Le hasard fait bien les choses. Le Grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire planche sur son nouveau plan stratégique, voté en principe début 2015, dans une situation qui incite à prendre de nouvelles orientations et des décisions. À la différence d’il y a cinq ans, lors du dernier plan, l’heure est à la décroissance. Les trafics, en baisse depuis quatre ans, continuent de se dégrader. Au cours des six premiers mois de l’année, le rythme de décélération a été sensiblement le même que l’an dernier: − 2,5 % contre − 2,1 %. En 2013, le trafic global s’est établi à 27, 7 Mt alors qu’il y a huit ans, il atteignait 35 Mt. Face à ce renversement, le port a plusieurs défis à relever.
D’abord celui d’une éventuelle relance. « Vive le renouveau! », suggère Francis Bertolotti, le président de son conseil de surveillance. La croissance, c’était la promesse de la réforme portuaire. Dans les comptes, elle est presque digérée. Une question de deux ou trois ans encore. Mais la stagnation économique ne porte pas à l’essor des flux. Surtout, la baisse des tonnages frappe au cœur de la grande spécialité du port, l’énergie, faisant craindre le déclenchement du recul des énergies fossiles. Il s’agit pour l’essentiel de la chute des livraisons de GNL au terminal gazier Elengy GDF-Suez de Montoir. Trois méthaniers par semaine y accostaient il y a quatre ans, un par mois aujourd’hui. Presque 4 Mt en moins par an. Certes, la cause n’est pas locale, ni nationale. Le souci doit d’ailleurs disparaître quelque part autour de 2017. Mais le sait-on vraiment? Au-delà du gaz, le GPMNSN s’interroge sur tous ses flux énergétiques qui représentent grosso modo les deux tiers de son activité.
Du côté du pétrole et du charbon, la situation peut paraître rassurante. Les baisses et les hausses varient selon les années. En outre, les investissements se poursuivent tant à la centrale thermique EDF de Cordemais qu’à la raffinerie de Donges. Pas question de fermetures de sites. Au contraire. La centrale de Cordemais est rénovée pour tenir au moins jusqu’en 2035. Total maintient aussi ses investissements à Donges. Mais EDF n’a nullement l’intention d’augmenter les importations de charbon de Donges. Et Total fait tout pour réduire le dégagement de gaz à effet de serre en France, donc la consommation de produits pétroliers. Toute la question est de savoir si dans un contexte général en baisse, les énormes flux d’énergies fossiles encore nécessaires continueront de passer par le port de Nantes Saint-Nazaire.
Faire valoir la coopération avec Le Havre
Le plan stratégique de 2009 engageait déjà le port à se diversifier, à accélérer dans le conteneur, la logistique. Mais travaillant pour son hinterland, le port de Nantes Saint-Nazaire en supporte toutes les limites. En particulier dans le conteneur où il continue d’être fortement concurrencé par celui du Havre. Faire valoir la coopération avec Le Havre, pour faire prévaloir le transport maritime sur le routier, reste pour Nantes Saint-Nazaire un défi permanent. Surtout quand l’écotaxe est abandonnée et que l’A84 entre Rennes et Caen est gratuite.
Dans cette diversification, les axes retenus pour le plan stratégique 2015 annoncent une nouvelle étape: être au cœur des filières actuelles et émergentes; garantir la performance de l’outil industriel portuaire; conduire une politique partagée de développement durable des espaces portuaires estuariens. Le champ est vaste et centré sur l’industrie.
Mais, pour accueillir de nouvelles industries, le port manque d’espace. Après avoir renoncé à s’étendre par l’est, à Donges-Est, en 2009, du fait de l’opposition des mouvements environnementalistes, il négocie à nouveau une extension du même ordre, 50 ha, par l’ouest, à la vasière de Méan (encore appelée Grand Tourteau), au pied du pont de Saint-Nazaire. L’un de ses plus grands défis est de trouver cette fois une entente. Et dans le fond, de se transformer en acteur de l’écologie de l’estuaire.
Mais au-delà de ce nouveau cap se pose la question des moyens dont le port dispose réellement. Non seulement la décroissance déstabilise le budget du GPMNSN. Il est « tangent », même si les droits portuaires continuent d’augmenter (de « trois fois l’inflation », pointent la place portuaire). Le port se trouve pris en tenaille entre ses dotations de dragage en provenance de l’État en baisse de 20 %, le coût de l’accompagnement social de la réforme portuaire qui pèse encore sur les comptes pendant quelques années, sa propre structure sociale de port national et ses charges d’investissement pour relancer l’activité. L’un de ses défis consiste à revoir son « modèle économique ». En particulier, de moins compter, côté recettes, sur les flux de marchandises et davantage sur la location de ses espaces portuaires.
La question est aussi posée de trouver les moyens de la relance et d’un certain volontarisme. C’est pourquoi Francis Bertolotti, président du conseil de surveillance, avance une proposition audacieuse. Il demande à l’État de faire entrer les collectivités territoriales au capital du GPMNSN. Dans les faits, elles sont déjà partenaires. Elles subventionnent les projets portuaires. Mais Francis Bertolotti veut accélérer le pas, en suggérant un développement davantage partagé dans le cas, comme dans l’estuaire de la Loire, d’un port de second rang. Choisir ou non ce schéma fait aussi partie des choix à faire au cours des prochaines années.