Le président Marc Dufour, le directeur financier (qui venait de Veolia) et le DRH seront donc partis d’ici à la fin mai. Leurs successeurs devraient être désignés le 28 mai lors du prochain conseil de surveillance. Transdev (66 % du capital de la SNCM) a ainsi obtenu satisfaction, les trois représentants de l’État s’étant abstenus ainsi que l’a confirmé le secrétaire d’État aux Transports. « Il est normal que l’équipe dirigeante de la société puisse travailler et agir en confiance avec son principal actionnaire, quel qu’il soit. Dans ces conditions, les représentants de l’État actionnaire se sont abstenus. Il ne s’agit ni d’un vote de défiance, ni d’un vote d’indifférence (….), mais il est important de mettre un terme à la quasi-paralysie qui menaçait la société », explique le communiqué du cabinet.
Cela faisait longtemps que Transdev souhaitait se séparer de Marc Dufour, d’une part, et Veolia de la SNCM, d’autre part. La position des représentants de l’État en décembre avait fortement agacé Transdev. Cette co-entreprise regroupant Veolia et la Caisse des dépôts a donc fait monter la pression sur l’État, en agitant le spectre des conséquences juridiques d’une gestion de fait, ou plus sûrement, d’un abus des minorités.
Mais Marc Dufour a longtemps bénéficié d’un appui à très haut niveau, croit comprendre un proche du dossier. D’erreurs de présentation en changement de gouvernement, son étoile a pâli. Celle de son allié dans le bras de fer avec l’actionnaire majoritaire, Gérard Couturier, président du conseil de surveillance de la SNCM, devrait connaître le même sort lors de l’AG de juin.
Et maintenant?
« Nous souhaitons permettre à la SNCM de se construire un avenir, qui ne soit ni la liquidation, ni la fuite en avant, a assuré, selon l’AFP, Jean-Marc Janaillac, p.-d.g. de Transdev. Il a souhaité trouver une solution qui prenne en compte « la mission de continuité territoriale et la dimension sociale » de la compagnie. Aucune illusion, donc, aux dessertes passagers sur l’Algérie et la Tunisie. Même oubli dans le communiqué de Frédéric Cuvillier: « Le gouvernement est pleinement conscient de l’importance de la SNCM pour la continuité du service public de la continuité territoriale entre la Corse et le continent […]. C’est bien au regard de ces enjeux qu’il n’a cessé de se mobiliser depuis deux ans ». Il demande à la SNCM de « clarifier son projet. L’État restera vigilant et attentif à l’élaboration puis à la mise en œuvre résolue, par la nouvelle direction de la SNCM, de cette stratégie de redressement de l’entreprise ».
Exit donc le plan dit à long terme qui prévoyait la construction de quatre rouliers et quatre options? D’autant que les fuites sur l’étude relative aux diverses modalités de financement de ces navires montrent que l’objectif est de « financer les nouveaux navires de la délégation de service public (DSP) entre les ports corses et Marseille ». L’hypothèse privilégiée est celle qui s’inspire du montage BAI. La Collectivité territoriale de Corse (CTC) serait propriétaire, seule ou associée à un partenaire privé, des navires de la continuité territoriale. Reste, entre autres questions, celle de l’origine des 800 M€ que devra mobiliser la CTC sans que ce montant ne soit considéré comme une aide d’État. Ces navires peuvent-ils être raisonnablement considérés comme des « projets structurants » ou une « infrastructure de transport »?
Il est probable que la DSP serait « rejouée » pour choisir l’exploitant des navires corses. SNCM, la Méridionale de navigation et Corsica Ferries devraient, en toute logique, répondre à l’appel à candidatures. Rien n’est gagné d’avance. Les contraintes temporelles sont importantes. Déjà prolongée, la lettre d’intention de commandes liant STX France et la SNCM se termine fin juin. Tout comme les lignes de crédit ouvertes par Transdev.
En cas d’abandon confirmé du plan à long terme, le personnel de la SNCM pourrait manifester ses craintes sur les quais marseillais à quelques semaines des vacances d’été. Il pourrait donc être judicieux d’attendre la fin de la saison pour officialiser les décisions délicates.
Mais le coup de grâce pourrait venir de la CT de Corse. Car sur les 440 M€ d’aides publiques indûment versées à la SNCM, la moitié environ doit revenir dans les caisses de la CT de Corse. Il suffirait qu’elle émette l’injonction de remboursement et l’affaire sera terminée, d’autant que, selon un proche du dossier, la SNCM n’a rien provisionné. La seconde étape est loin d’être gagnée.