Le député Leroy est bien celui qui a signé le rapport sur les voies et moyens de redonner du tonus à la flotte de commerce française. Le député Giacobbi est, depuis mars 2010, le président du Conseil exécutif de la Corse. Schématiquement, la principale conclusion de la centaine de pages (hors annexes) est: tous responsables, mais personne de coupable. Le contribuable en a cependant pris pour au moins 400 M€ en dix ans. Sans compter les amendes qui pourraient être infligées à la République française et à l’Assemblée de Corse si l’une et l’autre ne récupèrent pas chacune les 220 M€ indûment versés à la SNCM, ainsi que l’exige la Commission européenne. Commission dont les avis sont instables. « […] Les pertes patrimoniales et financières totales de l’État sur la SNCM peuvent être estimées au moins à 400 M€, voire 450 M€! Sur la même période, le seul bénéficiaire financier de cette affaire est la société Butler Capital Partners (BCP) qui en a retiré une plus-value de 60 M€. Cette situation choquante aurait pu sans doute être évitée, mais elle est le résultat d’un enchaînement complexe de procédures inappropriées ou mal engagées, d’erreurs d’appréciation, sans qu’aucun élément recueilli (à huis clos en ce qui concerne les auditions; NDLR) ne permette de fonder une action en justice, sans même qu’aucun doute sérieux ne puisse être soulevé en l’état quant à une quelconque connivence qui aurait permis par avance d’obtenir pour l’intéressé ce profit considérable.
Cette plus-value – y compris dans l’évaluation approximative de son montant – était pratiquement inéluctable dès que l’accord a été scellé entre l’État, BCP et Veolia.?Elle n’entraîne en aucune façon qu’au sein de l’État, à quelque niveau que ce soit, un ou plusieurs intervenants auraient pu agir pour permettre à BCP d’en bénéficier. Si rien ne peut être reproché dans cette affaire sur le plan pénal, si même aucune faute morale n’apparaît de la part des intervenants, il est choquant et regrettable que l’on en soit arrivé dans cette affaire – aussi calamiteuse sur le plan économique, aussi lourde de conséquences aujourd’hui au plan social, aussi ruineuse pour l’État – à procurer involontairement une plus-value aussi considérable à un partenaire privé, qui n’a en définitive guère pris de risque, n’a que très peu contribué au redressement de l’entreprise et n’est rentré que le temps nécessaire pour lui permettre une sortie profitable. »
Pas de prévision sur l’avenir à court terme
Après avoir souligné que dix ans après la privatisation, la situation de la SNCM était toujours aussi catastrophique, Arnaud Leroy et Paul Giacobbi se sont refusés à toute prévision sur l’avenir à court terme de la compagnie. Les enjeux sociaux et économiques pour la région Paca sont « considérables », s’est borné à rappeler le député corse, ajoutant que le service public est « nécessaire » à l’île.
Ce rapport est à vocation pédagogique, a expliqué Arnaud Leroy.? Il doit permettre à l’État actionnaire de corriger ses erreurs. Il est même question d’exercer un droit de suite au titre de l’article L 145-8 du règlement de l’Assemblée nationale. Problème, ce rapport ne contient aucune recommandation. Il est purement descriptif.
Arnaud Leroy s’est publiquement engagé à demander au gouvernement comment ont été audités les comptes de Corsica Ferries lorsqu’elle a reçu de l’argent public au titre de l’aide sociale. La lecture de ce rapport ne peut être recommandée qu’aux amateurs de dysfonctionnements systémiques. Pour les maritimistes, elle rappelle une autre privatisation qui a fait, elle aussi, couler beaucoup d’encre: celle de la CGM, voire de la Financière de l’Atlantique pour les plus anciens.