Montoir mise sur l’ancre de Chine

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L’estuaire de la Loire drague jusqu’en mer de Chine. En septembre 2013, une délégation a prospecté pendant une semaine à Qingdao, posant des jalons en se donnant de trois à cinq ans pour espérer des résultats, mettant en avant 110 % de progression de son trafic avec la Chine ces cinq dernières années, mais avec seulement 24 000 EVP en 2012. La Chine est pourtant le deuxième partenaire, après les Antilles, pour Montoir, qui espère exporter bois, lait en poudre et autres produits agroalimentaires. Mais avec 181 000 EVP en 2013, le terminal pèse bien peu, comparé aux 2,2 MEVP du Havre. Pas sûr que l’embauche d’un permanent sur place – volontaire international en entreprise, sinophone basé à Qingdao, hébergé par le bureau permanent de la Région des Pays de la Loire et dédié à cette prospection – suffise à faire la différence. « Il n’est en place que depuis un an, il faut lui laisser du temps. En attendant, il peut remonter des infos et passer des messages, par exemple aux services vétérinaires chinois à propos des homologations des abattoirs bretons de porc », dit Michel Perrot de CMA CGM qui correspond régulièrement avec ce « missionnaire » en terre chinoise. Mais c’est vrai, Le Havre, Dunkerque, Rotterdam et Zeebrugge ont quelques années d’avance de présence dans l’empire du Milieu, de lobbying et de prospection des flux chinois.

Jusqu’ici, Qingdao, 14,5 MEVP de trafic annuel, septième port du monde et deuxième de Chine après Shanghaï, sert Le Havre en 28 jours, Montoir n’étant rejoint que par des liaisons en feedering. La géographie ne joue pas pour Montoir, plus proche du bassin drainant et versant du Havre, restreignant l’hinterland naturel, ne serait-ce que comparé à celui de Bordeaux. Hormis pour les lignes vers les Antilles ou l’Afrique de l’Ouest, ce qui sort du Mans se dirigera plus légitimement vers Le Havre que vers Montoir.

« Je comprends que le port de Nantes prospecte en Chine avec l’ambition de développer des lignes directes et d’éviter de reconnecter au Havre, pour être plus attractif en temps de transport, mais il faudra aussi être moins cher pour attirer le chaland. Et ça va plutôt nous enlever du pain de la bouche, en tant que transporteur routier, note Christine Jaouen, d’Atlantic Trans Containers, qui opère à Montoir. Je n’ai aucune information sur les efforts de développement. La route est pourtant incontournable, mais on a le sentiment qu’on fait plus d’effort vers le fluvial et le ferroviaire », dit celle qui préside aussi l’OTRE Bretagne, syndicat des transporteurs routiers version PME et TPE.

Passer la barre des 500 000 conteneurs

Le camion tient toujours la route, contestent les associations écologistes en demandant que le ferroviaire remplace significativement la route pour les pré et post-acheminements. Ce que le port ne considère envisageable qu’avec une massification suffisante du fret pour remplir les trains sans pénaliser le temps de transit.

Amandine Fagnot mène la petite société AFBL installée à Montoir en 2008, spécialisée dans le rachat, la transformation et la revente de conteneurs. Elle constate que les annonces de doubler ou de tripler le trafic conteneur à Montoir tardent à se concrétiser: « On nous annonce des tas de choses depuis des années. On attend. C’est long à décoller. » En attenant, 90 % des conteneurs que sa société achète proviennent du Havre, acheminés par la route. Sa société réalise aussi des prestations de petits travaux de maintenance du terminal. « On répare des bouts par-ci par-là, des trous, des marquages au sol qui ont disparu. Le terminal est vieillissant. »

L’objectif affiché pour Montoir est de passer la barre des 500 000 conteneurs, avec 340 000 EVP escomptés pour 2020, et 615 000 EVP en 2030. Le seuil du demi-million de boîtes correspondrait à l’utilisation totale pour le conteneur des 350 m de quai de l’allongement en cours. Jusque-là, 200 m de quai restent voués aux productions des éoliennes offshore de l’usine Alstom.

Les travaux d’allongement du quai feront accoster des porte-conteneurs de 8 000 boîtes, deux fois plus qu’actuellement, en tablant sur l’essor des trafics Asie-Europe et le relais du feedering européen. Par convention signée avec le port, l’opérateur du terminal conteneur TGO doit y investir 17 M€. L’enquête publique pour ces travaux posait la question de « l’implication des armateurs pour accompagner voire soutenir cette augmentation du trafic conteneur », concluant aussitôt que « dans un contexte concurrentiel difficile il paraît réaliste de ne pas attendre un engagement préalable des armateurs ». On a beau se vanter d’être le premier port français de la façade atlantique, les armateurs ne tablent que sur les perspectives de flux, les difficultés des économies européennes freinant les ardeurs. Suspendu depuis octobre 2010, repris en 2012, le trafic de bananes en provenances des Antilles, qui alimentait l’Ouest via Montoir, a depuis délaissé la Basse-Loire pour des chemins détournés, débarqué à Dunkerque, dépoté et palettisé sur place avant de rejoindre les mûrisseries dans l’Hexagone. « Pour Montoir, ce dossier est en sommeil, note Michel Perrot pour CMA CGM. Nous sommes bien sûr à disposition de notre client, le groupement des bananiers antillais, s’il voulait revenir à Montoir qui reste un terminal important pour CMA CGM investi au sein du manutentionnaire TGO. Les travaux d’allongement du quai nous intéressent pour accueillir sans réserve de marée ou de tirant d’eau nos navires qui vont en grossissant. »

Un chargeur comme le groupe volailler Doux exporte 115 conteneurs par semaine via Brest pour les sites de Chateaulin et Plouray, et 35 boîtes en deux fois via Montoir pour l’usine vendéenne de Chantonnay qui produit 250 t par jour, soit une dizaine de conteneurs. « On souhaite passer à 50 conteneurs en trois sets, dit Jean-Charles Doux, p.-d.g. du groupe qui exporte depuis 1971 vers le Moyen-Orient. Le passage au conteneur a changé les contraintes, notamment pour respecter les horaires du feeder. Un retard dû à une tempête, c’est vite deux à trois jours de perdus, avec un effet induit immédiat sur la date de règlement: le délai de transport est aussi très important en termes de trésorerie, avec des volumes considérables et des cargaisons de plusieurs millions de dollars. Plus le transport dure, moins vite on est payé. » La fluidité des ports bretons est aussi vue comme un atout, comparée aux engorgements des ports brésiliens où les concurrents mondiaux de Doux perdent parfois plusieurs jours. « Huit à dix jours vers la mer Rouge, une quinzaine vers le Golfe nous placent mieux que les Brésiliens qui ont 20 à 25 jours de trajet », ajoute le p.-d.g.

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