Projet Iter: la barge « deux en une »

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Venant de la Nouvelle-Orléans ou de Madras, les colis exceptionnels (moins de 60 t et moins de 19 m de long, ou de 5 m de large ou de haut) ou très exceptionnels (plus de 100 t ou de plus de 6 m), selon la nomenclature du projet Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor), connaîtront le transport trimodal: maritime jusqu’à Port-Saint-Louis du Rhône, fluvial jusqu’au port de la Pointe, puis routier.

Pour le premier mode, rien d’exceptionnel au vu de ce que savent faire depuis des années les navires spécialisés. Pour le segment maritime, le dossier a été plus compliqué car aucun moyen local n’était disponible. En outre, l’obligation de transborder en roulage, depuis un quai situé à 1,5 m au-dessus de l’eau, des charges roulantes proches de 800 t, avec des centres de gravité situés à 3,6 m, a été une contrainte forte pour trouver une solution économique permettant de relier le port de Fos à l’appontement Iter, via le canal de Caronte et l’étang de Berre.

Pendant plusieurs mois, EDF et son partenaire fluvial, la Compagnie fluviale de transport (CFT), ont travaillé à concevoir une nouvelle barge roll on-roll off, au gabarit rhodanien, pour remplacer, à terme, la barge Tramontane construite en 1977. Mais le profil des quais des centrales nucléaires du Rhône – à savoir une première marche immergée qui sert d’appui au nez de la barge, et une seconde supérieure dans laquelle s’encastre la porte abattante étanche de la barge – était totalement différent du profil des quais Iter, et donc incompatible. La CFT avait déjà réfléchi à l’optimisation des temps d’inutilisation par EDF de sa nouvelle barge en la faisant évoluer vers une sorte de dock flottant pour répondre aux besoins internes de maintenance des pousseurs de sa flotte. Cela offrait des possibilités d’exploration de nouvelles solutions. Dans un premier temps, la CFT a rejeté l’idée d’installer de manière ponctuelle une pontée amovible dans la barge, car cela n’offrait pas une capacité et une souplesse suffisante à l’ensemble. Aux terme de plusieurs centaines d’heures de recherches et de calculs, une solution innovante a été mise au point: un ponton, disposant de fortes capacités de ballastage, entre par flottaison dans la barge sur le fond de laquelle il se pose après assèchement de la cale. Il devient ainsi un pont de roulage adapté aux quais décrits dans le cahier des charges Iter.

Deux flotteurs

De ces réflexions sont nés deux flotteurs: la barge Sirocco semi-submersible à cale unique (59 m x 9,30 m, 2 200 t de charge utile) qui répond aux besoins d’EDF, et le ponton Libeccio, de 66 m x 9,15 m x 4 m, capable de charger en roulage des convois lourds sur la zone de Fos-sur-Mer, puisque déjà testé à 300 t.

Selon le poids des colis à transporter, ces flotteurs peuvent être associés pour constituer la Sirocco THP, pour très haute performance. Une fois posé sur le fond de la barge, le ponton est connecté aux circuits électriques et hydrauliques de celle-ci. C’est cette configuration qui a été testée fin mars.

L’ensemble ainsi constitué est géré par deux automates qui communiquent ensemble, et le convoi est déplacé par un pousseur.

Patrick Jourdan, responsable du département colis lourds à la CFT, reste prudent sur la capacité de transport de la barge THP car la réponse dépend du poids du colis et de la hauteur de son centre de gravité ainsi que des conditions locales de vent et de mer. Pour fixer les idées, un colis de 800 t dont le centre de gravité est à 3,6 m peut être transporté sans risque jusqu’à 23 nœuds de vent et un mètre de houle significative. De toutes les façons, en cas de mistral, le colis attendra sur quai le temps nécessaire. C’est d’ailleurs, ce qui s’est passé le 31 mars. Une forte houle résiduelle a fait que le transport maritime a eu lieu dans l’après-midi et non pas le matin comme prévu.

Sept heures pour charger 2 h 30 pour transporter

Lors du test de la fin mars, il a fallu cinq heures pour embarquer le convoi formé d’une remorque « encadrée » par deux tracteurs, le temps nécessaire pour déballaster progressivement en restant horizontal. S’y sont ajoutées deux heures pour le lashing-securing du convoi. Le ponton comme la barge sont équipés de « pieds d’éléphant » qui sont des points d’ancrage. Mêmes durées à destination. Or entre le quai Gloria et le port de la Pointe (zone Seveso), il n’a fallu qu’environ 2 h 30 à deux remorqueurs portuaires pour acheminer sur 17 miles la barge chargée. L’un à l’avant et l’autre à l’arrière, explique Patrick Jourdan, avec pilote portuaire à bord, car la Sirocco mesure 79 m hors tout (pour 11,40 m de large). Mais la mise à quai a finalement été réalisée par un pousseur de la CFT; une question de savoir-faire sans rien casser.

Jugé satisfaisant, ce test a été effectué pour le compte de Daher, commissionnaire de transport en charge de toute la logistique liée à la construction du Tomawak, enceinte de confinement magnétique du plasma chauffé à plus de 150 millions de degrés Celsius.

Au-delà de l’investissement fait pour assurer l’approvisionnement des centrales EDF avec la barge, la CFT espère, avec son ponton seul ou associé à la barge, se positionner « valablement et avec conviction » pour répondre aux demandes futures de transport, le moment venu, conclut Patrick Jourdan.

200 à 300 colis très exceptionnels

En mai 2013, Gilles Bonny, directeur des transports chez Daher, estimait entre 200 et 300, le nombre des colis « très exceptionnels » (plus de 100 t ou plus de 6 m de long » du projet Iter). Les colis « exceptionnels » (qui ne peuvent être empotés dans un conteneur maritime et ne peuvent circuler sur les routes qu’avec une autorisation spéciale) devaient être environ 2 000. Pour faire bonne mesure, devrait s’y ajouter l’équivalent d’environ 10 000 conteneurs susceptibles d’arriver par mer, par route ou par avion. Pour faire face à tous les cas de figure, la remorque « mille pattes » et ses deux tracteurs ainsi que les infrastructures routières ont été calibrés pour acheminer un colis de 19 m de long, 9 m de large et autant de haut, d’un poids total de 500 t.

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