Le gaz naturel liquéfié « va gagner en importance pour la propulsion des navires »

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POUVEZ-VOUS PRÉCISER QUEL EST LE CŒUR DE MÉTIER DE GTT?

PHILIPPE BERTEROTTIÈRE (P.B.): GTT a développé des technologies d’isolation pour les cuves des méthaniers qui transportent le gaz naturel liquéfié (GNL) à − 162 oC. GTT est l’inventeur de la technologie à membrane. Nous proposons des solutions permettant d’optimiser l’espace de stockage et de réduire les coûts de construction et d’exploitation des navires ou des réservoirs équipés de nos systèmes. Quand un chantier naval prend une commande de méthaniers, il peut choisir GTT pour bâtir l’ingénierie de détail pour les cuves de méthaniers. Pour nous, obtenir une commande de méthanier par un chantier naval, cela se traduit par la réalisation d’une étude d’ingénierie détaillée pour ce chantier. Ainsi, nous spécifions des matériaux, des fournisseurs auprès desquels les chantiers navals doivent aller s’approvisionner pour installer la membrane dans la cuve.

Dans les années 1960, il y avait deux sociétés: Gaz transport, et Technigaz. Elles ont fusionné en 1994 pour former Gaz transport et Technigaz, plus simplement appelée GTT. Nous sommes les héritiers de ces deux sociétés. Aujourd’hui, la société GTT comprend 270 ingénieurs principalement basés en France avec une moyenne d’âge de 35 ans, ce qui est une preuve de dynamisme. Quatre-vingt-dix pourcent des méthaniers en construction dans le monde utilisent nos technologies, ce qui fait de nous le leader de la conception de systèmes de confinement à membranes cryogéniques dans l’industrie navale pour le transport de GNL. Nous utilisons cette position forte pour nous placer sur des secteurs adjacents, comme celui du GNL comme carburant.

GTT A ÉTÉ INTRODUIT EN BOURSE EN 2014, POUR QUELLE RAISON?

P.B.: Nous sommes entrés en Bourse pour donner de la liquidité, pour permettre aux actionnaires existants de réduire leurs positions car c’est ce qu’ils souhaitaient faire. Le fait d’être en Bourse permet aussi à la société GTT de demeurer indépendante. Nous avons un actionnaire de référence, GDF Suez, qui détient environ 40 % du capital. Le groupe Total est également présent au capital à un niveau d’environ 10 %.

QUELS SONT LES RÉSULTATS DE GTT DEPUIS DÉBUT 2014?

P.B.: La santé de l’entreprise est excellente. Le chiffre d’affaires a progressé de 20 % au premier semestre avec un très bon résultat opérationnel. Depuis le début de l’année 2014, nous avons enregistré 25 commandes de méthaniers, une commande de plate-forme de production de GNL (FLNG), deux commandes d’unités flottantes de stockage et de regazéification de GNL (FSRU), quatre commandes de réservoirs à carburant de GNL et, plus récemment, une première commande pour six éthaniers. Le nombre de prises de commandes est particulièrement élevé, ce qui est très positif pour l’activité de l’entreprise actuellement et dans les années à venir.

Sur ces commandes, il faut souligner l’importance de celles concernant le projet Yamal LNG, car ce sont des méthaniers brise-glace qui un jour traverseront l’océan Arctique pour relier l’Asie. Nous avons déjà obtenu dix commandes pour ces méthaniers et nous espérons en décrocher quelques autres d’ici la fin de cette année.

JMM: LA SOCIÉTÉ GTT EST-ELLE PRÉSENTE SUR LE MARCHÉ DU GNL CARBURANT POUR LA PROPULSION DES NAVIRES?

P.B.: Le quart du personnel de GTT travaille dans l’innovation, à améliorer nos technologies, à préparer celles de demain, à essayer de se développer dans de nouvelles applications, notamment le GNL en tant que carburant. À partir du 1er janvier 2015, il va y avoir un durcissement de la réglementation relative aux émissions de soufre en Manche, mer du Nord et Baltique ainsi qu’en Amérique du Nord. Il va falloir que les armateurs regardent des solutions pour diminuer les rejets soufrés de leurs navires. Les armateurs peuvent utiliser les épurateurs de fumées (scrubbers). Mais ceux-ci rejettent beaucoup de boues acides qui doivent être ensuite traitées. Le diesel peut être utilisé pour répondre à la norme d’émissions inférieures à 0,1 % de soufre conformément à l’annexe VI de Marpol. Une autre solution est d’utiliser du GNL comme carburant. Nous pensons que le GNL va gagner en importance pour la propulsion des navires. C’est l’un de nos axes prioritaires de développement. Nous proposons nos solutions pour ce marché. En janvier, nous avons signé un contrat avec le chantier STX de Saint-Nazaire pour des navires de Brittany Ferries. Il s’agit du projet de construction du Pegasis et de la conversion au GNL de trois autres ferries existants avec la réalisation de cuve membrane dans ces navires. Notre objectif est de proposer les solutions techniques pour cette nouvelle application du GNL. Par exemple, il peut s’agir de soutes à GNL à installer dans les navires dédiés au transport maritime, des réservoirs plus petits, des navires pouvant avitailler de plus grandes unités, des réservoirs dans les ports, des bras de chargement ou des mats de soutage pour transférer le GNL d’un navire d’avitaillement à un navire marchand, etc.

JMM: PARTICIPEZ-VOUS À DES PROJETS DE GNL CARBURANT DANS LA NAVIGATION INTÉRIEURE?

P.B.: Le développement du GNL comme carburant dans le transport fluvial est très intéressant car, à bord, les bateaux sont limités en volume, beaucoup plus que les navires. Les bateaux doivent aussi répondre à des contraintes extérieures: la dimension des écluses, la hauteur des ponts, les capacités de navigation des voies intérieures. Les questions de volume sont donc très importantes. Dans un tel contexte, la technologie à membrane de GTT apparaît très intéressante car elle repose sur la coque du bateau. La membrane permet d’occuper beaucoup plus harmonieusement les espaces. Ce n’est pas une cuve dédiée de forme cylindrique qui entraîne un gaspillage de l’espace, diminue la place disponible pour la marchandise, réduit le nombre de conteneurs transportés. Avec la technologie à membrane, la perte d’espace est nettement moindre. C’est toute la beauté de la technologie à membrane qui peut être positionnée dans des espaces impossibles, avec des géométries très particulières, ce qui revient à minimiser l’espace occupé par le réservoir. Et cela en toute sécurité à bord. Nous sommes impliqués notamment dans des projets de bateaux fluviaux utilisant le GNL comme carburant, mais leur avancement n’est pas encore en état d’être évoqué plus précisément.

JMM: QUELLE EST L’IMPORTANCE DE LA COMMANDE DE SIX ÉTHANIERS ENREGISTRÉE PAR GTT MI-SEPTEMBRE?

P.B.: Le 16 septembre, nous avons annoncé la commande de six éthaniers (Very Large Éthane Carriers, VLEC) par un chantier coréen pour une compagnie asiatique. Quatre d’entre eux seront livrés avant la fin 2016, deux autres en 2017. Ces six navires seront les VLEC de plus grande capacité jamais construits et sont destinés à faire des liaisons maritimes entre les États-Unis et l’Asie, dans le cadre de l’accroissement de l’extraction d’éthane suite à la révolution des gaz de schiste américains. Ces navires peuvent aussi transporter d’autres types de gaz sous forme liquide comme le propane, le butane ou le propylène. Pour GTT, cette commande d’éthaniers constitue une grande première, un créneau d’activité tout nouveau. Les VLEC constituent un deuxième axe de développement important pour GTT. Comme la densité de l’éthane est plus élevée que celle du méthane, c’est plus contraignant en termes de chargement sur les parois de la cuve. Aussi, les mouvements du liquide dans les cuves viennent impacter plus fortement les parois des cuves. Cela nous conduit à repenser le dimensionnement de notre système à membrane. L’éthane est plus contraignant en termes de masse, mais moins en termes de température car la température de liquéfaction est à − 105oC.

QUEL AUTRE AXE DE DÉVELOPPEMENT PRIVILÉGIEZ-VOUS?

P.B.: Le troisième axe de développement de GTT concerne des services pour le bénéfice des armateurs de navires méthaniers. Des logiciels, des solutions de tests. Nous développons aussi des formations, en particulier pour le GNL comme carburant, car si les armateurs se tournent vers cette solution pour la propulsion des navires, il va falloir former les équipages qui n’ont jamais traité de GNL.

QUEL EST VOTRE AVIS SUR LA SITUATION DU MARCHÉ DES MÉTHANIERS DANS LES ANNÉES À VENIR?

P.B.: La tendance sur le marché des méthaniers est très positive car elle est soutenue par la demande de navires pour exporter le GNL américain à partir de 2016 vers l’Asie. Les quantités de GNL à transporter vont être extrêmement élevées et le voyage entre les États-Unis et l’Asie est particulièrement long avec la traversée du Pacifique. Ces deux caractéristiques entraînent un besoin important en nombre de méthaniers. Il faut en effet davantage de navires pour transporter du GNL quand le champ est très éloigné du lieu de consommation. L’Asie, avec des pays comme le Japon, la Chine, la Corée, Taiwan, représente aujourd’hui deux tiers du marché du GNL et cette part devrait progresser à l’avenir. C’est la zone géographique où le prix de vente du GNL est le plus élevé mais surtout où les besoins en énergie sont importants. La Chine se trouve toujours en situation de forte croissance économique. Ce pays connaît régulièrement des périodes de pollution à cause du charbon et se tourne de plus en plus vers le gaz. Le Japon a toujours eu des besoins élevés de GNL et ceux-ci s’accroissent avec l’abandon du nucléaire qui constituait une part importante de son mix énergétique. Ces deux pays participent largement aux contrats d’approvisionnement à long terme portant sur le GNL américain.

La France peut recevoir du gaz de nombreux fournisseurs différents grâce à ses infrastructures diversifiées: gazoducs ou terminaux méthaniers. Cela présente pour elle un avantage en lui offrant une grande diversité d’approvisionnement. Beaucoup de pays pourrait imiter ce modèle. Cela devrait donner une opportunité au GNL pour gagner des parts de marchés et de nouveaux débouchés.

Un système pour faciliter les opérations de soutage de GNL entre navires

Le 9 septembre, GTT a obtenu « l’accord de principe de Bureau Veritas pour le design innovant de son mât de soutage appelé Reach4 », précise un communiqué de la société française. Celui-ci est conçu pour s’adapter aux navires de ravitaillement et permet un transfert facile et sans danger du carburant GNL vers un autre navire, continue le communiqué. Développé par les ingénieurs de GTT, ce nouveau système utilise « des méthodes de déchargement classiques parfaitement éprouvées et adaptées aux contraintes spécifiques du GNL ». Le mât de soutage Reach4 de GTT convient à la plupart des navires de soutage, quel que soit l’aménagement de leur station de soutage. Pour assurer une sécurité maximale des opérations de soutage, le mât Reach4 sera équipé de raccords séparés permettant des déconnexions d’urgence sûres et fiables. « Une configuration brevetée empêche les déconnexions soudaines et maintient les raccords de désaccouplement dans une position fixe sur le mât afin d’assurer un déploiement simple et en toute sécurité », indique le communiqué. GTT est actuellement en pourparlers avec différents partenaires, à la fois des fabricants d’équipements et des utilisateurs finaux, afin de s’assurer que la conception finale sera adaptée aux besoins du marché dans son ensemble. Le système est déjà en train d’être intégré aux designs des navires de soutage. La mise au point de ce mât de soutage permet à GTT de diversifier son activité dans le secteur du GNL carburant. Si celui-ci est appelé à se développer dans les années à venir, les opérateurs portuaires et les armateurs vont avoir besoin d’équipement de base pour assurer la sécurité et la simplicité des opérations de soutage de GNL.

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