Des portefaix des quais à la carte G, et jusqu’aux dockers d’après la réforme de 1992, le métier a bien évolué. La sécurité aussi, même si la mortalité par cancer rappelle cruellement la dangerosité d’un métier physique, risqué, exposé. « Cette communauté, fière de son autonomie et de ses élans solidaires, s’est construite sur la mise à l’épreuve virile des corps », note cette exposition réalisée par le Centre d’histoire du travail avec des retraités du quai. Témoignages, photos rendent compte de l’évolution des trafics et des manutentions. La masse des billes de bois a toujours été un risque permanent, malgré le faiseur de signes qui signale au grutier ce qu’il ne peut voir à fond de cale. Risque aussi, les poussières, le charbon « que l’on recrache des jours durant », les phosphates, ammonitrates qui raclent la gorge, assèchent le gosier, s’insinuent partout, et pire, l’amiante des plaques de fibrociment déchargées dans les années 1990 sans précautions. Le bruit a aussi laissé ses séquelles, surtout en fin de shift, quand la cale est presque vide, jouant comme une caisse de résonance métallique, amplifiant le moindre son. Le casque anti-bruit? Un dilemme: « Si tu mets le casque, tu peux te mettre en danger immédiatement; si tu le mets pas, tu condamnes tes oreilles à moyen terme. » Sans parler des « odeurs chimiques qui sautent à la figure, irritent la gorge, font saigner le nez ». La chimie est l’ennemi invisible. Pesticides, insecticides, fongicides, solvants, gaz toxiques sont répandus dans les cales et dans les conteneurs, pour éradiquer champignons, insectes et rongeurs. Les dockers sont directement servis par ces émanations.
« La prévention est l’affaire de tous, et si les dockers ont la tête dure, c’est que bien souvent ils ont perçu les injonctions à la sécurité comme des décisions autoritaires, vexatoires, indifférentes à la façon dont eux, les premiers intéressés, vivaient leur métier. »
« Dockers, corps à l’épreuve » jusqu’au 18 mai.
Maison des hommes et des techniques,
2 bis, bd Léon-Bureau, Nantes,
Tél.: 02 40 08 20 22