. Le passage par l’estuaire, la route Sud, nécessite des navires fluviaux-maritimes plus coûteux. La troisième alternative consiste à emprunter la route Nord avec le passage de l’écluse François Ier. Cette solution nécessite une fenêtre météo de six heures, ce qui pose un problème de fiabilité.
En termes d’acheminement, le fluvial à partir de Port 2000 a représenté en volume global de 130 000 EVP en 2013. Sur ce chiffre et en détaillant, 51 000 EVP ont été directement pris en charge par la navette ferroviaire de la Saith, 18 000 EVP ont été acheminés par automoteur par la route Sud et 57 000 EVP ont emprunté la route Nord, toujours par automoteur. « Sur Port 2000, la Saith n’a pas la capacité de traiter tous les volumes. Le recours aux automoteurs est donc important. » Sur les terminaux Nord, toujours en 2013, le fluvial a porté en volume sur 51 000 EVP. Reste le problème de massification sur les barges fluviales. À l’heure actuelle, un automoteur a une capacité de 200 EVP à 250 EVP. Avec la mise en exploitation du terminal multimodal, le GPMH espère que les opérateurs se tourneront progressivement vers des convois poussés d’une capacité de transport de 350 EVP. Christian Feuvre estime au passage que les opérateurs fluviaux ne se penchent pas suffisamment sur la notion de productivité. Parallèlement, le problème de la diminution des subventions inquiète les opérateurs fluviaux. « Jusqu’à présent, les prestataires de transport pouvaient compter sur une prime unitaire de 18 €. Dès 2012, on savait déjà que cette aide allait être diminuée. Dans un contexte budgétaire contraint, le gouvernement a décidé de la réduire à 6 €. L’État a notamment estimé qu’il y avait eu des abus pour toucher et multiplier ces aides. Les opérateurs, eux, mettent également en avant que contrairement au rail et à la route, ils sont les seuls à supporter les coûts de manutention du port du Havre », explique Christian Feuvre. Et à terme, cette aide pourrait définitivement disparaître. Les opérateurs fluviaux estiment également que les coûts de manutention sur le port du Havre ont considérablement augmenté selon les terminaux et que le choix des terminaux est imposé par le client. Ces inquiétudes ont d’ailleurs été relayées il y a plusieurs mois lors de la dernière assemblée générale du Comité des armateurs fluviaux (CAF). Le trafic fluvial par conteneurs, lui, est en chute libre avec une baisse de 9,15 % pour les six premiers mois de l’année à l’écluse de Tancarville. Un résultat qui contraste avec la croissance à deux chiffres affichée en 2011 (+ 16,8 %). En 2013, sur Haropa-Port du Havre, la part modale du transport fluvial de conteneurs a atteint 10 % à 184 000 EVP. Ce résultat a notamment été impacté par le recul des importations observé dans la grande distribution en région parisienne.
Levier de croissance
Pour Christian Feuvre, le terminal multimodal qui sera livré tout prochainement est un levier de croissance dans le domaine du ferroviaire, à condition cependant de disposer de sillons performants. « La modernisation de la ligne Serqueux-Gisors est quelque chose de stratégique. Nous travaillons en collaboration avec Réseau ferré de France. Nous espérons aboutir l’an prochain pour une mise en œuvre en 2017. » Au Havre, la reconfiguration de certaines lignes ferroviaires, en 2013 notamment par l’opérateur historique Naviland, explique partiellement la baisse du fer (83 000 EVP). Cette reconfiguration s’inscrit dans la perspective de la mise en service du terminal multimodal.