Avec 10 Mt de marchandises transbordées sur des bateaux de navigation intérieure, Hambourg s’affiche comme le troisième port fluvial allemand, derrière Duisbourg et Cologne. Une médaille de bronze en forme de cache-misère. Car en réalité, la part du fluvial dans l’activité du terminal hanséatique reste marginale. Ainsi, seuls 2 % des conteneurs déchargés à Hambourg poursuivent leur trajet dans l’hinterland par voie fluviale. Un chiffre qui stagne depuis plus de dix ans.
Actuellement, 100 000 EVP sont transbordés sur des péniches. « Notre objectif est d’atteindre 270 000 EVP d’ici 2020, soit une part modale de 5 % », explique Sebastian Doderer, de l’agence de promotion du port.
Pourtant, Hambourg ne semble pas prêt à se donner les moyens de ses ambitions. De fait, les projets d’agrandissement du port ne prévoient pour l’heure aucune structure de transbordement dédiée exclusivement aux bateaux de navigation intérieure, qui vont donc continuer à « partager » les mêmes quais et grues que les navires de mer. Des infrastructures surdimensionnées qui ne sont pas conçues pour les péniches. « C’est comme si on prenait un canon pour tirer sur un moineau », déplore Björn Pistol, du cabinet de conseil Uniconsult. Autre problème: dans cette configuration, les bateaux fluviaux ne sont jamais prioritaires. Ils doivent donc souvent patienter longtemps avant d’être pris en charge. Des contraintes qui font exploser les coûts de transbordement: il faut compter 65 € à 100 € pour charger un conteneur sur une péniche, contre seulement 45 € pour un transbordement vers un camion.
Un rapport commandé en 2009 par le Sénat pointait pourtant déjà cette faiblesse structurelle, considérée comme « l’un des principaux freins au développement du fluvial ». Bien accueillie à l’époque, cette volumineuse étude est restée lettre morte. « Je me suis toujours montré très critique vis-à-vis de cette recommandation », reconnaît sans détour Wolfgang Hurtienne, le directeur de l’autorité portuaire HPA. « Au lieu de construire un terminal spécifique, nous devrions plutôt chercher à optimiser l’espace sur les terminaux maritimes et voir comment nous pourrions transborder directement des conteneurs d’un navire de mer à un navire fluvial. »
Le Port Feeder Barge au point mort
Autre initiative au point mort: le Port Feeder Barge, une barge autonome dotée d’une grue de 40 t et pouvant transporter jusqu’à 168 EVP. Elle peut aussi servir de « ponton mobile » pour le chargement des navires fluviaux. Moins cher qu’un terminal stationnaire spécifique, cet engin permettrait aussi de réduire le temps de stationnement des péniches. De quoi abaisser les coûts de manutention de 45 € par conteneurs, d’après ses concepteurs. Suffisamment, donc, pour rendre le transport fluvial à nouveau compétitif face à la route.
Mais l’essai n’a jamais été transformé. Applaudi par la classe politique locale, récompensé par plusieurs prix, le projet, présenté en 2007, doit se contenter d’un succès d’estime. D’abord emballé, HHLA, l’un des principaux opérateurs portuaires, traîne désormais la jambe et n’a jamais officialisé sa commande.
Il faut dire que le potentiel en termes de trafic dans l’hinterland est plutôt limité. Depuis la réunification allemande, Hambourg est certes idéalement placé pour rallier l’Europe centrale par voie fluviale: l’Elbe offre une liaison directe entre Hambourg et la République tchèque. Pourtant, faute d’aménagements adaptés, la navigation y est compliquée. Selon une étude, le tirant d’eau serait de l’ordre de 1,30 m seulement, pendant 140 jours par an. Loin des 1,60 m qui permettrait d’assurer un service régulier avec des navires chargés à plein. Résultat, 80 % des trafics fluviaux au départ de Hambourg prennent la direction de l’Ouest, où les infrastructures sont meilleures. Pour rendre l’Elbe plus attractive et dynamiser les trafics fluviaux, il faudrait donc lancer un vaste chantier de désenvasement. Pour le Sénat de Hambourg, la balle est dans le camp de l’État Fédéral.
Reste que même si les travaux voient le jour, rien n’indique que cela changera la donne. « À Hambourg, il n’y a pas de culture de la navigation fluviale », constate le cabinet Uniconsult, qui cite cette anecdote révélatrice: « Le canal latéral de l’Elbe a été construit pendant la Guerre froide, non pas pour faire circuler des bateaux, mais pour servir de rempart aux blindés soviétiques, en cas d’attaque… »