Pour la première fois, la France a accueilli Transport Research Arena (TRA), conférence européenne dédiée à la recherche et à l’innovation dans les transports, du 14 au 17 avril à Paris. Pour les organisateurs français, la direction des Infrastructures, des Transports et de la Mer du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie et l’Institut français des sciences et technologies des transports (Ifsttar), l’ambition a été de favoriser la rencontre des chercheurs, des industriels et des responsables de politiques publiques pour échanger sur les solutions à mettre en œuvre en matière de mobilité (voir encadré). Sachant que ces solutions doivent répondre à des critères de plus en plus contraignants de respect de l’environnement et d’économies de coûts avec des budgets des États de plus en plus restreints.
La vision Horizon 2020
Un temps fort de TRA 2014 a été la présentation d’Horizon 2020 et de ses objectifs de développement du transport maritime par la Commission européenne. « Les industries maritimes représentent 500 000 emplois et un chiffre d’affaires de 70 Md€ au sein de l’Union européenne (UE) », indique Bruxelles. Pour soutenir cette filière, l’UE a développé « une vision baptisée Horizon 2020 qui propose le développement d’un transport maritime plus compétitif, plus propre et plus sûr, offrant des services de qualité, au bénéfice des autres secteurs économiques mais aussi du consommateur final ». Le programme de recherche et d’innovation d’Horizon 2020 est doté d’un budget de 6 Md€ dont 550 M€ pourraient être alloués spécifiquement au secteur maritime entre 2014 et 2020. Les efforts de recherche et d’innovation dans le secteur du transport maritime doivent suivre l’un des trois axes suivants: « compétitivité de l’industrie, amélioration des performances environnementales, amélioration de la sûreté des navires et de leurs opérations ». Ils doivent apporter au secteur maritime et aux citoyens européens « des bénéfices avérés en termes d’emplois, de diminution de pollution atmosphérique et de rejets de CO2 ainsi que de réduction des accidents ».
Efficacité énergétique des flottes
La nouveauté de TRA 2014 a été d’accueillir les modes maritime et fluvial avec leurs représentants issus de la recherche, de l’industrie et du monde politique aux côtés de leurs homologues du ferroviaire et de la route. Lors de la première session plénière, Willem Laros, président de la plate-forme technique européenne Waterborne, a expliqué: « 90 % du transport intercontinental de marchandises est effectué par les mers ou les voies d’eau qui transportent aussi des passagers. Pour les acteurs de ces deux secteurs, TRA offre une vitrine à leur recherche et à leur développement, constitue un lieu unique de rencontre et d’échange avec leurs collègues des autres modes de transport, le ferroviaire et la route. Notre ambition commune est d’améliorer le transport des biens, des passagers, la mobilité au sens large. Nous souhaitons aussi diminuer l’impact des transports sur les infrastructures et l’environnement. Il nous faut tous coopérer plus étroitement pour offrir un transport multimodal afin de répondre aux objectifs d’Horizon 2020. » Parmi les thèmes maritimes présentés à TRA 2014 ont figuré les atouts du gaz naturel liquéfié (GNL) pour respecter, et même dépasser les normes imposées par l’annexe VI de la convention Marpol en Manche, mer du Nord et Baltique à partir du 1er janvier 2015. Le GNL permet en effet de supprimer les émissions de soufre, d’oxydes d’azote et de particules. Autre sujet: les obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) du transport maritime avec l’exemple du projet européen Ulysse. Celui-ci a démontré, par une combinaison de vitesses ultra-lentes et de technologies navales, que l’efficacité énergétique de la flotte mondiale peut être optimisée. « Des essais ont été effectués sur des navires vraquiers et pétroliers, qui sont à l’origine de 60 % des émissions de GES de la flotte mondiale, et une réduction des émissions de GES de 30 % d’ici à 2020 par rapport aux niveaux de 1990 et de 80 % après 2050 a été prouvée ». Pour atteindre ces performances corrélées à une baisse des combustibles consommés, le projet a étudié plusieurs combinaisons de vitesses, conceptions de coques, modes de propulsion, etc., en intégrant, pour chaque hypothèse, la sécurité et la manœuvrabilité des navires selon différentes conditions de navigation. Les solutions et technologies développées par le projet Ulysse concernent les navires en fonctionnement et les futures constructions en Europe et dans le monde. Pour le secteur fluvial, les programmes européens Naiades II (2014-2020) et Platina II (2016-2020) ont été présentés. Avec le concours d’industriels, d’opérateurs fluviaux, d’entreprises logistiques, de gestionnaires d’infrastructures, ces deux programmes sont à l’origine de plusieurs projets de recherche. Par exemple, l’intégration de la navigation intérieure aux chaînes logistiques et multimodales, l’augmentation des capacités d’emport sont au cœur du projet News, à l’origine d’une nouvelle génération de bateaux fluviaux pour le transport de conteneurs. Moteurs électriques alimentés par un générateur au GNL, nouveau système de ballasts, coque et architecture hydrodynamiques autorisant jusqu’à quatre couches de conteneurs sont quelques-unes des autres innovations en phase de tests.
Des infrastructures en réseau
La session plénière de clôture a été l’occasion de présenter un premier bilan TRA 2014. Il a été indiqué que « la recherche et l’innovation constituent les moteurs du développement et de la croissance économique à la condition essentielle de proposer des solutions concrètes à mettre en œuvre aux responsables publics en charge des politiques transport ». Les discussions ont aussi montré que « la multimodalité est indispensable à l’avenir de la mobilité » aussi bien pour les marchandises que pour les personnes. Étant précisé que « la multimodalité doit aussi concerner les infrastructures et prendre en compte le respect de l’environnement ou encore les contraintes d’économies d’énergie ». Concernant plus particulièrement les systèmes du transport de fret et de la logistique, « l’automatisation est la solution à privilégier notamment en développant des systèmes de transport intelligent (STI) ». Il a été rappelé qu’un « système de transport efficace est totalement dépendant de l’existence d’un réseau d’infrastructures performant du premier au dernier kilomètre ». Se pose alors la question de l’optimisation de chaînes logistiques de bout en bout. Pour améliorer la gestion des derniers kilomètres, les ports intérieurs peuvent devenir des centres intermodaux de logistique, les autoroutes de la mer doivent prendre toute leur place. La mise en œuvre de la multimodalité doit permettre de diminuer les impacts des transports sur l’environnement et de répondre aux besoins des citoyens dans un contexte budgétaire contraint. Toutefois, l’établissement de solutions multimodales pour le transport des biens et des personnes nécessite une coopération étroite entre les pays afin de diminuer les coûts et d’atteindre réellement les objectifs de diminution des effets néfastes des transports sur l’environnement et la santé des citoyens.
« Une continuité des échanges entre chercheurs, responsables d’entreprise et décideurs politiques »
Avec près de 3 000 visiteurs, TRA 2014 enregistre un record de fréquentation, le double par rapport à l’édition précédente en 2012. Cent trente sessions de présentation technique et 15 événements associés ont été organisés, plus de 650 articles scientifiques ont été soumis. Un espace de 1 000 m2 d’exposition était ouvert à tous les participants. Hélène Jacquot-Guimbal, directrice générale de l’Ifsttar et vice-présidente du comité de pilotage de TRA2014, a expliqué: « TRA, c’est non seulement un colloque scientifique de qualité avec beaucoup de monde, mais aussi un dialogue continu entre les participants, des chercheurs aux décideurs politiques, aux responsables techniques des collectivités locales, d’ingénieries et d’entreprises. Pour que les résultats de la recherche se retrouvent rapidement dans des processus innovants, il faut cette continuité des échanges. » Pour Hélène Jacquot-Guimbal, l’un des signes de ce succès est à la fois une assistance nombreuse dans les conférences et une fréquentation permanente des stands de l’espace exposition: « Cela montre que TRA 2014 n’a pas seulement été un congrès scientifique où les chercheurs parlent aux chercheurs dans les salles où se déroulent les présentations et ne visitent les stands que pendant les pauses. L’espace collectif d’exposition a été largement fréquenté tout au long des journées, ce qui indique que la typologie des visiteurs a été bien plus large qu’un public de chercheurs. » Si les participants ont largement échangé entre eux, il reste à améliorer le passage entre les innovations et les industries. « Il y a des solutions qui mettent beaucoup de temps à franchir les barrières entre les instituts de recherche et certaines industries ou entreprises. Il y a des solutions mises en œuvre dans un mode de transport qui ne sont pas déclinées dans les autres. À cela, il faut apporter une réponse collective qui dépasse TRA », précise Hélène Jacquot-Guimbal. Un autre motif de contentement pour la directrice générale de l’Ifsttar porte sur les thèmes des papiers scientifiques: « La plupart des sujets ont porté sur les liens entre les modes, comment organiser du trafic entre plusieurs modes. Cela signifie que l’ensemble du système commence à penser intermodal, c’est un signe très positif pour l’avenir. »