S’il est un métier où l’expérience est quelque chose qu’il est essentiel de transmettre, c’est le métier de pilote maritime. L’expérience permet non seulement d’évoluer, de passer des étapes professionnelles mais elle permet également au fil des années de gérer une multiplicité de situation. Pascal Olier est le président de la station de pilotage Le Havre Fécamp qui compte à l’heure actuelle quarante-neuf pilotes maritimes. Il nous explique en quoi le retour d’expérience est quelque chose de primordial que l’on soit expérimenté ou non. « Nous sommes sur un métier technique. Le retour d’expérience n’est pas à proprement parler quelque chose de nouveau. Il y a une centaine d’années déjà, les navigants transmettaient leur savoir aux mousses. Le système a évolué bien sûr. Il y a plusieurs aspects. Au sein de la formation elle-même, le métier est basé sur l’expérience. Le jeune pilote va mettre six ans pour progresser avant de devenir un pilote tous tonnages. Il faudra revoir les grands principes qu’il a acquis à sa sortie d’école pour poser les bases de ce qui suivra. Il aura l’obligation de faire des tours en double. Au début, il prendra en charge les navires de moins de 130 mètres Chaque année, un point d’étape est réalisé. Cette expérience au quotidien est complétée pour le jeune pilote par plusieurs passages sur notre simulateur. Nous allons vérifier s’il est en mesure de progresser, de passer à la tranche supérieure. Cela se fait progressivement, par tranche de dix ou vingt mètres afin d’aboutir au bout de six ans aux tous tonnages, c’est-à-dire 350 m et plus. Nous avons été la première station à posséder un simulateur. Depuis 2004, il nous permet de faire revivre des expériences à nos pilotes. Pour les jeunes, il existe également un système de parrainage constitué de trois collègues. Il s’agit souvent de collègues qui ont aidé le jeune pilote à préparer son concours… Ce parrainage est mis en œuvre pendant six ans » explique Pascal Olier.
Se rapprocher de ses collègues
Au Havre, les pilotes ne vivent pas au sein de la station contrairement à d’autres stations en France. Tout ce qui peut permettre de rapprocher les collègues au quotidien est donc primordial. L’objectif pour Pascal Olier est de faire circuler l’information au maximum et donc de partager l’expérience. Dans le cadre des assemblées générales qui se déroulent sept à huit fois par an ou lors de commissions techniques (cinq à six fois par an), des débriefings de situation sont organisés. Depuis 1996, un système qualité a été mis en place au sein de la station. Il s’agit de fiches de retour d’expériences. « Si un pilote a été confronté à un presque accident, un problème de manœuvre ou qu’il s’est aperçu au contraire qu’il pouvait apporter une solution concrète à un problème donné, il remplit une fiche. Nous la diffusons ensuite à l’ensemble de nos collègues sous vingt-quatre heures. Nous en faisons aussi écho en assemblée générale ou en commission technique. Les instructeurs qui ont eux-mêmes plus de dix ans d’ancienneté peuvent même s’en influencer pour faire apparaître ces cas de figure au simulateur… » Au sein de la fédération, un fichier RISAP permet également d’identifier les navires à problème.
Au Havre, le passage au simulateur est un rite qui concerne aussi bien les nouveaux que les anciens. En moyenne, le jeune pilote y sera confronté cinq à six fois pour sa première année d’exercice. Au-delà de six ans d’expérience, les pilotes ont l’obligation de s’y soumettre deux fois par an au minimum. Rien n’est acquis puisqu’un pilote qui n’a pas piloté pendant quatre-vingt-dix jours (pour cause de maladie ou de prise de responsabilité à terre) redescendra automatiquement de tranche. « En fonction d’une actualité particulière, nous pouvons ajouter des séances de simulation. Il y a quelques mois par exemple, un navire a subi un black-out en sortant du port. Nous nous sommes inspirés de cet incident pour organiser une session spéciale… Nous pouvons aussi nous inspirer d’autres accidents qui sont survenus ailleurs comme il y a plusieurs mois dans le port de Gènes par exemple. » Pour mieux préparer les escales hors normes, le travail se fait aussi en amont. Pascal Olier cite un exemple récent. « Nous avons accueilli au Havre un porte-conteneurs Triple E de la compagnie Mærsk. Nous avions signé un accord avec l’armateur qui nous a prêté son modèle. Nous l’avons testé au simulateur. Nos collègues tous tonnages ont travaillé dessus… Il s’agissait d’un navire particulier avec deux hélices au lieu d’une. Nous avons pu tester son comportement… » se souvient-il.