5e conférence internationale sur les femmes et le transport

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La conférence internationale sur les femmes et le transport organisée conjointement à Transport Research Arena du 14 au 16 avril à Paris (voir JMM no 4922) constitue la cinquième édition du comité américain Womens’Issues in Transportation (Wiit). Ce comité a été fondé dans les années 1970 par des Américaines travaillant dans les transports à différents niveaux de responsabilité et souhaitant démontrer que les femmes peuvent être des actrices clés de ce secteur comme usagères et comme professionnelles. Les éditions précédentes se sont déroulées aux États-Unis. Partant d’un point de vue académique et des questions sur le genre, la série de conférences a élargi au fil des années ses domaines de réflexion aux questions de politique et de planification des transports ainsi qu’aux processus d’ingénierie. Peu à peu, la recherche a été approfondie vers une compréhension plus spécifique des difficultés que les femmes rencontrent dans les transports aux niveaux local, régional et national, sur les plans privé et professionnel. En 2014, pour la première fois, la conférence a franchi l’Atlantique pour venir en Europe, Wiit privilégiant une dimension internationale depuis sa dernière édition en 2009. La 5e conférence internationale sur les femmes et le transport a été conçue comme un forum international où ont été présentées et débattues des études et des analyses portant sur les problèmes de transport rencontrés par les femmes mais aussi sur les freins et les opportunités que ces dernières peuvent rencontrer quand elles veulent faire carrière dans le monde des transports, historiquement très masculin. Les participants à cette conférence ont été des acteurs du monde des transports: dirigeants d’organismes internationaux, chercheurs, élus, responsables de la politique des transports et de l’aménagement, opérationnels dans les entreprises.

Des mobilités différentes

Un des principaux objectifs de la conférence a été d’approfondir la compréhension de la position des femmes dans le système « transport »: en tant que sujets passifs ou usagères, mais aussi comme professionnelles actives qui peuvent influencer et promouvoir une accessibilité durable, une mobilité sûre, une politique de développement, la gouvernance. Il s’agissait aussi de montrer comment et combien la participation des femmes est importante au développement des entreprises dans le secteur des transports et de l’économie en général.

Quels que soient les pays et leur niveau de développement, la question sur la position des femmes dans les transports se divise en deux sujets. Le premier porte sur la mobilité des femmes, ses contraintes, ses obstacles, ses déterminants, par rapport à celle des hommes. Le deuxième concerne la sous-représentation des femmes dans les professions des transports. Concernant le premier sujet, les études montrent que les comportements de mobilité des hommes et des femmes diffèrent significativement. Les femmes parcourent de plus courtes distances que les hommes, essaient de trouver un emploi plus près de leur domicile, d’où des trajets domicile-travail plus courts, et se déplacent plus souvent en dehors des heures de pointe. Elles sont plus susceptibles que les hommes d’effectuer des déplacements chaînés avec plusieurs arrêts pour des raisons d’achats et/ou d’accompagnement d’enfants ou de personnes âgées. Elles utilisent davantage les transports en commun et les modes dits doux, comparés aux hommes. Bien que les études récentes montrent que les écarts de mobilité se réduisent, les différences perdurent et sont à rapporter aux rôles différents assignés aux hommes et aux femmes par les représentations sociales au sein des familles mais aussi sur le marché du travail. La répartition des rôles et des responsabilités dans la sphère privée influe en effet fortement sur les conditions de travail des femmes: plus de temps partiel, ce qui impose des déplacements hors des heures de pointe, plus de télétravail, des emplois moins bien rémunérés.

Pour atténuer les différences majeures de la mobilité des deux sexes, un ajustement des politiques de transport est nécessaire afin de faciliter les déplacements des femmes et, en conséquence, leur participation au marché du travail.

Ajuster les politiques

Cela signifie qu’au final, les deux sujets de la question sur la position des femmes dans les transports sont inextricablement liés: mettre en place ou ajuster des politiques transport afin de faciliter les déplacements des femmes au quotidien revient à rendre plus aisé leur accès au marché du travail, y compris pour les emplois du secteur des transports. De tels ajustements constituent aussi un vecteur de croissance économique, l’un des enjeux d’un système de transport mieux adapté aux femmes étant de leur permettre une meilleure intégration au marché de l’emploi et un pouvoir d’achat plus élevé. Toutefois, même si les années récentes, en France et en Europe, ont été marquées par une augmentation de la participation des femmes au marché du travail et un taux d’emploi en croissance, l’écart ne s’est pas résorbé entre les deux sexes quant à la capacité à accéder, par un système de transport adapté, facilement et dans de meilleures conditions à leur poste de travail. Cette absence de progrès s’explique là aussi par la représentation du rôle des femmes dans les sphères privée et sociale. Cela conduit les femmes à privilégier le temps partiel, des secteurs d’emploi comme le tertiaire, les services à la personne, l’éducation. Les données sont rares sur le sujet (voir encadré) mais il est visible que les transports ne font pas partie des secteurs privilégiés par les femmes. Des freins empêchent l’afflux des femmes vers les métiers du secteur des transports. L’école n’oriente pas les filles vers ces métiers car ceux-ci nécessitent souvent des études longues à dominante scientifique ou d’ingénierie vers lesquelles elles ne sont pas non plus incitées à se diriger. Les horaires de travail ne sont pas toujours conciliables avec une vie de famille reposant toujours largement sur la composante féminine du couple. L’ergonomie des postes de travail n’est pas toujours adaptée aux femmes. Enfin, il demeure l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes avec des niveaux de revenus inférieurs pour les premières par rapport aux seconds pour un même emploi. Une situation commune à la grande majorité des femmes actives dans tous les secteurs économiques et pas seulement celui des transports.

Quand le secteur maritime français (re)découvre ses éléments féminins

Le 6 mai, le déjeuner-débat du Propeller Club a eu pour thème « Les femmes dans le maritime, un atout pour l’économie du secteur? ». Françoise Latour, directrice associée de Comtosea, a présenté des données sur les femmes dans les métiers de la mer en précisant que « l’image est encore floue, les éléments disponibles sont très fragmentaires ». Selon une enquête menée par l’université de Nantes, les femmes représenteraient 10 % des effectifs totaux des métiers de la mer, en comptant ceux de la Marine nationale. Sachant que les 70 métiers de la mer concernent des secteurs divers: navigation, ports, administrations, pêche, aquaculture, construction, armement, océanographie. Neuf pourcents des effectifs navigants de la Marine nationale française seraient des femmes, en hausse de 3,5 points au cours de la dernière décennie. Dans la marine marchande française, elles seraient 6 % à naviguer en mer. À l’ENSM, dans les lycées professionnel ou maritime, le pourcentage de femmes oscille entre 3 % et 10 % des effectifs. Les femmes suivent surtout les formations de construction, aménagement, maintenance, mécanique, réparation navale, charpenterie de marine. Seule exception, l’industrie du poisson où les femmes sont majoritaires avec 60 % des effectifs. Quelques études mettent en avant l’atout économique que représentent les femmes dans le monde du travail et des entreprises. Selon l’Afnor, « pour exister à l’échelle internationale, une entreprise doit faire preuve de sa diversité pour attirer les meilleurs talents nationaux et mondiaux ». La diversité permet d’offrir « la possibilité à l’entreprise de répondre aux attentes générales de la société et lui donne une capacité plus grande de s’adapter et d’innover face aux demandes de ses clients ». L’OCDE affirme: « Une plus grande mixité professionnelle rapporterait à la croissance une hausse de 9,4 % en France à l’horizon 2030. » Marie-Noëlle Tine, chargée des relations au sein du Cluster maritime français (CMF) et secrétaire générale de Wista France (Women’s International Shipping & Trading Association), a ensuite rappelé que le taux de féminisation est de 21 % dans les métiers du secteur maritime et de 47 % dans l’économie générale. L’absence de données exactes sur la situation et la place des femmes dans la filière maritime française a conduit à la création d’un groupe de travail « égalité professionnelle » au sein du CMF en janvier 2013. Parmi les réalisations de ce groupe, Marie-Noëlle Tine a mentionné la réalisation d’une enquête nationale sur l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’économie maritime française. Les résultats n’ont pas été réellement exploitables. Aussi, le groupe de travail réfléchit à création d’un « observatoire » avec une trentaine de membres du CMF pour mesurer la place des femmes dans ces entreprises sur une durée de cinq ans. Parmi les autres projets: organiser un accompagnement des entreprises du secteur maritime sur le sujet de l’égalité professionnelle, par le tutorat notamment. Des actions de communication sont prévues comme des conférences, un rendez-vous « femmes et mer », etc. Francis Vallat, président du CMF, a souligné que la création du groupe de travail « égalité professionnelle » n’avait pas été « si facile » avec des positions très variées des membres du Cluster sur le sujet. Concernant l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes au détriment des premières, il a estimé que « la présence élevée d’hommes au postes de direction fausse arithmétiquement les statistiques ». Xavier Galbrun, président du Propeller Club, a conclu: « Même si la féminisation des métiers de la mer s’accroît, le sujet est important et intéressant car malgré tout, le secteur du transport maritime est en léger retard sur le plan de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. »

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