JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): COMMENT ÉVOLUENT LES TRAFICS DU PORT DE MARSEILLE EN CE DÉBUT D’ANNÉE
HERVÉ BALLADUR (H.B.): Le tonnage global a reculé de 3 % en janvier et février comparé à la même période de 2013. Sur les deux mois, les vracs liquides chutent de 14 % alors que les aciers ont progressé de 37 %. Le trafic conteneurs enregistre le meilleur bimestre depuis six ans avec 187 000 EVP, en hausse de 11 %. Notre travail en matière de promotion, de reconquête, porte ses fruits. Cette progression prouve que nous avons repris des parts de marché. Le trafic roulier accuse un recul à la fois sur le Maghreb et la Corse. En cause, la spécialisation des ports algériens, les réglementations sur les importations de matériel d’occasion et les grèves du début d’année à la SNCM.
JMM: QUELS CHANGEMENTS SONT INTERVENUS DERNIÈREMENT AU SEIN DE VIA MARSEILLE FOS?
H.B.: Via Marseille Fos s’avère un modèle unique et fédérateur. Nous sommes parvenus à rassembler les forces vives. La Ville de Marseille et MGI ont rejoint en 2013 l’association qui a pour membres l’Union maritime et fluviale (UMF) de Marseille-Fos, la Chambre de commerce et d’industrie et le GPMM. Cela a également permis de consolider nos finances. VMF a été acceptée comme la marque commerciale des professionnels portuaires. Si nous parvenons à convaincre l’ensemble des collectivités locales, nous aurons gagné!
Je dois cependant reconnaître que nous nous sommes peu préoccupés des hydrocarbures. Nous allons rectifier le tir, Marseille étant un port global. Nous allons renouer les contacts avec l’Union française des industries pétrolières qui n’est plus adhérente à l’UMF. Une commission vracs liquides, présidée par Bruno Scardigli, travaille sur ce thème au sein de l’UMF. Le stockage de produits pourrait être une alternative aux flux d’hydrocarbures.
Nous avons également avancé sur la charte Ville-Port bâtie autour de six chantiers. Je participe au chantier no 1 portant sur la promotion et le développement des trafics et de l’hinterland portuaire. Nous travaillons par filière et sur les voies d’acheminement.
JMM: QUELLES PISTES POURRAIENT RAPIDEMENT ABOUTIR?
H.B.: Un service de navette ferroviaire pourrait démarrer avant l’été entre Fos et Genève. Naviland Cargo est prêt à se lancer, il suffit d’une aide financière au démarrage. Le dossier est entre les mains du GPMM. Sur les 50 000 EVP annuels import/export de la Suisse, nous espérons capter un flux de 15 000 conteneurs avec un service hebdomadaire. Idéalement, il faudrait deux départs par semaine. Lors d’une mission en Suisse en novembre 2011 de Marseille-Europort, l’ancienne dénomination de VMF, nous avons pris conscience de la nécessité de mettre en place un service ferroviaire.
JMM: COMMENT ÉVALUEZ-VOUS LES RETOMBÉES COMMERCIALES DE VOS MISSIONS?
H.B.: Difficile de quantifier précisément le résultat de nos actions. La progression des marchandises constitue notre indicateur. Chaque participant au road show en Turquie en novembre dernier aura des retombées de ce travail collectif. Les échanges, y compris au sein des membres de la délégation, sont très positifs. En s’associant à nos missions, les dockers nous livrent leur point de vue. Ce n’est pas un hasard si les Dacia produites à Tanger Med vont arriver à Fos. Le climat social au Havre est moins serein. L’objectif numéro un, à savoir le retour de la confiance, a été atteint.
En revanche, les bassins Est ont du mal à se positionner face à la concurrence de Fos. Peut-être devons nous changer le modèle économique et commercial. Soixante-dix pourcents de l’activité est orientée vers l’Algérie. Mourepiane doit adopter une stratégie de différenciation.
JMM: QUEL EST LE PROGRAMME DE VMF POUR 2014?
H.B.: Nous avons deux cibles prioritaires: l’hinterland de la région Rhône-Alpes et la Méditerranée. Les 16 et 17 avril, nous recevrons les chargeurs de la région Rhône-Alpes. Au mois de juin, nous accueillerons les professionnels turcs. La croissance de l’Inde et de la Chine nous conduit à organiser une mission à Shenzhen en octobre, durant le salon international de la logistique. Du 17 au 21 novembre, nous serons à Mumbai.
JMM: OÙ EN EST LE PROJET DE LIGNE MARITIME ENTRE MARSEILLE ET TANGER?
H.B.: Nous discutons avec l’armement MedCross Line qui propose un service hebdomadaire avec un navire à 15 nœuds, plus lent que ce que nous avions imaginé. Nous cherchons à avoir des engagements de la part des transporteurs routiers. Nous avons prévu une mission au Maroc en novembre.
JMM: QUE PENSEZ-VOUS DE LA NOUVELLE GOUVERNANCE AU GPMM?
H.B.: Je suis ravi que Christine Cabau-Woehrel ait pris la direction du port. J’ai beaucoup travaillé avec son prédécesseur que j’ai beaucoup apprécié pour ses qualités humaines, mais il avait davantage une culture de grand serviteur de l’État qu’une culture commerciale. La personnalité, le parcours de Christine Cabau-Woehrel et les discussions que j’ai eues avec elle me laissent penser qu’elle aura plus de pertinence dans son approche. Les ports sont des entreprises comme les autres, qui doivent être dirigées par un chef d’entreprise, imprégnées par le service au client.
JMM: CERTAINS INVESTISSEMENTS SERONT-ILS REMIS EN CAUSE AU REGARD DES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES DU GPMM?
H.B.: Les investissements votés ne sont pas remis en cause. Le chantier de transport combiné de Mourepiane, d’un coût de 65 M€, devrait être achevé en 2017. En revanche, nous aurons du mal à boucler les prochains sauf à réaliser des emprunts avec l’appui de la tutelle. Les Collectivités territoriales doivent nous accompagner y compris dans l’aménagement d’infrastructures. La croisière rapporte peu au port et nécessite des investissements conséquents. Cette activité contribue au développement de la réparation navale qui a été en perte de vitesse ces dernières années.