L’éventuel futur drone automatique fera 60 m de long (ce qui n’est pas totalement neutre par rapport à certaines obligations de pilotage portuaire), pour 14,5 m de large et 13 m de creux (8 m de franc bord et 5 m de tirant d’eau). Capacité d’emport, 100 EVP (1 300 tpl), à la vitesse moyenne de 6 nœuds. Des batteries d’une puissance de 3000 kWh permettront une autonomie d’environ 100 miles.
Le ReVolt sera la solution à l’un des plus importants défis posés à la profession, écrit le DNV GL, celui de la sécurité. « Avec une moyenne de 900 morts par an, le taux de mortalité dans le transport maritime est de 90 % supérieur à celui d’une industrie comparable terrestre », affirme l’une des plus importantes sociétés de classification, sans autre précision. « Des études ont montré que la majorité de ces accidents ont pour origine une erreur humaine. Des navires sans équipage éliminent ce facteur de l’équation et rendent leur exploitation plus économique », ajoute le DNV GL qui mélange tous les métiers (de la conception de navire au lobbying concernant la rédaction de la réglementation internationale, sans oublier l’assistance aux opérateurs pour appliquer cette réglementation, puis le contrôle du respect de celle-ci pour le compte de l’État d’immatriculation). Pour réduire la résistance à l’avancement, le propulseur d’étrave sera rétractable. Deux pods assureront la propulsion et la meilleure manœuvrabilité du flotteur.
DNV GL reprend l’argument spécieux de Rolls-Royce selon lequel, outre le coût de l’équipage, les locaux d’habitation et de travail réduisent la capacité d’emport (voir JMM du 5/9, p. 27). L’absence d’équipage permettra donc au ReVolt de réaliser une économie sur le coût d’exploitation de 34 M$ sur une durée de vie estimée à 30 ans (ce qui semble bien optimiste).
Le concept est encore en phase de test, mais construire et exploiter un tel navire est possible avec les technologies d’aujourd’hui, affirme Hans Anton Tvete, chercheur en chef chez DNV GL. Il précise que le ReVolt a pour objectif d’inciter les équipementiers (qui peuvent être certifiés par le DNV GL), les chantiers navals et les armateurs (clients possibles du DNV GL) à « développer de nouvelles solutions pour un futur sûr et soutenable ».
Révolte
Pour tenter de s’assurer d’un réel futur sûr et soutenable, le DNV GL, Rolls-Royce et Hyunday ainsi que les membres du programme européen Munin (Maritime Unmanned Navigation through Intelligence in Networks) pourraient lire ou relire quelques ouvrages sur le facteur humain dans l’aviation, dans le maritime, la médecine et en particulier la chirurgie, chez les équipementiers maritimes, ou les concepteurs de logiciels les plus complexes. Selon l’ouvrage de J.-P. Clostermann, La conduite du navire marchand, facteurs humains dans une activité à risques (2010), 67 % des accidents aériens ont pour facteur contributif majeur l’équipage; 73 % dans le maritime. Dans l’aérien, songe-t-on à revenir à la conception des années 1980 en développant des automatismes très complexes? « René Amalberti a mis en évidence les effets pervers de la tentative de supprimer l’erreur. Cette démarche a consisté, d’une part, à imposer l’utilisation de très nombreuses procédures qui doivent être suivies rigoureusement, et d’autre part à développer des automatismes extrêmement sophistiqués (…). Les automatismes diminuent la compétence de l’opérateur à exercer les tâches qu’il ne pratique plus », rappelle Bruno Doat, commandant de bord instructeur Airbus A320, puis responsable du recrutement des pilotes d’Air France durant six ans
Parmi les facteurs dont le navigant doit se méfier figure la surconfiance. Cela ne devrait pas se limiter au seul navigant. En janvier 2010, Rolls-Royce a versé 65 M$ à Royal Caribbean Cruises Line pour mettre fin au litige concernant les dysfonctionnements récurrents des pods de haute puissance équipant quatre paquebots de la série Millenium. On attend toujours des explications de Rolls-Royce sur la casse de trois des quatre pales de l’hélice de l’un des deux propulseurs arrière de l’Emma-Mærsk (14 000 t d’eau dans la coque, voir JMM du 24/1). Il est largement temps que les laudateurs du navire automatique soient recadrés. Autre angle d’attaque: le juridique. Pas d’équipage, donc impossibilité pour le transporteur maritime d’invoquer la faute nautique du capitaine pour s’exonérer de sa responsabilité. Par ailleurs, il pourrait être judicieux de faire disparaître la limite de responsabilité du transporteur dès lors que son navire est sans équipage.
La gestion du stress chez les opérateurs de première ligne de l’aérien, article paru dans les Cahiers de la sécurité no 10 octobre/décembre 2009.