Indépendamment du contexte très spécifique qui unit pour le pire la SNCM et Corsica Ferries, le syndicat souligne qu’après le débarquement du pilote, le navire s’est déporté sur un haut fond, dénommé le danger de la Piétra, qu’il a touché. C’est la suite qui provoque la ire du syndicat: le navire ne revient pas à quai et poursuit sa route vers le continent sans avertir aucune autorité française. Il effectue quatre autres rotations ainsi. En arrivant devant Bastia, il évite de justesse un bateau de pêche, à la suite d’un black out. Aucune réaction de l’administration française, s’étonne à grands cris la fédération officiers CGT.
Pierre Mattéi, d.g. de Corsica Ferries, donne sa version écrite des faits, non sans avoir souligné la surenchère qui en est faite: « […] Lors de l’appareillage à l’Île Rousse du 31 mai 2014, une vibration a été effectivement ressentie par l’équipage mais le talonnage du navire n’a malheureusement pas été suspecté à ce moment-là sachant que le haut fond était signalé à 6,50 m avec un tirant d’eau du Méga-Express-V de 6,41 m à l’appareillage. Ce n’est que le lendemain 1er juin que d’autres indices, puis une inspection sous-marine des plongeurs sous le contrôle de la société de classification Rina, ont permis de révéler ce talonnage, à savoir une déformation d’une cinquantaine de mètres et une brèche d’une trentaine de centimètres au niveau d’un double fond vide. Le navire a alors été envoyé au bassin de carène de La Spezia en Italie et les passagers pris en charge par d’autres navires pour assurer notre service dans les meilleures conditions de confort et de sécurité. Nous affirmons en conséquence que l’ensemble des procédures d’information et de gestion de cet incident a été respecté par la compagnie notamment auprès des Affaires maritimes de Marseille ».
Pierre Mattei a précisé, à notre demande, certains points: le commandant était à la passerelle et fréquentait régulièrement la zone. Un black out s’est bien produit en arrivant devant Bastia le 1er juin, mais sans rapport avec « l’incident » du 31 mai. Après avoir ressenti sa « vibration » en passant sur le haut-fond, le Méga-Express-V n’a réalisé qu’une seule rotation. L’inspection sous-marine a été réalisée le 1er juin. Les travaux de réparation à La Spezia ont duré sept jours et n’ont porté que sur de la tôlerie. Les autorités françaises et italiennes ont été informées de l’état du navire le 1er juin.
Enquête technique conjointe
Compte tenu du contexte, une enquête technique semble s’imposer. Le 18 juin, le secrétaire d’État aux Transports a réagi officiellement en confirmant avoir été « informé », sans en préciser la date.
La coque du navire « aurait » heurté le fond lors d’un transit entre la Corse et le continent, dans des conditions « qui restent à préciser ». Dans ce type de situation, il revient aux deux bureaux d’enquête sur les événements de mer (BEAmer), français et italien, de diligenter une enquête technique afin de tirer les enseignements permettant d’améliorer la sécurité maritime, poursuit le communiqué.
Frédéric Cuvillier rappelle que Corsica Ferries a « l’obligation de permettre à l’administration française de procéder, participer et coopérer à toute enquête sur un accident ou incident maritime concernant un de ses navires rouliers à passagers exploités sur une ligne régulière touchant la France ».
Par ailleurs, le code des transports impose au capitaine du navire de signaler ce type d’incident ou d’accident au préfet maritime, sous peine de sanctions pénales.
Compte tenu de ces éléments et afin que toute la lumière soit faite sur cet événement, le BEAmer français a « ouvert une enquête qui sera réalisée en lien avec le BEAmer italien ».
Le préfet maritime a demandé au directeur du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de Méditerranée de rédiger un procès-verbal de constatation du manquement à l’obligation de signalement de l’événement. Ce procès-verbal sera transmis au procureur de la République. Affaire à suivre.