JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): QUELLE EST LA RÉPARTITION PAR MODE DES TRAFICS PRÉ ET POST-ACHEMINEMENTS (PPA) TOUTES MARCHANDISES CONFONDUES?
ANTOINE BERBAIN (A.B.): Pour la question des PPA tous modes confondus, au sein d’Haropa, il faut prendre en compte les vracs liquides transportés par oléoducs ou gazoducs. Parmi toutes les marchandises transportées et confondues, au GPMH, il y a 65,5 % des trafics qui sont en PPA par oléoducs ou gazoducs. La route représente 24 %, le fluvial 7 %, le ferroviaire 3,5 %. Ces chiffres montrent la réelle part modale de la route – au fond pas si élevée – pour les PPA sur la totalité des marchandises transportées. Les oléoducs et gazoducs constituent de loin la part la plus importante pour les PPA. Pour nous, cela signifie que la situation des PPA est plutôt satisfaisante, génératrice non pas d’une majorité de poids lourds mais d’une majorité de flux massifiés. Ces chiffres sont ceux du GPMH, ils n’existent pas encore au niveau d’Haropa, nous sommes en train de réaliser ce travail. Ils ne sont toutefois pas dénués de sens, étant donné que le GPMH représente une part majoritaire des trafics d’Haropa.
JMM: QUELLE EST LA RÉPARTITION PAR MODE DES TRAFICS PPA POUR LES CONTENEURS?
A.B.: Concernant spécifiquement les conteneurs, Haropa comprend trois modes massifiés et le transport routier. Au GPMH, les conteneurs représentent 17 % des trafics massifiés pour les PPA. La part du routier est donc de 83 %. Les 17 % se décomposent en 9,7 % pour le fluvial, 4,4 % pour le ferroviaire et 2,9 % pour le feedering maritime. Pour les conteneurs en PPA, il faut aussi distinguer ceux à destination de l’axe Seine afin de connaître la part de marché du fluvial sur le cœur de cible. Nous considérons que sur les conteneurs dits axe Seine, la part modale du fluvial atteint 25 %. Pour les conteneurs, d’un point de vue PPA massifiés, la situation apparaît ainsi plutôt satisfaisante au sein d’Haropa. Nous n’avons pas à rougir par rapport à nos grands concurrents.
JMM: QUELS SONT LES ENJEUX DE DÉVELOPPEMENT POUR LES PPA AU SEIN D’HAROPA?
A.B.: Il existe un enjeu sur les conteneurs pour continuer à développer les modes de transport massifiés, plus particulièrement le ferroviaire au vu de sa faible part modale. Nous voulons augmenter les trafics ferroviaires dans le PPA de conteneurs au sein d’Haropa. Il s’agit notamment de parvenir à échanger des conteneurs sur des territoires plus lointains en utilisant le mode ferroviaire. Pour cela, nous comptons sur le développement de lignes ferroviaires régulières vers toutes les destinations françaises ou européennes possibles. Dans le même temps, bien entendu, nous travaillons à accroître la part modale du fluvial, déjà importante. Cela passe par l’essor des échanges avec les territoires de l’axe Seine. Notre volonté est d’utiliser le plus et le mieux possible cet atout que représente la Seine à grand gabarit pour desservir le cœur de l’Ile-de-France (IDF), principal bassin de consommation du pays. Pour cela, il y a la plate-forme de Gennevilliers et un réseau de terminaux fluviaux secondaires actifs dans les différents départements de l’IDF, sans oublier ceux présents en Seine-Maritime. En 2015, le réseau de terminaux fluviaux à conteneurs d’Haropa sera complété par l’ouverture d’un nouveau site à Longueil-Sainte-Marie. Situé en Picardie, celui-ci permet à Haropa d’étendre son réseau de terminaux à conteneurs au-delà de l’IDF, comme le font déjà les sites de Nogent-sur-Seine en Champagne-Ardenne et de Gron en Bourgogne.
Au global, la priorité d’Haropa est d’aller chercher des parts de marché et d’étendre son hinterland le plus loin possible par le ferroviaire et de desservir toujours mieux les territoires de l’axe Seine par le fluvial. Cette stratégie doit conduire à une augmentation des parts modales des modes massifiés pour les PPA.
JMM: QUEL EST LE RÔLE DU CHANTIER MULTIMODAL?
A.B.: Au GPMH, le chantier multimodal a pour objectif d’améliorer les capacités de massification du ferroviaire – en facilitant la constitution de trains – et du fluvial, en facilitant le chargement des conteneurs dans les barges. Il sera livré le 15 décembre. Il restera ensuite à la future société d’exploitation de s’organiser pour démarrer le service de cette plate-forme le plus rapidement possible. Le chantier multimodal, c’est un système de groupage/dégroupage des conteneurs depuis les terminaux maritimes pour réaliser des trains entiers et des convois fluviaux. Les trains sont constitués sur le chantier avec les conteneurs en provenance des terminaux sans que l’opérateur soit obligé d’aller les chercher ou de travailler avec un seul terminal. Les barges et les trains sont chargés sur le chantier sans que l’opérateur ait besoin de faire le tour des terminaux pour récupérer les conteneurs.
JMM: QUELS SONT LES AUTRES PROJETS D’HAROPA DANS LE DOMAINE DE LA MULTIMODALITÉ?
A.B.: Le chantier multimodal et le développement des terminaux fluviaux ne doivent pas être dissociés de la capacité des trois ports à accueillir des entrepôts. Dans la multimodalité, les entrepôts constituent un élément important. Ils permettent de massifier les flux. Leur implantation doit être la plus proche que possible des terminaux portuaires, voire même à l’intérieur de ceux-ci. Cela limite les flux entre le terminal maritime ou fluvial et l’entrepôt. Dans les semaines à venir, Haropa va annoncer des implantations majeures d’entrepôts. Il s’agira aussi bien d’entrepôts destinés à des chargeurs que des solutions liées au e-commerce et à la messagerie.
Un autre projet important d’Haropa, c’est celui de Port Seine Métropole Ouest (PSMO) qui prévoit, à la confluence de la Seine et de l’Oise dans la plaine d’Achères, la réalisation d’un port orienté vers les activités du BTP pour répondre aux besoins de construction du Nouveau Grand Paris, notamment du métro Grand Paris Express, et aux objectifs de création de 70 000 logements par an soit nettement plus qu’actuellement. Pour cela, PSMO prévoit une utilisation majoritaire de la voie d’eau et du ferroviaire favorisant ainsi la multimodalité. L’idée est de mettre en place un système d’économie circulaire et de reverse logistic. Le flux aller vers PSMO servira à alimenter des chantiers du Grand Paris par la voie fluviale en granulats, sables et graviers, voire en éléments préfabriqués. Le flux retour vers PSMO sera composé de déblais de chantiers destinés à remblayer la carrière en cours d’exploitation de la plaine d’Achères et constituer les terre-pleins du port. Le débat public sur PSMO est en cours jusqu’au 15 décembre. Après la remise du rapport en février 2015 par la commission particulière du débat public, Ports de Paris devra faire savoir pour mai 2015 si le projet est poursuivi ou non avec une mise en service possible entre 2018 et 2020.
JMM: QUELLE EST LA POSITION D’HAROPA SUR SEINE-NORD EUROPE (SNE)?
A.B.: Du point de vue du bassin fluvial, Haropa est au maximum de ce qu’il est possible de faire dans SNE. Avec l’ouverture en 2015 d’un nouveau terminal à Longueil-Sainte-Marie et avec PSMO à Achères, nous sommes géographiquement à proximité du futur canal. Ces deux sites répondent toutefois à des besoins identifiés, possèdent leur propre logique au sein d’Haropa et sont ainsi indépendants de la réalisation de SNE. Nous avons toujours considéré qu’il était un enjeu de compétitivité pour l’axe séquanien. Nous voyons SNE comme l’obligation pour les trois ports d’être performants et multimodaux dans la perspective de l’ouverture du canal.