Les compagnies maritimes ne sont pas vraiment prêtes pour le 1er janvier 2015

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Il y a une unanimité parmi les opérateurs maritimes présents sur le détroit du Pas-de-Calais, en Manche centrale, en Manche Ouest, en mer du Nord, acceptant d’évoquer le sujet de l’obligation d’utiliser pour leurs navires un combustible d’une teneur en soufre de 0,1 % à partir du 1er janvier 2015 dans cette zone géographique: « Nous ne serons pas prêts et nous ne pourrons pas respecter cette contrainte à la date fixée. » Certains sont toutefois plus avancés que d’autres. Il en va ainsi de Brittany Ferries. Pour son directeur du pôle armement et des opérations maritimes et portuaires, Frédéric Pouget, « nous avons lancé un plan de transition écologique en janvier qui répond à l’obligation de teneur en soufre du 1er janvier 2015, mais va surtout bien au-delà et anticipe sur les autres normes internationales en matières d’émissions atmosphériques des navires à venir en 2016, 2020 ou 2025 ». Le Plan de transition écologique de Brittany Ferries prévoit la construction d’un navire neuf avec le GNL comme combustible principal, la conversion de trois navires de la flotte du fuel vers le GNL, l’installation d’épurateurs de fumée sur trois autres. La compagnie a fait le choix de prendre des mesures pour respecter la teneur en soufre de 0,1 % et la réduction des SOx, mais aussi les normes concernant les NOx et les particules dès 2016 ou 2017. « Nous allons bien au-delà des normes imposées par l’annexe VI de Marpol et nous nous battons actuellement pour faire reconnaître cela. Nous voulons obtenir une exemption limitée dans le temps pour tous les armateurs concernant l’obligation de teneur en soufre de 0,1 % et la réduction des SOx à partir du 1er janvier 2015 », explique Frédéric Pouget. La compagnie compte sur l’État français qui « doit jouer son rôle » pour mobiliser les autres États membres de l’Union européenne (UE) concernés par la mesure de l’annexe VI de Marpol transposée dans une directive (voir encadré), et présenter la demande d’exemption motivée auprès de Bruxelles.

Une mesure singulière

Frédéric Pouget souligne la singularité de la disposition de l’annexe VI de Marpol qui a imposé une évolution de tous les navires neufs et existants à la même date, au lieu de prévoir un calendrier distinct en fonction de l’âge des unités. Sur ce point, Jean-Marie Millour, du Bureau de promotion du short sea shipping (BP2S), rappelle par exemple que l’Organisation maritime internationale (OMI) avait prévu une date précise pour la mise en œuvre des normes sur les double-coque s’appliquant aux navires neufs, puis un calendrier échelonné pour les navires existants. Tel n’a pas été le cas dans l’annexe VI de Marpol. Dans ces conditions singulières, selon Frédéric Pouget, « les dégâts économiques pour les entreprises et les emplois consécutifs n’ont pas été pris en compte ni par l’OMI ni par Bruxelles ». Un éclairage qui rejoint celui de BP2S: « La volonté politique à l’origine de la mesure a été de protéger la santé de la population tout en favorisant le report modal de la route vers la mer en Europe. C’est malheureusement à l’inverse que l’on risque d’aboutir. » Un navire est un outil industriel construit pour 25 à 30 ans, et une évolution aussi radicale que celle demandée au 1er janvier 2015 met en péril les armements maritimes, au vu des coûts des solutions possibles pour se mettre en conformité avec les normes internationales en matière de prévention de la pollution atmosphériques des navires.

Des études en cours

Du côté de MyFerryLink, le directeur général adjoint (DGA), Raphaël Doutrebente, annonce que la compagnie utilisera du « MGO à partir du 1er janvier 2015 ». Le coût sera plus important qu’avec du fuel lourd, mais l’avantage de la compagnie est d’être active sur des lignes courtes, à la différence de certains de ses concurrents. Le 1er janvier 2015, aucun des trois navires de la flotte de MyFerryLink ne sera donc équipé d’épurateurs de fumée ou transformé pour utiliser du GNL comme combustible. « Adapter les navires dès cette date, cela n’est pas possible car les technologies restent à finaliser tout comme les réglementations. Et les chantiers navals n’ont pas suffisamment de disponibilités pour gérer tous les navires concernés », précise Raphaël Doutrebente. La compagnie finalise des études qui doivent l’aider à décider entre épurateurs de fumées ou GNL. « Les deux solutions sont envisagées. L’option GNL serait possible sur deux navires mais présente des risques à bord, notamment en présence d’autres matières dangereuses, estime Raphaël Doutrebente. Il faut aussi trouver des solutions pour l’approvisionnement et le soutage. » Alors, « la solution la plus pertinente serait sans doute les épurateurs de fumée, mais se pose le problème de l’évacuation et du traitement des résidus ». Le DGA souligne que ce sont des investissements importants, de l’ordre de 30 M€ à 40 M€ au total pour équiper les trois navires de la flotte en épurateurs de fumée. Cette solution est aussi privilégiée par le groupe DFDS dont « l’ambition est d’investir 18 M€ pour équiper trois navires en épurateurs » sur un total de huit unités. DFDS conduit « d’autres projets d’envergure, tels que la conversion de navires au GNL » afin de respecter la réduction des niveaux d’émissions de SOx mais aussi de NOx, de CO2 et de particules. Des décisions pourraient être dévoilées d’ici la fin du premier semestre. Enfin, P&O Ferries précise simplement: « Tout est à l’étude. »

Les règles à respecter le 1er janvier 2015 et au-delà

Adoptée par l’OMI le 10 octobre 2008 et entrée en vigueur le 1er juillet 2010, une révision de l’annexe VI de la convention sur la prévention de la pollution par les navires (dite Marpol) impose une teneur en soufre de 0,1 % pour les combustibles utilisés par les navires naviguant dans la zone de contrôle des émissions de soufre (ZCES) de la Manche/mer du Nord/Baltique à partir du 1er janvier 2015. Cette mesure a pour objectif de réduire les émissions d’oxyde de soufre (SOx) dangereuses pour la santé humaine. Les contraintes internationales en matières d’émissions atmosphériques des navires ont été reprises, et pour certaines renforcées, par la directive européenne 2012/33/UE du 21/11/2012 modifiant le texte précédent 1999/32/CE. Ainsi, une norme de teneur en soufre de 0,5 % sera applicable dès le 1er janvier 2020 pour toutes les zones maritimes de l’UE qui ne sont pas classées en tant que ZCES. D’autres obligations en matière d’émissions d’oxydes d’azote (NOx) vont s’ajouter dès le 1er janvier 2016. Des mesures sur les gaz à effet de serre pourraient entrer en vigueur en 2020 ou 2025.

(Source: rapport de la mission GNL)

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