« Il faut partir de la réalité portuaire de chaque États membre et trouver des solutions pour faciliter le développement commun »

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): QUELLES SERONT LES PRIORITES DE LA PRESIDENCE ITALIENNE DE L’UNION EUROPEENNE DURANT SON SEMESTRE EN MATIERE DE TRANSPORTS ET D’INFRASTRUCTURES?

MAURIZIO LUPI (M.L.): En premier lieu, nous voulons mettre l’accent sur l’importance des infrastructures pour la relance de la croissance des moteurs de l’Europe. À ce propos, nous tiendrons un conseil informel des ministres des Transports européens à Milan, les 16 et 17 septembre. Nous aborderons la question du développement des réseaux, la planification et la gestion des ressources notamment en ce qui concerne le budget débloqué par chaque État membre pour le développement de ses réseaux stratégiques. Ces enveloppes doivent être considérées comme une contribution individuelle au développement infrastructurel de l’Europe et ne peuvent pas, par conséquent, être englobées dans le pacte de stabilité. Enfin, nous affronterons le thème de la mobilité urbaine dans les grandes agglomérations.

JMM: ROME À INSCRIT LA QUESTION PORTUAIRE SUR SES TABLETTES. QUEL EST VOTRE OBJECTIF?

M.L.: L’idée est de discuter des ressources et de la réglementation. La Commission a reconnu l’impact du secteur portuaire sur la relance de la croissance. Compte tenu du fait que chaque État a ses spécificités en termes de politique portuaire, nous ne pouvons pas durcir les règles sur la gestion de l’activité. Il faut au contraire partir de la réalité portuaire de chaque pays membre et trouver des solutions pour faciliter le développement commun d’un secteur essentiel, je le répète, à la relance sur le long terme de la croissance européenne.

JMM: OÙ EN EST-ON DE LA RÉFORME PORTUAIRE EN ITALIE?

M.L.: Le gouvernement présentera son projet de réforme d’ici la fin du mois de juin. Nous ne pouvons pas continuer avec un système basé sur la présence de 24 autorités portuaires. C’est trop! Il faut donc réduire le nombre et les pousser à dialoguer entre elles, ce qu’elles ne font pas en l’état actuel. L’objectif est par conséquent de regrouper les autorités portuaires, d’insérer des éléments de planification stratégique pour renforcer la compétitivité et développer un secteur essentiel en termes de croissance de l’économie italienne. Cette réforme introduit aussi le thème de la logistique et la notion de système portuaire et interportuaire. Nous avons aussi étudié un système d’autonomie financière pour les ports qui devrait faciliter l’action des sites et des autorités au niveau des investissements et du développement des activités, et introduire la transparence. Les discussions avec les acteurs du secteur n’ont pas été toujours faciles durant les derniers mois. Mais il y a un moment où il faut avoir le courage de tourner la page, éviter le conservatisme qui tue les systèmes. Le grand défi con­cerne le transport des marchandises à travers un réseau regroupant les ports, les ceintures portuaires et le réseau ferroviaire. En Ligurie, par exemple, nous avons construit un col reliant Amsterdam et Rotterdam à Gênes. Finalement, nous pourrons parler de compétition entre les ports du Nord et les nôtres.

JMM: QUEL EST L’ÉTAT DES LIEUX DES AUTOROUTES DE LA MER, UN GRAND DÉBAT EN ITALIE?

M.L.: Depuis dix ans, les autoroutes de la mer ne sont plus un slogan mais une réalité. Elles représentent un fort potentiel de développement, une ressource importante pour l’Europe et les pays de l’Union européenne. La Méditerranée peut devenir la clef de voûte de ce type de transport en Europe et faciliter les liaisons et les échanges entre les pays de la zone méditerranéenne et l’Europe. Je pense notamment au Maroc, à l’Algérie et la Tunisie, par exemple. Et si les conditions politiques le permettent, c’est-à-dire si la stabilité revient, aussi à la Libye et à l’Égypte. Nous avons mis en place trois directives importantes. D’abord le déblocage de nouvelles ressources pour les navires rouliers, puis la remise en ordre des infrastructures en ciblant une certaine catégorie comme les quais avec les points d’ancrage, les liaisons entre les ports et les réseaux routiers. Enfin, les questions douanières sont posées sur la table. Elles entravent parfois l’activité et nous devons donc « dégraisser le mammouth ». Nous allons devoir en parallèle discuter avec les transporteurs pour les pousser à se retourner vers les autoroutes de la mer. Au niveau européen, ce secteur devrait se développer puisque la communauté a débloqué 1 Md€ pour la période 2014-2020.

JMM: EN CE QUI CONCERNE LES TRANSPORTS, LE QUATRIÈME PAQUET FERROVIAIRE REPRÉSENTE UN DOSSIER ÉPINEUX. QUELLES SONT VOS INTENTIONS À CE PROPOS?

M.L.: En janvier 2013, la Commission européenne a publié sa proposition de quatrième paquet ferroviaire sur la libéralisation totale du rail européen et le trafic national de passagers d’ici 2019. Une proposition qui, à notre avis, devrait unifier l’Europe en facilitant le passage d’un pays à l’autre. Sous la présidence tournante grecque, la discussion a porté sur les trois projets de directives qui constituent le pilier technique du quatrième paquet ferroviaire, c’est-à-dire l’interopérabilité, la sécurité des chemins de fer européens et le projet de règlement relatif à l’Agence ferroviaire européenne. L’Italie veut profiter de sa présidence pour trouver un accord sur le fameux pilier politique qui cible l’ouverture du marché des services nationaux de transports de voyageurs, et introduire de nouvelles règles à la structure de gouvernance sur la gestion et les activités de transport.

JMM: LE DUMPING SOCIAL EST UN FLÉAU COMMUN AUX PRINCIPAUX ÉTATS MEMBRES. QUELLE EST LA POSITION DE L’ITALIE POUR LE PORT PACKAGE ET LE TRANSPORT ROUTIER?

M.L.: Il faut en finir avec la concurrence déloyale à l’intérieur de l’union européenne, qui tue effectivement le secteur comme le disent les transporteurs. Récemment, l’Italie, la France, l’Allemagne et d’autres partenaires ont signé un document adressé à la Commission européenne pour lui demander d’intervenir et d’harmoniser les règles et de les appliquer. Il s’agit d’un document formel, important dans la mesure où il est signé par plusieurs pays membres de l’Union européenne. Nous ne pouvons plus accepter qu’une partie des membres de l’UE ne respecte pas les règles. Il faut donc mettre en place un système d’harmonisation et de contrôle pour être vigilant sur les pays susceptibles de transgresser ses règles. On ne peut pas avoir un pied en Europe et l’autre dans son propre pays pour casser les règles et anéantir le concept d’unification. L’Europe est une opportunité magnifique et nous n’avons pas le droit de perdre cette occasion en acceptant que certains membres violent les règles. Comme l’Italie, la France et l’Allemagne par exemple sont soucieuses et entendent l’appel de leurs transporteurs. Selon le concept de marché uni, les règles doivent être identiques pour tous. Nous serons fermes car on ne peut pas demander à l’Italie de respecter les règles, lui infliger ponctuellement des cartons rouges et accepter que d’autres pays membres appliquent le concept de concurrence déloyale. Il faut aussi affronter le problème du cabotage illégal, une autre plaie. À ce propos, j’ai d’ailleurs signé un décret récemment.

JMM: VOUS FAITES PARTIE DES CANDIDATS ÉLUS AU PARLEMENT EUROPÉEN DURANT LA DERNIÈRE TOURNÉE. QUELLES SONT VOS INTENTIONS?

M.L.: Je dois donner ma réponse le 1er juillet, mais disons que mon fauteuil de ministre des Infrastructures et des Transports, notamment pendant le semestre de présidence italienne tournante, me satisfait…

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