« Nous soutenons les démarches entreprises pour développer l’utilisation du gaz naturel liquéfié (GNL) en tant que carburant dans la navigation intérieure européenne car nous sommes convaincus de ses avantages, déclare Hans van der Werf, secrétaire général de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR). Le recours au GNL par les bateaux intégrés dans un système de transport répond au plus haut niveau de sécurité et satisfait pleinement aux critères de la CCNR sur ce point. Les bateaux alimentés en GNL sont tout aussi sûrs que les autres. » Le développement de l’utilisation du GNL en tant que carburant pour les bateaux de navigation intérieure constitue ainsi l’une des priorités de la CCNR. Pour la navigation intérieure européenne, le GNL présente les mêmes avantages environnementaux que pour le transport maritime (voir encadré p. 10). Il participe notamment à réduire les conséquences des émissions polluantes d’oxydes d’azote (Nox) et de particules néfastes pour la santé des citoyens résidents à proximité des voies navigables intérieures ou des installations portuaires. En tant que carburant, il peut permettre à la navigation intérieure d’améliorer ses performances environnementales. Les progrès de ce secteur en matière de réduction des émissions de polluants atmosphériques n’étant pas à la hauteur de ceux des autres modes terrestres (voir article p. 14). « Les professionnels du secteur ont la volonté de réduire les émissions des polluants des bateaux avant même la mise en place de normes plus strictes, assure Benjamin Hofmann, chargé de mission auprès du secrétaire général de la CCNR. Ils savent que pour des bateaux qui consomment une grande quantité de carburant, le GNL présente l’avantage d’un prix pouvant être plus attractif que le diesel. Les prix d’avitaillement sont aujourd’hui encore trop élevés mais à l’avenir cela devrait être profitable pour les exploitants des bateaux. » Par ailleurs, l’intérêt du GNL pour la navigation intérieure est largement mis en avant par la Commission européenne dans le programme d’actions Naiades 2 pour la période 2013-2020 ainsi que dans la directive sur le développement des infrastructures de distribution des carburants de substitution. Le travail mené par la CCNR pour favoriser l’utilisation du GNL en tant que carburant pour les bateaux et la réalisation des infrastructures d’avitaillement nécessaires le long des voies navigables s’inscrit notamment dans le cadre de ces deux textes européens. Et ce d’autant plus depuis la signature en mai 2013 d’un « arrangement administratif favorisant la coopération entre la CCNR et la Commission européenne ».
L’objectif commun des deux institutions est d’assurer « un fonctionnement optimal du marché de la navigation intérieure et de supprimer les obstacles empêchant un recours plus large à ce mode de transport ». Cette démarche s’inscrit également dans le cadre de la « Vision 2018 » de la CCNR pour le développement durable de la navigation intérieure en Europe (voir encadré p. 11).
Une réglementation pertinente en 2015
Le principal travail à mener à bien par la CCNR pour favoriser le développement du GNL comme carburant en navigation intérieure porte sur l’évolution de sa réglementation concernant les combustibles utilisés par les bateaux; étant donné qu’actuellement, la navigation intérieure fait quasi exclusivement recours à des moteurs diesel pour la propulsion et à du gazole comme carburant. « Au moment de l’introduction du GNL en tant que carburant, nous nous sommes heurtés à la limitation au gazole et à l’inadaptation de la réglementation actuelle de la CCNR à l’utilisation du GNL en tant que carburant, explique Hans van der Werf. Nous avons dû trouver des solutions intérimaires pour permettre le recours au GNL. Nous avons pu nous fonder sur le fait que la technologie du GNL est bien connue et maîtrisée. La réglementation existante permet d’accorder des autorisations individuelles, nommées “recommandations de la CCNR”. Nous avons décidé de nous en servir pour autoriser les bateaux à utiliser du GNL carburant de manière temporaire. » Pour obtenir une telle autorisation, « les investisseurs dans des unités construites pour fonctionner au GNL carburant, mais aussi les sociétés de classification associées, ont dû conduire un immense travail en amont », continue Hans van der Werf. Chaque dossier de demande d’évaluation à fournir à la CCNR doit préciser en détail les installations concernant le GNL à bord avant la délivrance éventuelle de l’autorisation. « C’est un travail au cas par cas. Chaque bateau a dû être évalué sur le plan des risques encourus, bien évidemment en tenant compte de la configuration spécifique choisie pour le bateau concernant le stockage du GNL à bord, la localisation des citernes, l’installation des moteurs, toutes les procédures et les mécanismes de sécurité », précise Hans van der Werf. À fin juin, « la CCNR a délivré 13 autorisations pour des bateaux qui vont pouvoir utiliser le GNL comme carburant sur le Rhin », indique Benjamin Hofmann. Une quatorzième exonération a été délivrée pour une barge prévue pour délivrer de l’électricité aux navires de croisières dans le port de Hambourg. Une quinzième concernant un bateau d’avitaillement en GNL et diesel marin est en cours d’élaboration. Ces autorisations sont accordées pour une durée limitée, le temps d’élaborer la réglementation pertinente pour l’utilisation du GNL en tant que carburant en navigation intérieure. « Dans un scénario extrêmement optimiste, cette réglementation pertinente pourrait être adoptée cette année. Mais il est plus probable que l’adoption se réalise plutôt au printemps 2015, prévoit Hans van der Werf. Ce sera alors une réglementation “stable” mais encore à titre provisoire permettant à la CCNR et aux autres autorités internationales d’accumuler davantage d’expérience sur l’utilisation du GNL carburant. Celle-ci pourra ensuite être intégrée dans les prescriptions définitives attendues après un nouveau délai de trois ans, soit en 2018. » Un tel processus est habituel au sein de la CCNR pour la mise en place de toute nouvelle réglementation quel que soit le domaine. Pour Hans van der Werf, « cela offre une certaine flexibilité avant d’inscrire les réglementations dans le marbre ». Les prescriptions de la CCNR seront les plus exhaustives possibles et comporteront des règles concernant la conception, l’équipement et l’exploitation du bateau (règles de police) ainsi que la qualification et l’équipage. « Pour l’élaboration des prescriptions techniques, la CCNR joue ici un rôle réglementaire essentiel, que devrait certainement suivre l’Union européenne », poursuit Hans van der Werf. La manière dont cette réglementation de la CCNR sera reprise par l’Union européenne (UE) n’est pas encore pleinement définie. Le programme Naiades 2 comporte un volet « gouvernance ». C’est probablement dans ce cadre-là et dans celui des procédures d’élaboration des standards techniques pour les bateaux de navigation intérieure que les dispositions pertinentes pour le GNL élaborées par la CCNR trouveront leur place dans la législation de l’UE. « Il faut bien comprendre que les 13 bateaux ayant déjà obtenu une autorisation naviguent ou vont naviguer sur le Rhin, qui reste de loin la première voie navigable européenne. Le Rhin et la CCNR ont un rôle précurseur pour la navigation intérieure européenne », souligne Hans van der Werf.
Les chargeurs ont un rôle à jouer
L’utilisation du GNL en tant que carburant a progressé en très peu de temps sur le Rhin. C’est « en 2010 qu’un premier investisseur a décidé d’utiliser du GNL comme carburant en navigation intérieure et s’est lancé dans la construction d’un bateau bi-carburant (dual fuel) », rappelle Hans van der Werf. Ce premier bateau, l’Argonon, a été délivré en janvier 2012. Un deuxième bateau fonctionnant au GNL en tant que carburant, le Green-stream, puis un troisième, le Greenrhine, ont suivi en 2013. Un quatrième, le Eiger-Nord-wand, est opérationnel depuis juin et un cinquième devrait suivre au dernier trimestre 2014. « Si les trois premiers sont des constructions neuves de bateaux-citernes, le quatrième est un porte-conteneurs fluvial existant converti après un changement de motorisation du diesel au GNL », indique Hans van der Werf. De plus, pour le secrétaire général de la CCNR, le fait qu’il « s’agisse d’un porte-conteneurs n’est pas anodin car les conteneurs sont utilisés pour transporter les produits de grande consommation ». Cela signifie que « les chargeurs, notamment des enseignes de la grande distribution, réclament aux transporteurs un transport écologique et durable. Ces chargeurs jouent alors, eux aussi, un rôle dans le développement du GNL carburant dans la navigation intérieure ». Pour l’armateur de ce porte-conteneurs, une conjonction d’opportunités l’a conduit à la décision de convertir son bateau à l’occasion de sa révision au bout de 20 ans. Il a pu bénéficier des différents programmes de subventions européens existant actuellement. Ceux-ci ont permis de compenser le coût supplémentaire de la conversion, en tenant compte du fait qu’il a été aussi le premier à se lancer dans une telle opération (voir article p. 12). Pour Benjamin Hofmann, la construction ou la conversion d’une unité « représente un coût important pour les professionnels car les investissements nécessaires sont très élevés. Une étude estime qu’à long terme, environ 1 M€ supplémentaire sont à prévoir pour une installation au GNL par rapport au diesel. C’est évident que pour les armateurs, un tel investissement n’est possible que grâce à des incitations financières possibles via des programmes de financement européens ». Tout en sachant qu’utiliser du GNL en tant que carburant nécessite non seulement une motorisation spécifique mais aussi d’autres évolutions à bord avec des équipements adaptés comme une ou des citernes cryogéniques, des systèmes de ventilation, d’échappement, etc. Les considérations financières peuvent constituer un frein au développement de l’utilisation du GNL en tant carburant dans la navigation intérieure. Elles peuvent conduire à limiter le nombre d’unités fonctionnant au GNL carburant. Or, « pour atteindre un certain degré d’utilisation du GNL en navigation intérieure, il faut qu’une partie suffisamment importante de la flotte existante soit adaptée à ce nouveau carburant », relève Hans van der Werf.
Résoudre la question de l’avitaillement
L’incertitude concernant les infrastructures d’avitaillement représente un autre frein au développement de l’utilisation du GNL en tant carburant dans la navigation intérieure. « L’avitaillement des unités en GNL se fait actuellement par camion-citerne à Rotterdam, Anvers, Amsterdam ou Mannheim, par exemple. Sachant que les camions-citernes vont s’approvisionner en GNL à Rotterdam au terminal méthanier Gate, ou à celui de Zeebrugge », note Benjamin Hofmann. Depuis janvier 2013, le projet LNG Master-plan a été lancé. Il prévoit la réalisation d’infrastructures de ravitaillement de long du Rhin et du Danube. Par exemple, en avril 2014, les ports d’Anvers, de Mannheim, Rotterdam, Strasbourg et Bâle, partenaires de LNG Masterplan, ont signé un accord de coopération pour la mise en place du GNL dans la navigation intérieure. À plus long terme Rotterdam, mais aussi Anvers réfléchissent au développement d’une installation de ravitaillement fixe avec une citerne de GNL installé dans l’enceinte portuaire. « Mais pour cela, il faut atteindre un certain niveau de consommation et avoir une visibilité sur cette consommation. Pour l’instant, les besoins sont trop réduits », poursuit Benjamin Hofmann. Il faut donc déterminer comment atteindre un seuil suffisant de bateaux fonctionnant au GNL en navigation intérieure pour parvenir à développer un réseau d’infrastructures pour l’avitaillement. Pour Hans van der Werf, « l’approvisionnement via camions-citernes ne peut-être qu’une solution temporaire dans la mesure où elle est complexe et coûteuse. Il faut parvenir à un seuil d’utilisation du GNL suffisant. Celui-ci se situe peut-être entre 50 et 100 bateaux fonctionnant au GNL. Il n’existe pas d’étude sur ce point. Cependant, il semble que son utilisation est particulièrement avantageuse pour les bateaux effectuant des trajets sur de longues distances. En navigation intérieure comme pour le transport maritime de courte distance, le GNL est surtout intéressant pour les unités à forte consommation de carburant. Si des questions restent en suspens sur le plan du développement de l’utilisation du GNL ou des infrastructures d’avitaillement, le recours au gaz en tant que carburant s’annonce prometteur en navigation intérieure pour les années à venir ».
Les atouts du GNL
La combustion du GNL est plus propre que celle des carburants classiques. Elle ne produit quasiment pas de dioxydes de soufre (SOx), réduit de 80 % la production d’oxydes d’azote (NOx) et 20 % de moins de CO2, sans aucune émission de particules. Utilisé comme carburant, le GNL est environ deux fois plus léger que le gazole ou le fioul lourd. Le caractère nécessairement cryogénique des réservoirs, les règles concernant leur positionnement et leur isolation conduisent à réserver dans la cale un espace de 2,5 à 3 fois plus important pour le GNL que pour les carburants classiques.
La « Vision 2018 » de la CCNR
Fin 2013, par la « Vision 2018 », la CCNR s’est fixée « des objectifs qui contribueront au développement durable de la navigation intérieure sur le plan écologique, social et économique pour les cinq prochaines années ». Concernant la dimension écologique, le programme de la CCNR comprend deux axes:
• Consommation de carburant et émission de gaz à effet de serre.
En 2018, la navigation intérieure devrait contribuer encore plus significativement à la lutte contre le réchauffement climatique grâce à la réduction de sa consommation de carburant et à la diminution de ses émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, la CCNR prévoit de définir et quantifier des objectifs à long terme de réduction de la consommation de carburant et des émissions de gaz à effet de serre pour la navigation intérieure rhénane et européenne en vue d’une action concertée de la profession, des États, des organisations internationales et d’autres parties concernées.
• Émissions de polluants dans l’air.
En 2018, la navigation intérieure devrait contribuer encore plus significativement à la préservation de la qualité de l’air grâce à une diminution supplémentaire des émissions de polluants dues à la propulsion et à une gestion optimisée des résidus de cargaison. Pour cela, la CCNR entend encourager les innovations en faveur de carburants alternatifs et d’énergies alternatives, notamment le GNL, dans le respect des conditions de sécurité.
Un site internet liste les projets autour du GNL carburant
En octobre 2013, la CCNR a lancé une banque de données sur le site internet