« La circulation dans les glaces constitue l’une de nos expertises. De son côté, l’École nationale supérieure maritime est spécialisée dans l’enseignement, a déclaré Jean-Emmanuel Sauvée, président du directoire de la Compagnie du Ponant. L’alliance des deux compétences a permis la mise au point d’un module “glace” sur le simulateur de l’ENSM à Marseille. » Il a fallu deux années de travail en commun aux deux partenaires pour concrétiser le projet. C’est la durée nécessaire pour parvenir à construire des modélisations d’exercices dans les conditions de navigation en Arctique et en Antarctique. Sachant que jusqu’à présent, le simulateur de l’ENSM à Marseille ne proposait que des exercices standards de navigation. La mise au point des modélisations s’est appuyée sur les données techniques de deux navires de la Compagnie du Ponant, le Boréal et l’Austral. Ces deux navires effectuent des croisières en Antarctique, en Arctique et dans le Grand Nord, plus particulièrement en Géorgie du Sud, dans les îles Shetland du Sud, en Russie, au Canada, dans la mer de Baffin, au Groenland, en Islande, au Spitzberg. L’expérience et les connaissances des officiers de ces deux navires ont aussi été utilisées pour mettre au point le module glace du simulateur. Ils sont en effet parmi les rares officiers spécialisés dans la navigation en Arctique et Antarctique, la Compagnie du Ponant étant la seule en France à faire de la navigation en zone polaire de manière régulière. Avec l’ajout du module glace, le simulateur de l’ENSM à Marseille devient le seul en France à proposer des formations en situation de navigation polaire. Ces dernières sont destinées aux jeunes officiers de la Compagnie du Ponant appelés à naviguer sur le Boréal ou l’Austral.
Apprendre le sens marin
Les stages proposés durent trois jours et combinent un enseignement théorique et un apprentissage pratique. La partie théorique présente surtout des précisions sur les différents types de glace, la météorologie, notamment avec les spécificités du vent catabatique. Le volet pratique de la formation porte sur les manœuvres spécifiques à la navigation glace et les facteurs humains. Selon Hervé Baudu, chargé de la formation navigation glace sur le simulateur à l’ENSM Marseille, « les officiers doivent acquérir des connaissances manœuvrières sans recourir au GPS et aux images radar car, en zone polaire, les fonds marins sont peu cartographiés, les courants et les glaces sont très changeants. Il faut apprendre ou réapprendre le sens marin aux officiers ». Concernant les facteurs humains, la navigation en zone polaire nécessite une organisation spécifique de la passerelle avec au moins trois ou quatre officiers de quart et un dialogue permanent entre eux. « Cette navigation nécessite une grande humilité, notamment du commandant, explique Hervé Baudu. Ce dernier reste le leader mais seulement après avoir obtenu une convergence des avis de tous ses collaborateurs à la passerelle. » Le simulateur permet aux navigants de la Compagnie du Ponant de s’immerger dans des situations de navigation en zone polaire au plus près que possible de la réalité. « Il s’agit de désinhiber les officiers qui vont se retrouver en vraie situation à bord des navires, de créer des réflexes automatiques qui sont très différents de ceux utiles en navigation hors de l’Antarctique et de l’Arctique », souligne Hervé Bodu. « Nous anticipons aussi l’arrivée du code polaire qui pourrait être adopté mi-2014 et comprendre un volet obligatoire de formation sur simulateur », conclut Jean-Emmanuel Sauvée.