« Le ralentissement économique que nous constatons éloigne le bénéfice attendu de la réforme portuaire. » Ilyasse Aksil, le président de Terminal du Grand Ouest, filiale de CMA CGM et de BLP (groupe Bolloré) à Montoir, demande d’en tenir compte avant d’analyser ses résultats. Et parmi ceux-ci, insiste-t-il, il y a « une performance parmi les meilleures des ports français. Quand un rendez-vous est pris avec un navire, le terminal est dédié à la qualité de service, laquelle passe avant l’optimisation de nos coûts ».
Mais Montoir reste un port feeder qui, en temps de crise, résiste moins bien qu’en tête de ligne. Il reste desservi par les trois leaders mondiaux du conteneur mais ne sort pas toujours gagnant de leurs ajustements de services. Que deviendra-t-il dans les alliances, 2 M après P3? Par ailleurs, des concurrents indépendants manquent. « Nous sommes un port de niche ou d’objectifs spécifiques et nous sommes ouverts à tout le monde », rappelle Ilyasse Aksil.
Avec 87 000 EVP, import et export, Montoir recule encore de 5,7 % pendant les six premiers mois de 2014. La faute, pour une bonne part, à la ligne CMA CGM d’importation de bananes en direct des Antilles, arrêtée en juillet 2013 après la tempête tropicale qui a tout dévasté sur place. Le porte-conteneurs arrivait tous les dimanches matin. On ne l’a plus revu. Les bananes continuent d’être débarquées à Dunkerque. La ligne avait repris un an et demi avant l’interruption de juillet 2013. Pour Montoir, elle reste incertaine alors que les fruits et produits frais restent un de ses marchés cibles. Sur les Antilles, seule la ligne export, fournissant pour l’essentiel les approvisionnements de la grande distribution antillaise, continue de circuler.
Autre rétropédalage, BG Freight Line, qui assure pour Mærsk la liaison avec Rotterdam, ne passe plus une fois par semaine mais toutes les deux semaines.
Trafic en recul en 2013
L’an dernier le trafic conteneur, de 181 000 EVP, a reculé de 2,1 %. La tendance s’est inversée au début des années 2010. Cette année-là, encore, en dépit d’une année sociale chargée, le trafic a progressé de plus de 10 %. L’objectif des 200 000 EVP reste toujours en ligne de mire, et même des 500 000 EVP en 2020, porté spécialement par la progression des trafics pour MSC. En 2013, MSC a reculé. Cette année aussi. « La conséquence sans doute de son recentrage sur Le Havre », explique Ilyasse Aksil. Mais déjà en 2010, MSC a renoncé très vite à stopper à Montoir, sur sa ligne vers l’océan Indien lancée en 2009, encouragée par les 12 000 EVP de l’année 2008. Embarquant principalement des productions agricoles bretonnes, en frigo, à destination de l’Afrique du Nord en passant par le hub de Valence, l’escale a fait long feu. Ce départ direct vers le Sud fait partie des grandes aspirations de Montoir alors que les trois « grands » emportent d’abord ses conteneurs habituellement au Havre, à Anvers ou Rotterdam. Sa première destination, depuis 2011, n’est plus les Antilles mais l’Asie-Océanie.
MSC vient de lui faire retrouver cette route directe Nord-Sud, le 31 juillet. Ses porte-conteneurs (1 600 EVP à 1 800 EVP, 350 prises reefer) escalent à nouveau à Montoir sur sa ligne ibérique en descendant du Havre, repartant vers Cadiz, Valence, Barcelone et revenant par Sinès, Leixões et Vigo. Transit time réduit vers l’Afrique et l’Asie, les chargeurs, pour le moment réagissent bien. Et les chiffres de l’année 2014 pourraient retrouver des couleurs. Autre grande porte directe vers le Sud, la ligne Delmas, vers l’Afrique de l’Ouest, connecte Montoir à Tanger Med.
Asie (le quart du trafic), Antilles, Afrique de l’Ouest restent, dans l’ordre, les trois grandes régions de commerce avec Montoir, avec plus de 30 000 EVP pour l’Asie, un peu moins de 30 000 EVP pour les Antilles et moins de 20 000 EVP pour l’Afrique de l’Ouest, l’océan Indien dont l’Afrique de l’Est atteignant au mieux 10 000 EVP. En dehors de la France, l’ensemble des autres pays européens n’arrivent qu’en 7e position avec 7 500 EVP. Samskip, basé à Rotterdam, avait répondu à une offre de common feeder et commencé à desservir la Baltique en cabotage (Saint-Petersbourg, Oslo, Gdynia, Riga, Tallin, Helsinki, Copenhague). L’expérience a fait long feu. Aujourd’hui, Montoir regarde plutôt vers l’Ouest. Il estime aussi manquer d’une véritable liaison Est-Ouest, en dehors des Antilles.