Ce sont des chiffres qui donnent le tournis: un million de cartons de bananes. Voilà ce qui est déchargé chaque semaine sur les quais du port de Hambourg. La ville hanséatique est, avec Anvers, la principale porte d’entrée pour l’importation de fruits en Europe.
Il faut dire que les opérateurs portuaires ont sorti les grands moyens pour jouer les premiers rôles. À commencer par HHLA (Hamburger Hafen und Logistik A.G), qui gère un immense terminal consacré exclusivement au froid ou aux produits sous température dirigée: 1 Mt de fruits y transitent chaque année, dont 750 000 t de bananes. Viennent ensuite les ananas, les agrumes et le raisin. Le groupe a récemment inauguré un nouveau dépôt entièrement automatisé de 12 000 m2. Portant ainsi à 30 000 palettes la capacité totale de stockage du froid de Hambourg.
Mais au-delà de ces infrastructures, Hambourg a d’abord bénéficié d’un gros coup de pouce de l’Histoire. De fait, l’activité a connu un essor considérable dans les années 1990 et l’ouverture des marchés d’Europe de l’Est à la fin de la Guerre froide. « Lorsque le Mur est tombé, la première chose que les Ossies (Allemands de l’Est) ont achetée, ce sont des bananes, un produit introuvable dans les pays communistes », se souvient-on à Hambourg. Stratégiquement placé au carrefour des échanges Est-Ouest et dopé par cette nouvelle demande, le port a vu ses volumes doubler en l’espace de vingt ans.
Aujourd’hui encore, l’immense majorité des bananes vendues dans les pays de l’ex-bloc soviétique a transité par le grand port allemand. Un empire qui s’étend « de la République tchèque jusqu’en Ukraine, mais aussi les pays de la Baltique ou la Scandinavie », précise HHLA. « Aujourd’hui nous offrons aux importateurs un service complet, avec notamment la prise en charge des formalités administratives et le contrôle de la qualité », détaille Jan Haase, responsable du dépôt fruits et froid chez HHLA. L’Allemagne reste aussi un marché de premier ordre: « Les Allemands mangent en moyenne 12 kg de bananes par an, même si, comme partout ailleurs, la tendance est à la baisse. »
Des liens étroits avec la grande distyribution
Autre atout: la présence à Hambourg de plusieurs grandes centrales d’achat avec lesquelles les opérateurs portuaires ont tissé des liens étroits. HHLA s’est ainsi associé à Edeka, le numéro un de la grande distribution allemande pour opérer une halle de stockage et de maturation de bananes. Un dépôt qui fournit l’ensemble des magasins de l’enseigne situés dans la moitié Nord de l’Allemagne. Enfin, HHLA soigne aussi ses importations à la source. Le groupe a par exemple pris pied depuis longtemps au Chili où il opère le port de Valparaiso.
Reste que cette mécanique bien huilée pourrait être mise à mal par la concurrence des conteneurs réfrigérés qui s’imposent de plus en plus face aux navires frigorifiques. Selon une étude du cabinet Dynamar, la flotte de reefers pourrait être réduite de moitié d’ici 2023. « Sur le segment de la banane, les transports conteneurisés gagnent clairement en importance », reconnaît Jan Haase. Une évolution qui ne fait pas vraiment les affaires de HHLA dont l’activité de manutention des bananes est basée sur le conditionnement en palette. L’opérateur affirme néanmoins avoir les moyens de faire face à cette nouvelle donne et rappelle qu’il opère l’un des principaux terminaux à conteneurs de Hambourg.