Le conseil d’administration de Transdev Group a autorisé, le 18 décembre, la mise en place d’une ouverture de crédit supplémentaire de 13 M€ à la SNCM, sa filiale, pour lui permettre de faire face à ses échéances de trésorerie à « court terme », explique le communiqué de Transdev. Ce versement s’inscrit dans le cadre de la conciliation ouverte par le président du tribunal de commerce de Marseille, le 11 octobre dernier, pour favoriser le recouvrement des sommes dues à la SNCM par des « tiers, notamment la CTC » (collectivité territoriale de Corse).
La décision a été prise à « l’unanimité » des administrateurs (dont ceux représentant Veolia et la Caisse des dépôts et consignations, ndlr), suite à la demande formulée par le conciliateur auprès de la direction de Transdev Group, notamment dans deux courriers en date des 10 et 16 décembre. Les administrateurs ont pris acte de ce que ce versement était « indispensable » au financement d’une période transitoire qui doit permettre la « finalisation » des travaux engagés sur « les scenarii permettant d’assurer la pérennité de l’entreprise », poursuit le communiqué.
L’engagement conditionnel pris le 14 juin dernier par le président de Transdev Group de verser 30 M€ à la SNCM avant la fin de l’année a donc été rempli, en dépit des éléments nouveaux intervenus depuis cette date, qui « dégradent les perspectives de redressement » de la SNCM (interruption par la CTC des versements au titre du service complémentaire, condamnation par l’UE à 220 M€ de remboursement « supplémentaire » au titre de la privatisation, ouverture d’une enquête de l’UE et recours de Corsica Ferries sur la nouvelle DSP).
Pas un sou de plus
Les administrateurs, et « notamment les représentants des actionnaires Veolia Environnement et Caisse des dépôts, ont unanimement souligné que, eu égard à l’effort supplémentaire important que cette décision représente de la part de Transdev, aucun autre soutien financier ne pourra être apporté à la SNCM. Ils ont par ailleurs rappelé les autres parties prenantes à ce dossier à leurs responsabilités. »
Un leitmotiv récurrent
Le 20 décembre, Marc Dufour, président du directoire de la SNCM, a également appelé les actionnaires, dont l’État, à « assumer leurs responsabilités » au lendemain de l’approbation par les salariés d’un projet d’accord social du plan de relance de la direction. Cet accord prévoit un gain de 25 % de productivité et la suppression de près de 500 emplois sur un total actuel de 2 600 salariés. En renouvelant la flotte et en réalisant une économie de 70 M€ par an, la rentabilité devrait être atteinte en deux ans. Ce projet devait être mis en place en 2013, mais Veolia en avait demandé son report. Ces 13 M€ doivent permettre d’assurer la paie des salariés « jusqu’à fin janvier », a souligné Marc Dufour sur RTL, rapporte l’AFP. « Nos autres actionnaires, dont l’État, sont engagés pour nous assister pour finir cette période d’hiver difficile », a-t-il ajouté. Il a en profité pour dénoncer les décisions des instances européennes exigeant que l’État et l’Assemblée de Corse se fassent rembourser chacun 220 M€ indûment versés à la SNCM.
Rendez-vous le 20 janvier
Le même jour, le président du directoire a été informé que les représentant de Transdev (66 % du capital de la SNCM) et les trois de l’État (25 %) n’assisteraient pas au conseil de surveillance (CS). De lourdes rumeurs de dépôt de bilan circulaient à propos de ce conseil. Selon le représentant du syndicat CFE-CGC au CS de la SNCM, cité par l’AFP, la raison officielle de ces absences est que ce CS était devenu sans objet après le vote du conseil d’administration de Transdev de respecter l’engagement pris de verser au total 30 M€ à sa filiale, le solde étant de 13 M€. Le CS n’a donc pas pu se tenir, faute de quorum. « Il y avait de nombreux autres points à l’ordre du jour, notamment l’avenir du Napoléon-Bonaparte [lourdement abîmé après s’être détaché de la digne du large, ndlr] ou le budget 2014 », rappelle le représentant syndical. La prochaine date du conseil est fixée au 20 janvier, de source syndicale.
Sont en attente aussi, des informations sur les conclusions du comité de pilotage réunissant l’État et Transdev qui s’est tenu le 19.
Le 20 décembre, l’Assemblée de Corse a adopté un nouveau texte sur les obligations de service public de transport maritime entre la Corse et le continent, conforme aux exigences de la Commission européenne. Le précédent texte avait été annulé par le tribunal administratif de Bastia en octobre dernier à la suite d’une action menée par la compagnie Corsica Ferries qui n’avait pas été retenue.
Le même jour, le président PS du conseil général des Bouches du Rhône, Jean-Noël Guérini, a déclaré que le département était « prêt à entrer au capital de la SNCM aux côtés de l’État majoritaire et d’autres collectivités, dans le cadre d’un projet industriel porté par un armateur proposant une vraie perspective de développement économique ». La lecture de différents rapports de la chambre régionale des comptes laisse penser qu’il ne faut pas surévaluer l’efficacité économique de la présence des collectivités locales dans la propriété des ferries, même au nom sacré de l’aménagement du territoire.
Le président PS du conseil régional, Michel Vauzelle, a proposé au président du Conseil exécutif de Corse, Paul Giaccobi (par ailleurs rapporteur de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, sur la privatisation de la SNCM) et à celui de l’Assemblée de Corse de « saisir ensemble » le gouvernement et la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations en tant qu’actionnaires de la SNCM « afin que soient définies les conditions de nature à assurer une continuité de l’activité de la compagnie dans toutes ses dimensions ». Et la CGT-Marins a annoncé qu’elle avait déposé plainte auprès de la Commission européenne « pour aide d’État illégale aboutissant à des pratiques anticoncurrentielles ». Ainsi, selon la plainte lue par l’AFP, Corsica Ferries aurait bénéficié d’environ 180 M€ représentés par l’aide sociale directe.
Les visiteurs du soir
Deux holdings d’investissement, Alandia et FinActive, ont indiqué le 18 décembre à l’AFP qu’elles envisageaient de regarder le dossier de la SNCM pour entrer au capital si l’État règle le différend avec la Commission européenne qui réclame le remboursement de 440 M€ d’aides.
Selon une source proche du dossier, un armateur français associé à un armateur du nord de l’Europe, dont les noms n’ont pas été précisés, a étudié le plan de redressement validé par le conseil de surveillance.
Les marins du Syndicat des travailleurs corses (STC) ont obtenu le 18, après avoir bloqué un ferry à Bastia, qu’en cas de liquidation, les quatre rouliers mixtes assurant la desserte de service public ne soient pas privatisés et assurent toujours la continuité territoriale.
La lecture d’avis de la chambre régionale des comptes de Corse du 24 mai sur la situation financière de l’office des transports de la Corse laisse penser qu’une remise à plat générale de la continuité territoriale s’impose. En 1976, elle ne concernait que le transport maritime des résidents corses et des marchandises et non pas des touristes, se souvient un dirigeant de compagnie.