« Nous voulons que la question du service public du pilotage soit tranchée au niveau européen »

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE: Nous sommes à quelques heures du 100e Congrès de la Fédération française des pilotes maritimes. Quelles sont les préoccupations des pilotes au niveau national?

FRÉDÉRIC MONCANY DE SAINT-AIGNAN: Plus que des préoccupations, nous préférons parler de dossier au niveau national. D’abord il est important de préciser que l’organisation du pilotage en France donne entière satisfaction tant à l’autorité de tutelle qu’aux clients, les armateurs. Nous sommes présents dans les organes des ports et nous avons pour principale préoccupation de devoir trouver la solution la plus équilibrée avec nos clients qui préserve les intérêts de chaque partie.

Le dossier que nous suivons au niveau national concerne le code des transports. À la fin de l’année 2010, début 2011, la partie législative du code des transports a été publiée. Nous sommes désormais entrés dans la phase réglementaire. Le rôle de notre fédération est avant tout d’être aux côtés du codificateur afin que les textes préservent l’organisation mise en place tout en s’adaptant aux nouveaux outils technologiques. La phase réglementaire est devant le Conseil d’État, mais, en raison de l’actualité législative, cette étape n’est pas encore finie. Nous pensons que nous aurons le texte final au cours de l’année.

JMM: Est-ce à dire que les sujets ont été transférés du niveau national au niveau européen?

F.M.D.S.A: L’activité à la Fédération française des pilotes maritimes a beaucoup évolué au cours des dernières années. Les transports sont une compétence européenne et les instances de Bruxelles souhaitent harmoniser les services portuaires. Ainsi, nos actions et la promotion auprès de l’État français se sont délocalisées en partie vers les organes européens. Cela ne signifie pas que nous avons perdu notre rôle. L’association européenne des pilotes (European Maritime Pilot Association, EMPA) regroupe une diversité d’organisation. Entre le régime français de mission de service public, le régime belge ou danois par exemple de fonctionnaire ou le régime anglais de sociétés privées de pilotage, les différences sont majeures. Il est difficile pour l’EMPA de parler d’une voie harmonisée. Les principaux pays européens comme la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Grande Bretagne viennent en soutien de l’association européenne. Notre charge de travail a augmenté et pour nous aider nous avons recruté, à la fédération française, une juriste spécialisée dans les questions européennes.

JMM: Les sujets européens paraissent donc nombreux. Récemment, la décision de la Commission de proposer un règlement sur les services portuaires a fait couler beaucoup d’encre. Votre attitude face à cette proposition a changé en cours de route. Pouvez-vous nous expliquer votre position face à ce règlement?

F.M.D.S.A: Il faut reprendre ce paquet portuaire à son origine. Il s’agit du troisième essai pour la Commission. Dans sa première mouture, ce paquet portuaire a considéré que tous les services portuaires doivent être ouverts à la concurrence. Une position que nous ne partageons pas. Nous ne faisons pas de dogmatisme sur le sujet mais nous constatons la réalité. Dans certains ports de la planète, comme en Argentine, une solution avec une ouverture à la concurrence a été mise en place. Le premier constat a été une augmentation du prix des prestations et une recrudescence des accidents. Pourquoi l’Europe souhaite-t-elle une ouverture à la concurrence alors que dans 95 % des pays du monde cette activité de pilotage est considérée comme un service public? La réponse a été trouvée par le rapport Fleckenstein. Dans ce rapport, le député européen propose, en ce qui concerne le pilotage, une division de ce paquet portuaire en deux chapitres. Le premier concerne la transparence financière, le second la libéralisation et l’ouverture au marché. Il prévoit aussi que le pilotage sera intégré dans le chapitre sur la transparence financière. Nous aurons une obligation de publication des tarifs avec un organe de recours du contentieux. En outre, ce rapport préserve notre activité d’une ouverture à la concurrence. Une position qui permet aux États membres qui le souhaitent d’ouvrir le pilotage dans leur pays mais sous certaines contraintes réglementaires. Nous entendons parler d’une volonté de Copenhague de vouloir libéraliser les services de pilotage.

JMM: Est-ce à dire que dans cette mouture, le paquet portuaire vous convient?

F.M.D.S.A: En effet, le port package tel qu’il a été revu par le Parlement européen, qui n’a pas donné d’avis, rappelons-le, nous paraît satisfaisant. Il nous paraît important aujourd’hui que la question du service public du pilotage soit tranchée par les institutions européennes. Nous voulons une reconnaissance de cette qualité par l’Europe.

JMM: Un second dossier est intervenu en 2013 sur l’octroi des licences de capitaine pilote en Europe. Ce dossier est toujours en cours?

F.M.D.S.A: Plusieurs points doivent d’abord être éclaircis. En premier lieu, la question de l’octroi des licences de capitaine pilotes en Europe a été traitée par une étude demandée par la Commission européenne au cabinet de consultants Price Waterhouse & Coopers. Il a dressé un état des lieux de cette question dans les différents États membres. Ensuite, une étude d’impact a été faite dont nous n’avons jamais eu le résultat.

Ensuite, il faut bien distinguer l’obligation de pilotage de son organisation. Ce qui signifie que ce dossier d’octroi des licences de capitaine pilote n’est pas forcément lié avec celui du paquet portuaire. Les deux dossiers sont dissociables.

JMM: Et sur le fond, vous êtes favorables à une réglementation européenne?

F.M.D.S.A: Nous n’y sommes ni favorables ni opposés. L’octroi de licences de capitaine pilotes existe en France depuis 1969. Elle est réglementée localement et ce système fonctionne parfaitement. Chaque année, en France, ce sont environ 150 000 entrées et sorties de ports. Sur ce chiffre 50 000 sont réalisées par des capitaines pilotes sans que la sinistralité augmente. Quant à savoir s’il est nécessaire d’harmoniser au niveau européen des règles qui fonctionne dans certains pays nous n’y voyons pas d’inconvénients. Encore une fois il faut prendre en considération un certain nombre d’éléments. Lors de l’octroi d’une licence de capitaine pilotes en France, nous demandons que le capitaine ait fréquenté un certain nombre de fois au cours des derniers mois le port avec un type de navire. Dès lors que les caractéristiques du navire sont modifiées il faut obtenir une nouvelle certification. Ces licences sont attribuées avec une commission locale qui détermine les critères pour l’obtention de cette licence.

Ce qui nous semble essentiel dans l’octroi de ces licences, c’est le poids de la commission locale. Les représentants de ces commissions sont les plus à même de connaître la spécificité du port. Il peut être envisagé d’une harmonisation européenne pour délimiter les paramètres mais sans omettre l’approche locale.

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