Par un jugement rendu le 13 novembre, onze ans jour pour jour après le naufrage du pétrolier Prestige, le tribunal de La Corogne a relaxé « l’ensemble » des personnes poursuivies dans l’affaire de la marée noire causée par ce naufrage, et « notamment l’équipage » du chef d’inculpation d’atteinte à l’environnement.
Le tribunal a estimé que le « capitaine ne s’est rendu coupable que de désobéissance et de résistance » aux instructions qui lui ont été données. Il a en outre jugé qu’en l’absence d’infractions constitutives d’atteinte à l’environnement, « il n’y avait pas lieu de se prononcer sur la responsabilité civile des personnes poursuivies », ce qui prive les victimes, notamment françaises, de la possibilité de voir leur préjudice indemnisé. Or, le coût entraîné par cette marée noire est estimé à 109,7 M€ pour les victimes françaises, dont 67,5 M€ supportés par l’État pour lutter contre la pollution.
Le pourvoi en cassation contre ce jugement vise à faire reconnaître par la Cour suprême espagnole l’existence d’une infraction pénale d’atteinte à l’environnement en raison des actes commis par le capitaine et l’équipage. Il permettra également de contester les conclusions du tribunal de la Corogne en termes de responsabilités civiles.
Ce recours intervient « en cohérence » avec la position du procureur général espagnol et du gouvernement espagnol, qui ont également décidé de se pourvoir dans ce dossier.
Indignation de l’Afcan
Réuni le 25 novembre, le bureau de l’Association française des capitaines de navires (Afcan) estime qu’il est contraire à la présomption d’innocence de désigner le capitaine et les marins comme seuls responsables de la marée noire, alors que le tribunal de La Corogne a relaxé « l’ensemble » des personnes poursuivies. Cela institue la « criminalisation du capitaine et des marins et n’est rien d’autre que la recherche d’un fusible » ou d’un « bouc émissaire ». L’Afcan ne peut l’accepter et manifeste son « indignation ».
C’est aussi, poursuit l’Afcan, une « tentative officielle et publique d’influencer » en ce sens le jugement de la Cour suprême espagnole que le gouvernement espagnol appréciera à sa juste mesure.
Une catastrophe sans responsables
Absence de détermination des causes de l’accident et de responsabilité pénale. Après presque dix années d’instruction et un méga procès de neuf mois, le jugement de la marée noire du Prestige, le pétrolier coulé au large des cotes de Galice en novembre 2012, a laissé les Espagnols pantois. Pour le président du tribunal, Juan Luis Pia, l’accident a été le résultat du « hasard ». Les accusés ont été blanchis du délit d’« atteinte à l’environnement ». Seul, Le capitaine du navire, Apostolos Mangouras, a été condamné à neuf mois de prison pour désobéissance: il a refusé, dans un premier temps, de faire remorquer le navire vers le large comme le lui demandait l’administration espagnole. En raison de son âge (78 ans), celui-ci ne sera pas incarcéré. La responsabilité de la société de classification ABS est reconnue par le tribunal mais celle-ci n’était pas sur le banc des accusés.
Le procès aboutit surtout à mettre hors de cause l’administration espagnole. Le directeur de la marine marchande de l’époque, José Luis Lopez-Sors, le seul responsable public impliqué par la Justice, en ressort totalement blanchi: le tribunal considère « correcte » la décision, pourtant polémique, d’ordonner l’éloignement du navire des côtes de Galice. Les écologistes et les associations ont toujours considéré que l’état du navire permettait de le faire entrer dans un port, ce qui aurait permis d’éviter le désastre. On attend maintenant un recours auprès du Tribunal suprême espagnol qui clôturerait la voie pénale. Resterait alors la procédure civile: elle risque d’être longue.