Une sérieuse concurrence s’est développée, animée par d’autres armements opérant des services avec de grands rouliers car carriers et autres PCTC, mais aussi de la part d’armements intégralement conteneurisés. Pour les premiers, il s’agit de s’assurer un fret complémentaire, voire de retour. Pour les seconds, les pertes de temps qu’impliquent les manutentions des colis lourds et hors normes dans les ports sont compensées par des revenus plus élevés que ceux générés par les conteneurs. La concurrence s’est également développée au niveau des ports, dont certains terminaux pour conventionnel se sont équipés en conséquence, sans oublier le fait que des terminaux à conteneurs se dotent de portiques dont les capacités peuvent aller jusqu’à 150 t. Des ports mettent également à la disposition des armements des bigues flottantes à grande capacité, comme c’est le cas à Anvers où le port dispose de deux bigues, l’une d’une capacité de 40 t, l’autre, « Brabo », de 800 t.
Le port scaldien est bien engagé dans ce type de trafic. Il est régulièrement fréquenté par de nouvelles générations de navires polyvalents plus grands, jusqu’à 45 000 tpl, gréés de 150 t à 700 t en combiné. L’armement Rickmers, par exemple, aligne des polyvalents multiplex de 17 000 tpl à 24 000 tpl, gréés jusqu’à 700 t. Chipolbrok aligne des unités de 30 000 tpl gréées à 640 t. Viennent également des navires très spécialisés comme ceux de CTC Coli Project Cargo GmbH, à savoir des tween deckers de 8 000 tpl à 10 000 tpl gréés à 700 t. Les armements exploitant des conros comme Grimaldi et sa filiale ACL chargent à Anvers de nombreux colis lourds et hors normes. Les conros géants d’ACL, dont les rampes d’accès ont une capacité de 370 t, remplissent au terminal de l’Europe sur l’Escaut 35 % de leur capacité ro-ro à chaque escale en chargeant des excavateurs, des transformateurs, des locomotives et autres engins. Citons encore le cas de Mærsk Line qui, depuis quelques années, s’emploie à charger conventionnel, colis lourds et hors normes à bord de porte-conteneurs. Son loop AE2, opérant aujourd’hui avec des ULCS de 13 400 EVP entre l’Asie et l’Europe, charge régulièrement au terminal de PSA au Deurganckdok du conventionnel et des colis lourds. Ceci notamment à destination de Busan. Ces cargaisons, à savoir des tubes très longs, des équipements, des locomotives, sont placées en pontée où des plateaux sont aménagés couvrant la superficie de 5 EVP à 6 EVP.
Des scores en baisse
La crise économique a eu un impact considérable sur ces trafics industriels. Anvers n’y a pas échappé. L’année dernière, le score dans la catégorie colis lourds jusqu’à 99 t était de 113 271 t (− 23,7 %). Dans la catégorie des plus de 100 t, il s’est agi de 64 153 t (− 3,5 %). Au total, les colis lourds ont représenté 177 424 t, volume en baisse de 17,5 % par rapport à l’année précédente. Dans le domaine des projets, trois catégories sont retenues: machines et autres moteurs (− 34,5 %), colis jusqu’à 99 t (− 23,7 %), colis de plus de 1 900 t (− 3,5 %). Un total de 203 452 t, volume en baisse de 20,1 %. L’impact de cette crise n’a pas encore disparu. Actuellement le marché des colis lourds et projets est assez contrasté. Selon certains spécialistes impliqués dans ces trafics, une reprise ne se manifesterait que vers la fin de l’année, voire début 2015. Certes, on signale de multiples projets industriels à réaliser outre-mer, qui concernent les secteurs de l’énergie (gaz/pétrole), des mines et autres grandes infrastructures de transport, autant de cargaisons intéressantes en perspectives, mais force est de constater qu’il y a peu de concrétisation pour l’instant étant donné que les banques ne sont pas enclines à accorder des crédits. Selon le représentant d’un armement spécialisé, on en est réduit au colis par colis. En fait, tout dépend des secteurs géographiques. Pour l’instant, ce qui marche très fort, c’est l’Afrique et l’Amérique latine, du moins c’est ce que l’on constate à Anvers. Si le marché est encore instable, on peut considérer que la relance est en cours. Ceci étant, malgré la qualité des prestations et le savoir-faire des dockers, Anvers doit faire face à la concurrence de ports de moindre envergure, plus flexibles et, partant, moins chers. Cependant, la force du port scaldien réside dans ses facilités d’accès sur le plan de la logistique avec l’hinterland impliquant barges et convois routiers spéciaux, mais aussi dans son large éventail de départs de services maritimes. Car il s’avère que les chargeurs insistent de plus en plus pour des transports par lignes régulières au détriment du tramping, l’objectif étant d’avoir l’assurance de fréquences.
En ce qui concerne les terminaux, expéditeurs et armateurs ont un grand choix, le port d’Anvers comptant près d’une quinzaine d’opérateurs. Tout dépend évidemment des conditions. Si les opérations se font en Liner Terms, il est ainsi possible de choisir le manutentionnaire. En Free out/Free in, c’est la marchandise qui désigne le terminal.
À son nouveau terminal du bassin Churchill ainsi qu’à un site en bordure du bassin-canal B1, le manutentionnaire NHS traite ce type de cargaisons. Pour ce faire, il dispose de grues mobiles d’une capacité de 140 t, qui, couplées, permettent de charger jusqu’à 280 t. Les armements Fednav, MACS et CCNI figurent parmi ses clients. Ce trafic porte sur de la machinerie, des transformateurs et autres équipements industriels. L’année dernière, les manutentions ont porté sur plus de 50 000 t.
Un autre spécialiste du conventionnel, la firme Abes (groupe Katoen Natie), dessert plusieurs armements à son grand terminal de la 5e darse. En 2013, ce secteur de trafic a représenté 30 000 t. Son quai est équipé de grues mobiles d’une capacité de 105 t, soit 170 t en couple. Un chargement record y a eu lieu, avec un module pour une raffinerie, d’un poids de 500 t, pour lequel appel a été fait à la bigue flottante de 800 t. Quant à la Katoen Natie, son terminal polyvalent de la rive gauche est équipé de deux portiques à conteneurs et de grues mobiles dont la capacité va jusqu’à 200 t.
De son côté, le groupe Zuidnatie vient d’équiper son nouveau terminal au bassin Churchill de deux nouvelles grues mobiles d’une capacité unitaire de 200 t, ce qui en couple passe à 400 t. La plupart des manutentionnaires anversois se dotent de moyens de levage plus puissants de manière à suivre les évolutions des productions industrielles à l’exportation.