Frédéric Cuvillier a donc annoncé deux nominations: celle de Gilles Bélier, vice-président du conseil d’orientation de l’emploi, comme « négociateur dans le dossier de la SNCM », sans précision sur l’identité des parties avec lesquelles le négociateur devait négocier. Cet ancien avocat est intervenu en 2008 dans la réforme de la manutention portuaire. Et la nomination de Louis Gallois prochainement nommé « délégué interministériel », dont la mission sera d’établir un « plan stratégique de soutien aux compagnies de transport maritime françaises », sans précision sur la date de remise de ce plan, ni sur l’état de certaines de ces compagnies lorsque le plan sera remis. Arnaud Leroy aurait pu aborder le sujet lors de la mission de réflexion que le Premier ministre lui a confié en avril 2013.
Concernant la commande de quatre navires destinés à renouveler la flotte, « demandée » par les syndicats, Frédéric Cuvillier a expliqué que « le financement du renouvellement de la flotte doit être équilibré ». À la demande du secrétaire d’État, deux experts du financement, la Caisse des dépôts et consignation et la BPI France, se sont déjà penchés sur le problème et ont remis leurs conclusions. Selon les syndicats, les représentants de Transdev et de l’État ont refusé, le 27 juin, de participer au vote sur la prolongation de la lettre d’intention signée par STX France et la SNCM. Sa date de validité s’arrêtait au 30 juin.
Le secrétaire d’État a également précisé aux syndicats que le décret « État d’accueil » était actuellement examiné par le Conseil d’État et devrait être publié dans les « prochaines » semaines. Et probablement immédiatement attaqué à juste titre par Corsica Ferries, a prévenu Georges Tourret, administrateur général des Affaires maritimes (2S), lors de la journée Ripert du 30 juin, compte tenu de la nouvelle interprétation du règlement sur le cabotage maritime intracommunautaire que la Commission européenne a diffusé en avril.
Frédéric Cuvillier est enfin revenu sur les démarches entamées au niveau européen, ajoutant « négocier avec Bruxelles la sauvegarde de la Délégation de service public ». Pas un mot sur les deux fois 220 M€ que l’État a été condamné à se faire rembourser par la SNCM. 25 % du capital de cette dernière est détenu par l’État.
Saison exceptionnelle pour Corsica Ferries
En grève depuis le 24 juin, les marins CGT de la SNCM ont reconduit leur mouvement le 1er juillet et sont partis empêcher le chargement du Kalliste, roulier mixte de La Méridionale qui arrivait de Bastia. Le 2 juillet, il était toujours à quai à Marseille avec une remorque sur la rampe, mais les portes étanches fermées. Ce n’est pas la première fois que des marins de la SNCM viennent perturber les rotations de La Méridionale. En Corse, des forces de l’ordre avaient sécurisé les ports afin que les opérations commerciales puissent avoir lieu normalement. Le Girolata et le Piana, les deux autres rouliers mixtes de La Méridionale, sont maintenant opérés depuis Toulon. « Et Corsica Ferries va se faire une saison en or », regrette une source concernée.
Le 1er juillet, le nouveau président de la SNCM, Olivier Diehl, a appelé à la fin de la grève « qui fait fuir nos clients, met à mal nos finances et favorise nos concurrents ». Le 3 juillet, l’assemblée générale des actionnaires de la SNCM devrait très probablement remplacer Gérard Couturier, président du conseil de surveillance, par le secrétaire général de Transdev, Jérôme Nanty. Ancien cadre supérieur de Veolia et représentant de ce groupe, Gérard Couturier avait pris faits et causes pour Marc Dufour, président du directoire débarqué en mai et farouchement opposé à la volonté de Veolia de se débarrasser au plus tôt de la SNCM.
Conflit de droit
Interrogé sur une éventuelle contestation du futur décret sur l’État d’accueil, Pierre Mattéi, directeur général de Corsica Ferries, répond que tant qu’il n’est pas paru, il est difficile de préciser ses faiblesses. Par contre, la position actuelle de Corsica Ferries est la suivante: « Le décret n’est en rien un problème économique puisqu’il impose des minima sociaux français à nos navires, ce qui est le cas depuis le décret de 1999. Aucun travailleur détaché mais des contrats de travail italiens aux normes françaises. Il pose en revanche un lourd problème de sécurité juridique car la France nous imposerait les codes de transport et de travail français, et l’Italie les siens, et tout cela avec de lourdes sanctions des deux côtés des Alpes… Cela met l’armateur dans une situation intenable de devoir respecter plusieurs codes de plusieurs milliers de pages chacun, sans que pour autant cela n’améliore la situation des marins qui sont, partout, attachés à leurs règles de pavillon. Prenez ne serait-ce que les règlements de litiges, les jours fériés ou la composition des repas… Ça ne coûte pas plus cher de respecter le code français que l’italien mais cela fonctionne différemment. Respecter des codes de pays différents est simplement ingérable. Est-ce le but poursuivi? »