Le 27 janvier à minuit, le roulier Ciudad-De-Cadiz, 126 m de long pour une voilure latérale de 2 638 m2 avec un tirant d’eau de 4,50 m, arrive sur ballast à Mostyn « à la faveur d’une fenêtre météo (15 à 20 nœuds de vent) », en attente de chargement. Compte tenu des mauvaises prévisions météo (avis de tempête force 10) et de la très faible protection offerte par les infrastructures portuaires contre les vents dominants, le navire renforce son amarrage qualifié d’« optimum ». Les prévisions sont justes: à 12 h 04, le vent d’ouest/sud-ouest monte brutalement à 45 nœuds. Par rapport aux défenses des ducs d’Albe, le déplacement de l’arrière du transporteur des éléments de l’Airbus A380 passe de 0,5 m/1 m à 1 m/1,50 m. Toutes les amarres arrière sont « perdues ». La garde le sera 9 mn plus tard. À 12 h 16, les deux moteurs sont opérationnels. Une minute plus tard, les amarres avant sont également perdues. L’ancre tribord est remontée de crainte qu’elle ne perce la coque compte tenu de la faible hauteur disponible après une dérive vers l’Est. Considérant que le vent l’empêche de quitter le port, le capitaine, aidé du pilote, tente par tous les moyens d’atteindre les eaux profondes du port. « En considérant la surface limitée du bassin d’évitage et le fait que la mer avait commencé à baisser, force est de constater que le navire est “piégé”, compte tenu de ses caractéristiques et de la configuration du port de Mostyn », estime le BEA. Le navire s’échoue à 13 h 25 sur un fond plat, de sable et de vase. Sans gîte. Géré par Louis Dreyfus Armateurs, il est déséchoué le 9 février.
Les conditions météo sont considérées comme le facteur « déterminant » de l’accident. Le facteur « déclenchant » réside dans le fait que des rafales à plus de 55 nœuds ont généré une force de l’ordre de 130 t sur le travers bâbord du navire. Ce qui a provoqué des mouvements de l’arrière atteignant le 1,5 m. Les amarres « commencent alors à glisser sur les tambours de freins, jusqu’à forcer sur les freins. Les treuils dévirent alors lorsque la traction dépasse les valeurs comprises entre 30 t et 45 t ».
Sont considérées comme facteurs « aggravants » la réduction de la résistance de freinage due à des dépôts de la peinture de protection sur les tambours de frein ainsi que l’augmentation de la tension appliquée sur les treuils de force résultant de la présence de plusieurs couches d’aussières sur ces treuils.
Recommandations françaises
En conséquence, le BEAmer recommande aux services météorologiques couvrant le port de Mostyn et sa région d’étudier dans les archives climatologiques si le caractère récurrent de séquences tempétueuses progressives peut être identifié, afin de mieux appréhender les conséquences du passage de fortes dépressions.
Il recommande au port de Mostyn, faute de pouvoir améliorer ses possibilités d’accueil, de préciser, en cas de conditions météorologiques dégradées et notamment au vu des résultats de l’étude recommandée ci-dessus, les règles d’accès au port et d’appareillage en temps utile si nécessaire (il vaut mieux perdre trois jours plutôt qu’un navire). Il lui recommande également d’élaborer un plan d’urgence pour les navires à grand fardage, en cas de forte tempête de nord-ouest et de risque de rupture de l’amarrage.
Le BEAmer recommande à l’armateur:
– de mener à bien les études et mesures déjà initiées (calculs, modélisation navire, vent, courant) permettant de déterminer les limites de l’amarrage et ses possibilités d’amélioration;
– réglage des aussières sur les tambours de force;
– vérification et entretien des tambours de freins (état de surface);
– familiariser les équipages aux conditions de fonctionnement aux limites des possibilités des treuils électro-hydrauliques.
Pour mémoire
Le 28 octobre, cela fera exactement un an que le car-ferry Napoléon-Bonaparte a rompu ses amarres à la digue du large de Marseille, une nuit de grand vent. Il a traversé le bassin pour venir heurter un angle de quai. Deux compartiments noyés dont la salle des machines. Pas de rapport disponible sur le site internet du BEAmer à la date du 8 octobre.