« Il faut offrir aux chargeurs un service fiable et de qualité »

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JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE (JMM): LES MARCHANDISES DIVERSES, À SAVOIR LES CONTENEURS, LE ROULIER ET LE CONVENTIONNEL, ONT TOUJOURS CONSTITUÉ UN DES POINTS FORTS DES TROIS SITES ACTUELLEMENT RÉUNIS SOUS HAROPA. LA CRÉATION DU GIE D’HAROPA A APPORTÉ UN PLUS POUR CETTE FILIÈRE?

BENOÎT MÉLONIO (B.M.): En partie. La création d’Haropa a apporté un plus pour les marchandises diverses sur l’axe de la Seine. L’élément majeur a surtout été la réforme portuaire de 2008. Depuis ces changements dans l’organisation du travail sur les quais, nous avons pu améliorer notre productivité et la fiabilité des ports.

Haropa, créé après la réforme portuaire, a été une étape supplémentaire dans nos succès sur cette filière. Ce GIE nous permet de construire des chaînes logistiques de valeur de bout en bout depuis la Chine, premier pays exportateur, jusqu’au pied de la tour Eiffel.

Haropa a été créé en janvier 2012. Nous avons mis en place les structures. Depuis le début de l’année, nous avons formé les équipes en reprenant les personnels des ports qui ont formé ce GIE. Aujourd’hui, toutes les équipes œuvrent pour les trois sites d’Haropa.

Les équipes commerciales, intégrées dans la direction du développement, ont un directeur commercial, Hervé Cornède. Avec cette nouvelle organisation, les membres de ces équipes ont élargi leur périmètre d’action. Désormais, Hervé Cornède n’est plus le directeur commercial du Havre, mais des trois sites du Havre, de Rouen et de Paris.

JMM: EXAMINONS ENSEMBLE LES DIFFÉRENTS FLUX DE CES MARCHANDISES DIVERSES. SI NOUS COMMENÇONS SUR LA CONTENEURISATION, PENSEZ-VOUS QU’IL FAILLE PRÉVOIR DES INVESTISSEMENTS?

B.M.: En l’état actuel des choses, nous ne ressentons pas le besoin immédiat de nouvelles infrastructures. Notre action est davantage d’ajuster notre offre. Au Havre, nous attendons les derniers postes à quai de Port 2000 et nous devons nous consacrer à revoir la position des terminaux Asie et Osaka.

À Rouen, nous avons un terminal et deux manutentionnaires y opérant. Nous ne constatons pas de saturation et il n’est pas prévu de nouvelles installations. Quant aux sites parisiens, nous avons le terminal de Gennevilliers et le réseau de terminaux secondaires. Notre action, sur l’Île-de-France est avant tout d’améliorer l’existant. Ainsi, nous avons regardé la situation sur les terminaux de Bonneuil, de Bruyères-sur-Oise et de Limay. Il nous est apparu qu’il fallait redimensionner ces terminaux pour les adapter à la demande.

Notre principale action sur les deux dernières années, soit depuis la création d’Haropa, a été de travailler sur l’offre de services dans ces terminaux. Quand nous observons la situation de notre terminal d’Evry, nous disposons dans cette région d’un potentiel de 100 000 EVP répartis sur les différentes zones logistiques de la région. Nous avons encore des marges de progression. Nous devons offrir des services de qualité pour attirer ces flux vers le fluvial.

JMM: QU’ENTENDEZ-VOUS PLUS PRÉCISEMENT SUR CETTE NOTION D’AMÉLIORATION DU SERVICE?

B.M.: Si nous reprenons notre première version du document Haropa 2030, nous estimons notre potentiel de trafic conteneurisé à environ 5 MEVP. Cela signifie que la conteneurisation aura porté une lourde part de la croissance des trafics portuaires au cours des années de 2013 à 2030. Pour atteindre ce seuil des 5 MEVP, il faut offrir aux chargeurs un service fiable et de qualité. Avec la réforme portuaire, comme je l’ai déjà dit, nous avons acquis une fiabilité et une meilleure productivité dans la manutention. Il est difficile d’avoir des statistiques sur ce sujet, mais c’est ce qui ressort des retours faits par les armateurs. Nous menons une démarche sur le service. Nous travaillons avec les professionnels. Ainsi, avec les douanes, nous voulons améliorer la procédure fluvio-maritime pour l’étendre jusqu’à l’entrepôt si le chargeur est certifié OEA (opérateur économique agréé). Nous réfléchissons à de nouvelles offres comme le « cloud containing ». Il s’agit de créer un réseau de dépôt intérieur pour permettre aux armateurs une meilleure gestion de leurs boîtes. Nous voulons aussi ouvrir le système AP + sur notre hinterland comme la Bourgogne et la Champagne. C’est par une coopération plus étroite entre les entreprises, les douanes, les transporteurs fluviaux, Haropa et les commissionnaires que nous gagnerons des parts de marché.

Cette offre de service doit nous permettre de devenir un hub maritime sur le range Nord. Déjà nous enregistrons une croissance de 50 % des trafics de transbordement qui atteignent aujourd’hui 800 000 EVP sur les 2,6 MEVP que nous traitons annuellement. En attirant les plus grands navires actuellement en opération dans les flottes des grands armateurs, nous générons aussi des lignes feeder pour la redistribution européenne. Tout cela participe à notre croissance et s’intègre dans notre stratégie.

JMM: POUR ACCOMPAGNER CES DÉVELOPPEMENTS, AVEZ-VOUS BESOIN D’INFRASTRUCTURES PORTUAIRES ET TERRESTRES?

B.M.: Non, les projets structurants ne sont pas à l’ordre du jour. Nous attendons la mise en opération du chantier multimodal au Havre qui sera un nouvel outil pour notre croissance. Sur l’accès des barges fluviales aux quais de Port 2000, nous reprenons avec l’État le bilan du premier arrêté pour l’accès par la mer de ces barges. Nous souhaiterions qu’il s’assouplisse un peu. Sur un accès par une « chatière », nous avançons sur le sujet. Nous pensons inscrire ces études dans le prochain contrat de plan État-Région.

Les prochains travaux devront surtout concerner la zone d’Achères. Nous espérons en 2020 disposer de 700 ha à 1 200 ha sur ce port pour créer une zone logistique sur l’Ouest parisien. Pour que le port d’Achères soit véritablement opérationnel, il faut attendre le bouclage des liaisons routières rapides dans l’Ouest. Nous avons le fleuve, le fer, les terrains mais il manque la route. Localement, les choses n’ont pas abouti, il manque un consensus pour la réalisation de la boucle complète de la Francilienne par l’Ouest.

Enfin, sur le ferroviaire, le barreau Serqueux-Gisors est devenu une priorité. Cette ligne ferroviaire permettrait de relier par voie ferroviaire les terminaux normands d’Haropa vers Argenteuil et contourner par l’Est la région parisienne pour desservir, plus loin, les marchés de la Suisse et de l’Allemagne du Sud. Elle permet d’éviter le barreau de Mantes-la-Jolie à Paris qui est emprunté pour les trafics de voyageurs.

JMM: AUTRE FILIÈRE DE POIDS DANS LES TRAFICS D’HAROPA, LE ROULIER, QUI PREND UNE PLACE IMPORTANTE. L’ÉCONOMIE DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE TOUSSE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES EN FRANCE. PENSEZ-VOUS QU’IL EXISTE SUR CE SECTEUR DES DÉVELOPPEMENTS?

B.M.: Vous avez raison de le noter, le marché automobile français – et plus globalement le marché européen – souffrent avec la crise économique. Nous disposons d’une offre sur cette filière avec RoRo Max au Havre et une qualité de service qui nous a permis de décrocher des contrats comme Kia, il y a quelques mois. L’élément majeur de cette filière a été le changement de position de nos terminaux. Avec Le Havre, Radicatel et Gennevilliers, les trois sites se sont positionnés pendant des années comme des portes de sortie de la production automobile française. Avec le changement des marchés, il a fallu s’adapter aux nouvelles conditions. Nous sommes passés d’un port d’exportation à un port d’importation. Le défaut majeur de cette filière est la demande. Nous avons les terminaux.

JMM: NOUS AVONS PU VOIR, CES DERNIERS JOURS, DES NAVIRES CHARGÉS AVEC DES VOITURES D’OCCASION POUR LE MARCHÉ EXPORT. EST-CE LÀ UNE NOUVELLE FILIÈRE DE DÉVELOPPEMENT POUR LE TRAFIC AUTOMOBILE?

B.M.: En effet, nous avons réalisé un premier navire d’exportation de véhicules d’occasion. Nous avons constitué, avec les acteurs de la filière, une chaîne logistique fluviale pour ces véhicules. Nous attendons beaucoup de ce premier navire qui pourrait constituer un nouveau débouché pour Haropa. Ce marché peut venir en compensation des pertes que nous avons enregistrées sur le marché des véhicules neufs, sur lequel nous ne sommes pas optimistes et ne préférons pas investir pour le moment en vue d’une reprise.

Il existe aussi une filière automobile qui pourrait décoller dans les prochaines années: la déconstruction des véhicules. Nous disposons de terrains et de terminaux qui sont adaptés pour répondre à la demande. Le cadre juridique de la déconstruction automobile est récent. Il doit se mettre en place et se structurer. Pour répondre à la demande future, nous pouvons proposer des solutions intéressantes avec le fluvial, les terminaux existants et l’ensemble de nos différents services.

Enfin, en devenant un port d’importation de véhicules neufs, nous avons de nouveaux besoins. À l’import, les constructeurs automobiles ont des besoins logistiques différents. Ils veulent pouvoir intervenir sur les véhicules en disposant d’ateliers sur les terminaux maritimes et de moyens de livraisons. Nous avons étendu le terminal du Havre sur une vingtaine d’hectares pour permettre aux opérateurs de réaliser ces opérations.

Avec la crise économique, la visibilité de ce marché est bouchée. Nous devons suivre son évolution en s’adaptant.

JMM: REGARDONS LA FILIÈRE DES COLIS LOURDS. AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES, CE SECTEUR ENREGISTRE DE BONNES PERFORMANCES. QUELLES SONT LES RAISONS DE CETTE CROISSANCE?

B.M.: En créant Haropa autour de l’axe de la Seine, outre l’aspect maritime, nous avons aussi voulu marquer l’importance du mode fluvial. Ce mode de transport est le mieux adapté pour les colis lourds. Nous avons identifié tous les postes à colis lourds dans notre réseau portuaire et nous sommes bien placés. En créant une offre spécialisée pour les industriels, nous avons réussi à démontrer la qualité de nos prestations. Nous gagnons la bataille des colis lourds face aux ports belges. Nous avons pris des parts de marché tant à l’import qu’à l’export.

À Rouen, nous avons un trafic d’importation d’éoliennes terrestres qui sont acheminées par la route sur leur lieu de destination finale. Une utilisation du mode routier qui tient surtout à la fabrication. Les pales sont montées directement sur leurs moyeux. L’encombrement de ce colis le dimensionne difficilement avec le fluvial. Nous avons noué un partenariat avec le port de Gron, en Bourgogne. Une région qui exporte de nombreux colis lourds pour les travaux publics.

JMM: AVEZ-VOUS DES BESOINS EN INFRASTRUCTURES?

B.M.: Pas dans l’immédiat. Avec les structures portuaires dont nous disposons actuellement, nous pouvons sans saturation de terminaux augmenter le trafic de colis lourds. La combinaison entre le fleuve et les sites portuaires de Rouen et du Havre place Haropa comme des portes de sortie naturelles pour cette filière. Nous souhaiterions que l’État fasse un peu plus la promotion de cette filière. Dans la stratégie portuaire nationale, il a bien été souligné l’importance d’accueillir les industries dans nos sites. Les terrains portuaires sont les lieux idéals pour développer l’industrie en France. Et avec Haropa, nous pouvons offrir des solutions logistiques de valeur. Nous menons une démarche vers les industriels pour développer ce trafic.

JMM: LES DESSERTES TERRESTRES REVÊTENT UNE IMPORTANCE MAJEURE POUR UN PORT. LES DIFFICULTÉS À TROUVER UN FINANCEMENT POUR LE CANAL À GRAND GABARIT ENTRE LA SEINE ET LE NORD DE L’EUROPE PEUVENT-ELLES RALENTIR VOTRE CROISSANCE?

B.M.: Seine-Nord est une opportunité et une menace pour Haropa. Il est une opportunité pour ouvrir plus au Nord nos marchés avec une desserte fluviale à grand gabarit. Il sera une menace si nous ne pouvons pas être plus compétitifs que les ports belges et néerlandais. L’important est plus sur nos capacités à offrir des services de qualité. Que Seine-Nord se fasse ou non, nous devons rester compétitifs. Quant à l’avenir de ce projet, il n’est pas un élément bloquant ni au cœur de notre stratégie.

La structuration de notre hinterland passe avant tout par la réalisation, en fluvial, de la liaison à grand gabarit de Bray à Nogent. Elle nous permet une desserte de cette région à des coûts plus maîtrisables.

Du point de vue ferroviaire, le barreau Serqueux-Gisors qui contourne la région parisienne par l’Est et permet la desserte de marchés comme la Suisse et le sud de l’Allemagne, devient une nécessité. Enfin, nous souhaitons une amélioration de la desserte routière du site du futur port d’Achères et du site de Bonneuil. C’est en partie avec ces éléments que se construira la qualité des services d’Haropa.

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