JOURNAL DE LA MARINE MARCHANDE: Le port autonome de Pointe-Noire est le croisement africain des routes entre l’Asie, l’Europe et l’Amérique. Êtes-vous positionné comme un hub en Afrique de l’Ouest?
Fort de sa situation géographique privilégiée, le port de Pointe-Noire est effectivement placé au confluent des axes maritimes internationaux reliant l’Afrique à l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Nord et du Sud. Il est aussi l’un des principaux ports en eau profonde de la côte occidentale d’Afrique. Ces atouts naturels font du port de Pointe-Noire, l’une des plates-formes les plus fréquentées par les grandes compagnies maritimes au nombre desquelles figurent Mærsk, Safmarine, CMA CGM, Nile-Dutch, Asiatic Shipping, PIL et Cosco.
Au terme d’une étude sous la conduite de l’Agence française de développement, le port autonome de Pointe-Noire a mis en place un programme d’investissements prioritaires dont l’un des projets majeurs était la construction d’un terminal à conteneurs moderne, adapté aux mutations du secteur des transports maritimes et de l’industrie portuaire, afin de réhabiliter sa vocation historique de port de transit et conforter sa position de plate-forme de transbordement de la sous-région.
Actuellement, avec la mise en œuvre de ce programme, nous notons une forte croissance du trafic général et particulièrement celui des conteneurs, passé de 49 577 EVP en 2002 à 509 037 EVP en 2012 soit une hausse de plus de 900 % en dix ans dont 70 % en transbordement à destination des ports de Cabinda, Matadi, Soyo, Luanda, Owendo, Bata, Cotonou, Abidjan, et Dakar en 2013.
En considération de ces données d’exploitation, il est évident que le port de Pointe-Noire est un hub dans le golfe de Guinée.
Cette fonction va se renforcer avec la mise en service en 2014 des postes à quais de plus de 300 m, dragués à 16 m et pouvant recevoir les navires de 8 000 EVP qui ne pourront escaler que dans deux ou trois ports de la côte ouest-africaine.
En outre, grâce à un réseau de transport terrestre d’une longueur de plus de 3 000 km, le port de Pointe-Noire a pour mission de desservir un vaste hinterland constitué par la République du Congo, le sud du Gabon, la République Centrafricaine, le sud-est du Cameroun, le sud du Tchad. Cet hinterland s’étend à d’autres pays de la sous-région: la République démocratique du Congo et une partie de l’Angola.
JMM: Disposant d’atouts maritimes et d’un hinterland large sur l’Afrique subsaharienne, quels sont, d’après vous, les points à améliorer par une autorité portuaire comme la vôtre pour qu’un navire de 16 000 EVP touche les ports de l’Afrique de l’Ouest?
Les ports africains, à l’image des grands ports européens ou asiatiques (Rotterdam, Le Havre, Busan, Shanghai…), ont tendance à mettre sur pied des programmes d’investissements en adéquation avec les mutations du transport maritime notamment « la conteneurisation et le gigantisme des navires affiliés ». Ces plans visent, entre autres, à améliorer la capacité d’accueil des géants des mers dits triple E.
Pour les ports de la côte ouest-africaine, l’escale des triple E est étroitement liée aux volumes des échanges commerciaux entre la sous-région (golfe de Guinée) et les grands pôles économiques du globe.
D’un point de vue portuaire et de façon générale, les actions à entreprendre seront principalement orientées vers:
• l’aménagement des infrastructures modernes (aires d’entreposage suffisantes), le réaménagement des infrastructures existantes, l’installation de l’outillage adapté aux caractéristiques de ces géants de mers (portiques de quais, et de parc de type RTG); à ce titre, le port de Pointe-Noire a déjà réalisé plus de 75 % de ces travaux d’aménagement et acquis une partie de l’outillage approprié;
• l’approfondissement des bassins, quais et chenaux à plus de 16 m afin d’accueillir des navires de port en lourd aussi élevé;
• l’apport de capitaux privés et du professionnalisme nécessaire aux investissements et acquisition des technologies adaptées;
• l’adaptation du secteur public portuaire (Douanes, ministère de Commerce, Marine marchande) aux mutations et performances de l’économie maritime et portuaire mondiale avec le concours des gouvernements pour la mise en place des procédures de facilitation de passage portuaire (scanner, adaptation des codes, régimes et tarifs des Douanes, guichet unique, réduction des coûts et délais de passage portuaire…);
• l’amélioration des dessertes terrestres inter-États et le développement des corridors, conformément au NEPAD, la valorisation du transport multimodal, la création de platesformes logistiques et ports secs qui « prolongent » les quais vers l’hinterland et « rapprochent » les ports maritimes des territoires sans littoral, tout en assurant une meilleure performance de ces derniers;
• les technologies de l’information et de la communication visant la dématérialisation du traitement des marchandises au sein de la communauté portuaire;
• l’application effective du code ISPS et la sécurisation des ports face à la montée de la piraterie;
• la démarche qualité vers les meilleurs standards internationaux.
En corollaire à l’adaptation des infrastructures portuaires et autres facilitations, les compagnies maritimes visent de prime abord la rentabilité de l’escale « le trafic appelle le trafic », ce qui implique le passage de nos ports vers les ports de troisième et quatrième générations.
L’industrialisation des ports au travers de la création de zones franches économiques à l’image du port de Dubaï et de la zone industrielle de Jebel Ali aux Émirats arabes unis, et surtout, le développement des activités économiques dans l’hinterland qui sont favorables à l’émergence des industries d’équipements et de transformations tournées vers l’exportation.
Avec un hinterland de plus de 100 millions d’habitants, constitué de grandes métropoles comme Kinshasa, Brazzaville, Bangui et Ndjamena… et desservi par un réseau routier de plus 3 000 km et un système de transport multimodal (fer-route-fluvial), le port de Pointe-Noire se présente comme « une pierre angulaire de l’articulation logistique de la région du bassin du Congo », doté d’une forte capacité de résorber le trafic induit par les navires de 16 000 EVP.
De même, la position géographique privilégiée du port de Pointe-Noire permet aux armateurs de faire de ce dernier un port d’éclatement pour l’Amérique latine (Brésil, Argentine…) et pour le range nord européen à l’exemple d’Algésiras en Méditerranée.
Tels sont les points que les autorités portuaires avec l’appui des États doivent améliorer pour que les ports d’Afrique de l’Ouest puissent accueillir les navires de 16 000 EVP et pourquoi pas davantage?