Le port en eau profonde de Kribi doit recevoir dans les prochains jours le premier navire pour y réaliser des essais. Les derniers travaux se réalisent, mais déjà ce nouveau port est source de nombreux conflits. Depuis le 11 juin, les ouvriers en charge de la construction de ce port mènent un mouvement de grève pour de meilleures conditions de travail et l’obtention de fiches de salaire. Le premier navire prévu d’arriver le 24 juin aura peut-être quelques jours de retard.
La question de l’attribution des concessionnaires des terminaux semble poser des soucis sur une échelle internationale. Le 7 mars, Louis Paul Motaze, secrétaire général des services du Premier ministre et président du comité de pilotage du complexe portuaire en eau profonde de Kribi, a dévoilé les cinq derniers candidats à la gestion du terminal du port. Il s’agit de Necotrans/KPMO, Ictsi, Marsa-Maroc, Sea Invest/CLGG et APM Terminals. L’intérêt économique de ce port est tel qu’une association s’est constituée pour défendre la position des entreprises camerounaises dans la gestion de ce terminal. L’Adisi (Association pour le développement intégré et la solidarité internationale) a remis au président du comité de pilotage un document intitulé Plaidoyer pour une camerounisation de la gestion du port en eau profonde de Kribi. Ce texte s’attaque à la gestion actuelle du terminal à conteneurs de Douala et souhaite que le futur terminal de Kribi soit géré par des entreprises locales. Pour cela, les auteurs de ce document proposent une redéfinition de la stratégie de gestion du port de Kribi et la prise en compte de certains aspects socio-économiques.
Une gestion à trois niveaux
La redéfinition de la gestion du port doit se faire, selon les auteurs du rapport, à trois niveaux. En premier lieu, ils souhaitent que le terminal à conteneurs soit détenu par une société de manutention mondialement reconnue à hauteur de 51 %, par des opérateurs privés camerounais pour 35 %, et par l’État pour 14 % avec un président du conseil d’administration et un directeur général adjoint camerounais. L’idée est de profiter du savoir-faire de la société de manutention pour un transfert des compétences « au bout de 10 ans », précise le document. En second lieu, pour le terminal polyvalent, ils sont favorables à la concession à des entreprises à capital majoritairement camerounais. Enfin, pour les services nautiques, ils acceptent qu’une société étrangère se voit concéder ces services avec des conditions: ouverture du capital aux sociétés camerounaises, plan d’acquisition du savoir-faire et des nominations camerounaises à des fonctions permettant de développer et acquérir de l’expérience.
Derrière ce document, l’Adisi milite pour une meilleure gestion de ce port à des fins économiques. Ce nouveau port doit permettre aux Camerounais de préserver leur pouvoir d’achat, de promouvoir le développement de l’expertise et « d’améliorer la vie des travailleurs ». Véritable plaidoyer pour un patriotisme économique, le document est aussi un pamphlet contre la gestion actuelle du terminal à conteneurs de Douala, géré conjointement par Bolloré Africa Logistics et APM Terminals. « Il apparaît évident que la situation actuelle du port de Douala, gérée par des entreprises étrangères, n’a pas permis de lui donner les performances auxquelles on pourrait aspirer au regard de notre position et de notre potentiel, écrit l’Adisi. Les conséquences sont des coûts nettement plus élevés pour les importateurs et les exportateurs camerounais, et par conséquence des prix nettement plus élevés pour les consommateurs camerounais. »
Sur les performances du port de Douala, la faute revient surtout aux services douaniers du pays dont les temps de dédouanement ne vont pas en s’améliorant. Quant à la qualité de la manutention, elle s’établit sur des normes internationales et n’est pas forcément beaucoup plus faible à Douala que dans les terminaux des autres pays de la sous-région. Enfin, le groupe Bolloré est un investisseur et un employeur important au Cameroun. Ces attaques contre le gestionnaire du terminal de Douala sont monnaie courante en l’accusant de tous les maux mais surtout en oubliant que le prix d’une marchandise rendue chez le consommateur final doit prendre en compte tous les éléments tarifaires de la chaîne logistique. La camerounisation du port de Kribi doit aussi intégrer les coûts de pré et post-acheminement de la marchandise, sans oublier les péages indûment perçus sur les routes qui grèvent les coûts.