Transmanche: cap sur l’annexe VI de Marpol

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Le marché du transmanche, de Rotterdam au Finistère, connaît chaque année des soubresauts. En 2012, le transmanche a enregistré des mois difficiles. Avec la fin de SeaFrance et l’entrée sur le marché de MyFerryLink en août 2012, les cartes du transmanche se sont redistribuées. Une partie du trafic opéré sur le port de Calais a été détournée vers d’autres point de départs ou d’arrivée. Une aubaine pour Dunkerque, Zeebrugge voire Dieppe, mais pas pour le port de Calais. Le retour à l’activité des anciens ferries de SeaFrance aux couleurs de MyFerryLink en août 2012 a remis en place un schéma de dessertes entre les différents ports. L’année dernière a été une année de consolidation du marché. Celui du transmanche dépend en large partie de la santé économique de la Grande-Bretagne et de l’Irlande. Globalement, les ports continentaux transmanche ont eu du mal à croître en 2013. Rotterdam, Zeebrugge, Dieppe, Caen, Cherbourg et Roscoff ont enregistré des baisses du trafic fret avec les ports anglais. Dunkerque a aussi souffert, mais pour d’autres raisons que l’économie britannique. Le port septentrional a payé le retour d’une partie de la clientèle qui s’est reportée sur son port avec les soucis de SeaFrance. À se comparer en année à périmètre équivalent, Dunkerque affiche une progression en 2013 par rapport à 2011. Effet de vases communiquant, le fret au port de Calais a retrouvé des couleurs. Mieux, il affiche des trafics records supérieurs à ceux d’avant la crise de 2008. Outre Calais, la mise en place d’une seconde liaison avec les ports anglais a permis au port du Havre de progresser. Amsterdam tire aussi son épingle du jeu en faisant de son offre transmanche un vecteur logistique global.

Concernant les échanges avec l’Irlande, Roscoff a enregistré de meilleurs résultats qu’avec la Grande-Bretagne, et Cherbourg a vu son niveau baisser en raison des arrêts techniques des navires d’Irish Ferries et de Celtic Link.

Pour les passagers, le marché du transmanche en Grande-Bretagne a suivi le mouvement avec une hausse plus ou moins importante selon les ports. Dunkerque a perdu en nombre de passagers, pour les mêmes raisons que le fret (report de la clientèle sur Calais), Cherbourg perd de ses parts de marché passagers sur l’Irlande et se stabilise tant bien que mal sur la Grande-Bretagne. Caen, pour sa part, a perdu en passagers.

Il existe une alternative au détroit du Pas-de-Calais

L’arrivée au Havre de Brittany Ferries et le succès que l’armateur de Roscoff a tiré de cette présence montrent bien qu’il existe une alternative au détroit du Pas-de-Calais. L’arrêt des lignes au départ d’Ostende, avec la faillite du dernier armateur Trans Europa Ferry et la concurrence vive avec Eurotunnel, pèse dans la balance.

Après avoir passé le cap de la restructuration de SeaFrance, puis, plus en amont, celui de la fin du duty free en 1999, le marché du transmanche doit désormais adapter son offre aux conditions exigées par l’annexe VI de Marpol. Ce texte impose d’utiliser un carburant avec une teneur en soufre de 0,1 % maximum. Trois alternatives s’offrent aux opérateurs: soit utiliser du MGO (Marine Gas Oil), soit du GNL (gaz naturel liquéfié), soit enfin, sur les cheminées des navires, des épurateurs de fumée (scrubbers) dont les filtres devront être recyclés. Des règles qui touchent directement tous les opérateurs en Manche et mer du Nord.

Un sujet presque tabou

Le sujet aurait à tendance à devenir tabou auprès de certains opérateurs. Interroger les armateurs à ce propos n’est pas toujours facile. Ainsi, P&O Ferries reste laconique sur le sujet, rappelant qu’il est à l’étude, sans plus de commentaires. D’autres, un peu plus précis, à l’image de DFDS, déclarent vouloir investir 18 M€ pour des transformations sur les navires. La modification des navires vers une propulsion au GNL paraît être la solution la plus écologique, les émissions en SOx et NOx sont les plus faibles. Une option qui mérite des investissements d’importance pour les compagnies maritimes. Brittany Ferries a décidé de se conformer à ces obligations. L’armateur de Roscoff a commandé auprès des chantiers de Saint-Nazaire un navire sur le modèle de celui réalisé pour un armateur balte. Pour les armateurs, le recul n’est pas suffisant. Un navire se construit pour une période de 20 à 30 ans selon son utilisation. Obliger les armateurs à se conformer à des règles avec un laps de temps si court (l’annexe VI de Marpol est entrée en vigueur au 1er juillet 2010) revient à condamner une partie de la flotte commandée ou livrée antérieurement. En outre, le texte oblige à disposer de moyens de réduction sans pour autant n’avoir validé techniquement aucune solution. Du côté des armateurs, la réponse à la date butoir du 1er janvier 2015 est claire: « Nous ne serons pas prêts » (voir notre enquête, JMM 4914, pp. 8 à 10), d’autant plus qu’il faudra que le surcoût lié aux investissements se reporte sur le consommateur, ce qui risque de grever un peu plus les comptes d’exploitation des armateurs. Et les ports? Ils devront adapter leur offre de soutage aux navires touchant leurs ports. Selon que l’armateur ou les armateurs desservant le port choisissent d’utiliser du GNL ou du MGO, le concessionnaire du port devra s’adapter. Les questions techniques se posent pour savoir comment souter les navires selon les différents carburants utilisés. D’abord indifférents à ce sujet, les ports de la Manche ont pris conscience de la lourdeur de l’adaptation depuis quelques mois. Dunkerque, Calais, Haropa, Ports normands associés, Roscoff réfléchissent au sujet. Les ports en sont encore au niveau des études techniques. Que se passera-t-il si un armateur met en service un navire au GNL dans un port qui ne dispose pas de capacité de soutage pour ce produit? Outre le fait que la ligne transmanche pourrait reporter ses escales ailleurs, ce sont aussi tous les opérateurs maritimes qui escalent dans ce port qui pourraient décider de retirer le port de ses rotations. Ce sujet n’est pas propre aux ports français mais concerne l’ensemble des ports de la zone concernée par l’annexe VI de Marpol qui s’étend de la Manche à la Baltique. Le retard accumulé est considérable (voir notre enquête, JMM 4915, pp. 6 à 8).

En additionnant le retard pris par les armateurs et les ports, le cap du 1er janvier 2015 pourrait bien être encore plus difficile à passer. Eurotunnel pourrait bien profiter des conséquences de ce texte. L’opérateur du tunnel sous la Manche ne doit réaliser aucuns travaux à cette date et, sauf accident, pourrait récupérer de nouvelles parts de marché si les hausses des opérateurs maritimes sont trop élevées.

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